Enfin, la Banque Centrale vient de décider d'augmenter de 50 point de base son taux directeur, de 4,25% à 4,75% et de relever le taux de l'épargne dans la même proportion le portant ainsi à 4%. Enfin, car, cette mesure de bon sens aurait du être adoptée voilà au moins deux mois. Les indicateurs économiques et financiers du début d'année alertaient déjà l'institut d'émission sur la nécessité de serrer la vis sur le marché monétaire et implicitement sur celui des changes. Le déficit de la balance commerciale durant les deux premiers mois de l'année annonçait l'inéluctable pression sur le taux de change compte tenu du niveau des réserves en devises du pays. Le choix de la Banque Centrale de privilégier l'option d'une dépréciation du dinar au lieu d'un relèvement du taux directeur procédait d'une analyse qui à l'épreuve des faits ne s'est pas vérifiée. En maintenant inchangé son taux directeur, la BCT espérait encore que cela favoriserait l'investissement, garant fondamental d'une croissance durable. Dans le même temps, l'autorité monétaire n'a pas hésité à satisfaire à tour de bras les besoins de liquidités du secteur bancaire pour peu que ces besoins traduisent un appétit d'investissement des entreprises et des promoteurs. Or, la réalité est tout autre. Les crédits octroyés par le secteur bancaire durant l'année 2016 étaient plus destinés à la consommation qu'à l'investissement. Les crédits de consommation accordés aux particuliers par le système bancaire ont augmenté d'environ 300%, passant de 340 MD en 2015 à plus d'un milliard de dinars. Quant aux crédits accordés aux professionnels, ils ont concerné plus les crédits de court terme essentiellement destinés à l'exploitation que les crédits de moyen et long terme qui traduisent l'acte d'investissement. Exemple : le volume des crédits de court terme accordés au secteur industriel a plus que doublé, passant de 0,6 milliard de dinars en 2015 à 1,4 milliards dinars en 2016, alors que les crédits de moyen et long terme ont chuté de moitié, passant de 256 MD à seulement 117 MD d'une année à l'autre. Et ce n'est pas tout. Les crédits de court terme accordés au secteur des services sont demeurés stables durant ces trois dernières années oscillant autour d'un milliard de dinars, crédits dont une bonne partie a servi à gonfler les importations en produits de consommation. Ainsi, l'investissement n'a pas décollé et la consommation n'a pas donné de signe de fléchissement, particulièrement la consommation d'importation. C'est là le résultat de la politique « accommodante » de la BCT. Plus, elle a implicitement favorisé, à tout le moins fait preuve d'indifférence, face à la périlleuse détérioration de la balance commerciale et donc à la dégradation du solde des paiements extérieurs du pays, estimant à tort qu'une dépréciation du taux du change allait freiner le phénomène.
Aujourd'hui, la BCT s'est rendue à l'évidence qu'une hausse du taux directeur s'impose. Elle s'impose « pour stimuler l'épargne et renforcer la liquidité », indique le communiqué issu de la dernière réunion du Conseil de la Banque pour expliquer la décision d'un relèvement du taux directeur. Ainsi, l'autorité monétaire change son fusil d'épaule. La décision constitue une invitation aux banques à booster leur politique de collecte de l'épargne pour satisfaire leurs besoins de liquidités, la BCT n'étant plus en mesure de combler, systématiquement, ces besoins, particulièrement les besoins de crédits de consommation de biens importés. Certes, cette décision va enchérir le crédit, particulièrement le crédit destiné à l'investissement. Cependant, cette tendance peut être tempérée par l'arsenal des incitations et des avantages contenus dans le nouveau code de l'investissement, alors que le crédit à la consommation n'est tempéré par aucun garde-fou, pas même la dépréciation du taux de change et de son effet prix.
Imaginons que le relèvement du taux directeur de la BCT soit intervenu un mois plus tôt. Aurait-on vécu la panique ayant saisit le marché de change à la suite des déclarations ou supposées telles de la ministre des Finances sur une valeur de l'euro à trois dinars en fin 2017 ? Car, en fin, si telle serait la situation, la responsabilité n'incombe nullement à Lamia Zribi, ni au ministère des Finances. En revanche, elle doit être assumée au premier chef par Chedly Ayari, gouverneur de la Banque Centrale et Zied Laâdhari, ministre du Commerce et de l'Industrie, compte tenu de leur périmètre de compétence respective.