Actualité estivale assez relax cette semaine. Le chef du gouvernement était parti à Washington où il a réussi à donner une bonne image du pays et de sa personne. Ceci devrait plaire à son « tuteur » Béji Caïd Essebsi dont le nom a été souvent cité dans les réunions de Washington de Youssef Chahed. Le succès de l'un est intimement lié à celui de l'autre et vice-versa. Ils le savent tous les deux. Pour le moment, les deux têtes de l'exécutif, président de la République et chef du gouvernement, semblent travailler en parfaite symbiose. Pourvu juste que les parasites les laissent tranquilles. A la tête de ces parasites, les différents dirigeants de Nidaa Tounes, supposé être le parti de Youssef Chahed. Après avoir fait vider le parti de tous ses leaders charismatiques, ces dirigeants catapultés grâce à leurs récentes amitiés ou leur filiation, empêchent la machine de tourner en rond et à fond. Béji Caïd Essebsi en a-t-il conscience ? La chose lui a été dite à plusieurs reprises, mais il a parfois tendance à l'oublier une fois rentré chez lui le soir. Protéger, rassurer et soutenir Youssef Chahed jusqu'en 2019 devrait être une priorité pour le président de la République, il y va de l'intérêt de la Tunisie et du sien s'il veut rester dans la postérité à l'image de feu Habib Bourguiba.
Mardi 11 juillet, l'avocate et grande militante Radhia Nasraoui a entamé une grève de la faim. La raison ? Revendiquer pour son époux Hamma Hammami une escorte digne de ce nom. Le leader du Front populaire vit depuis 2012 sous la menace permanente. Contrairement à beaucoup d'autres dirigeants politiques, M. Hammami ne sombre pas dans la paranoïa ou la mégalomanie. Il a « réussi » à se mettre à dos différentes factions. Cela commence par les gigolos qui ont appris « les choses de la religion » en 2011 jusqu'aux islamistes radicaux en passant par les « révolutionnistes » de la dernière heure et les caciques du pouvoir. L'homme qui dit toujours non n'a pas la vie facile, c'est un fait. De là à lui accorder des 4x4 et des hommes armés à toute heure pour le protéger, ça se discute. Sauf que voilà, Hamma Hammami a le chic de faire foirer les causes les plus justes en raison de sa mauvaise communication et d'une mauvaise stratégie de défense de ces causes. Le comble pour un homme politique d'être incapable de défendre ses propres causes. La grève de la faim de son épouse Radhia Nasraoui est à inscrire dans ce passif des fautes politiques.
La victime dans cette affaire, si on peut vraiment l'appeler victime car tout le monde n'est pas convaincu par cette nouvelle « cause », s'appelle Hamma Hammami. Pourquoi donc c'est son épouse Radhia Nasraoui qui observe la grève de la faim et pas lui ? La solidarité conjugale ne justifie pas tout. Une fois la grève entamée, pourquoi M. Hammami est-il resté loin des projecteurs ? Cette même solidarité conjugale devrait l'inciter à observer lui-même une grève de la faim ! On a du mal à accepter l'idée que Hamma est en train de dîner le soir pendant que son épouse se suffit d'eau sucrée rafraîchissante ou plutôt désaltérante. Le dernier point, et à mon avis le plus grave, c'est la banalisation de la grève de la faim elle-même. Cette technique de résistance et de militantisme est d'une véritable violence pour le corps. Elle est la plus radicale et on en use quand toutes les autres sont épuisées. Quand on arrive au point où l'on ne peut communiquer qu'à travers la grève de la faim, cela suppose que Hamma Hammami a déjà parlé de sa « cause » avec les services compétents du ministère de l'Intérieur, sollicité le ministre de l'Intérieur, sensibilisé le chef du gouvernement, averti le président de la République et alerté l'opinion publique via les médias. De tout cela, rien n'a été fait à ce que l'on sache. Et s'il a été fait, c'est qu'il n'a pas été fait correctement pour que ces différents hauts responsables de l'Etat soient conscients du danger encouru.
Quoiqu'il en soit, le choix d'aller vers la grève de la faim est contestable et ne sert pas Radhia Nasraoui. Encore moins Hamma Hammami. Le danger est l'opinion publique ne soit plus sensible à la technique même de la grève de la faim. On se rappelle encore de cette fameuse année 2001 quand Taoufik Ben Brik a utilisé avec brio et succès cette technique pour obtenir son passeport injustement confisqué par l'ancien régime. Cette banalisation est dangereuse pour tous les militants de causes futures et c'est désolant que ce soit une grande militante comme Radhia Nasraoui qui en use. Depuis quelque temps, exactement depuis le lendemain des élections, Hamma Hammami patauge. Il navigue à vue et il lui arrive souvent de dire (ou faire) tout et n'importe quoi. De communiquer n'importe comment. Un homme politique, quel qu'il soit, a besoin d'un conseiller permanent en communication qui l'accompagne partout dès lors qu'il a une apparition publique. Pendant un temps, M. Hammami était coaché par Ryadh Ben Fadhl. Puis par Sondes Zarrouki. Et puis… Et puis, plus rien ! Seul, Hamma Hammami ne sait pas faire et ne sait pas communiquer. Ce n'est pas une tare, on ne lui demande pas d'être un as autonome de la communication. Aucun ne l'est. Les techniques de la communication ont tellement évolué avec le temps que les plus grands hommes politiques (y compris aux Etats-Unis et en Europe) ont besoin d'être « assistés » par des dircoms de valeur. Avec une légère exagération, on peut dire qu'un bon dircom peut réussir à donner une excellente image d'homme d'Etat de quelqu'un incapable de diriger une épicerie. Et on en a des exemples en la matière en Tunisie.
Pourquoi donc Hamma Hammami s'est-il délesté de ses directeurs de communication et pourquoi ne les a-t-il pas remplacés au point de devenir aujourd'hui, hélas, la risée de tous ? Est-ce sensé que « d'envoyer » son épouse observer une grève de la faim à sa place ? Est-ce sensé de « pleurnicher » ainsi devant tout le monde ? Est-ce sensé de faire parler de soi de cette manière alors que le pays souffre de terrorisme, de chômage, de corruption, de déficit d'investissement, de déficits budgétaires ? Quel signal donne-t-il à son public cible (les démunis) quand il exige de l'Etat de lui fournir un 4x4 pour aller chez le coiffeur alors que ses électeurs fidèles n'ont pas de quoi s'offrir un dîner ? Finalement, par cette grève de la faim, Radhia Nasraoui n'a servi que les adversaires politiques de son époux. S'il y avait un bon dircom chez le couple Hammami, il leur aurait dit : « Quand on n'a rien à dire, il vaut mieux ne pas le faire savoir ». Le silence et l'absence sont également des techniques de communication efficaces pour un homme politique qui veut aller loin.