Comme nous ne sommes pas à une polémique près, parlons de celle qui semble se dessiner entre la Télévision nationale et la Fédération tunisienne de football. Dans un courrier adressé à la télévision, la FTF, entre autres points, condamne l'institution publique au versement de 950 mille dinars d'amende. Cet argent correspond à la diffusion de 19 « moviolas »* différentes sur toute la saison 2016-2017. En fait, la FTF a signé avec la Télévision un contrat de diffusion qui interdirait, dans l'un de ses articles que les moviolas soient diffusées si elles sont enregistrées par une caméra sans passer par le bus de régie. Donc, la Télévision nationale ce serait amusée pendant toute la saison de foot à diffuser des séquences qui seraient non conformes au contrat établi avec la FTF.
Admettons que les responsables de la Télévision et de l'émission « Al Ahad Erriadhi », l'émission phare du football tunisien, soient d'une telle incompétence qu'ils font exprès de violer le contrat pendant toute une saison. Admettons aussi que notre championnat de football mérite tout ce tapage. Cela donne-t-il le droit à la fédération de football de faire une telle demande ? Selon le SNJT, qui a réagi à l'affaire dans un communiqué, cette sanction a été décidée de manière « unilatérale et sans avertissement ». Le syndicat s'indigne du fait que la FTF s'ingère de cette manière dans le contenu d'une émission de télévision et tente d'influencer sa ligne éditoriale.
Mais au-delà de l'existence, ou pas, d'un préjudice quelconque, c'est la manière qui dérange. Car la FTF entend interdire les journalistes et techniciens de la Télévision nationale d'accès aux stades tant que le paiement de cette amende n'est pas effectué. Donc, la fédération de football se comporte en propriétaire des stades et du foot tunisien et se permet de dire qui a le droit d'entrer et qui a le droit de filmer. Elle se comporte en vrai racketteur qui décide de sanctionner qui elle veut quand elle veut.
Et le citoyen dans tout ça ? Il subit et se tait. Il est obligé de payer une redevance télé dans sa facture d'électricité en espérant regarder au moins le foot à la télé, de passer cette soirée du dimanche devant cette émission pour se vider la tête, mais il ne pourra pas le faire si la télévision n'a plus de matière à diffuser. De l'autre côté, il se trouve avec une fédération de football qui le prend en otage et qui se comporte en rapace. S'il fallait parler de la fédération de football, il faudrait évoquer les résultats très peu reluisants de notre équipe nationale entrainée pourtant par des techniciens payés à coups d'euros et de millions de dinars. Et si l'on parle argent, la fédération pourrait-elle fournir un audit détaillé de l'utilisation qu'elle fait de la manne annuelle des droits télés ? Est-ce que l'argent perçu et qui vient de la Télévision nationale mais aussi de certaines de chaînes du Golfe est bien dépensé ? Est-ce qu'il va réellement et en majorité au soutien financier des petits clubs des divisions inférieures et aux amateurs ?
Comme la situation générale est en train de se détériorer et qu'on revient petit à petit à un climat délétère, le football redeviendra l'exutoire qu'il a toujours été. Par conséquent, il est dangereux de jouer avec le droit du citoyen à regarder un match de foot à la télé. Cela peut paraitre futile comme préoccupation, mais les connaisseurs de la Tunisie savent à quel point le foot peut revêtir une dimension politique. Il est extrêmement dangereux de se mettre les supporters et le « virage » à dos. D'autres ont essayé…
*La moviola est une séquence de l'émission « Al Ahad Erriadhi » pendant laquelle des experts décortiquent, vidéo à l'appui, la prestation de l'arbitre du match