Quand on pense avoir touché le fond, en termes de bassesse politique, Nidaa Tounes est toujours là pour nous montrer qu'il est toujours possible d'aller plus loin. On croyait, naïvement, qu'ils ne pouvaient pas faire pire que la compromission avouée de certains députés avec les barons de la contrebande, qu'on ne pouvait aller plus bas que le fait d'enregistrer les conversations en réunion et de les faire fuiter. Et bien détrompons nous, il est possible de faire pire. Une député de Nidaa Tounes, Youssef Jouini, a enregistré et publié une conversation téléphonique entre lui et le chef de son bloc parlementaire, Sofiene Toubel. Ce dernier demande à l'élu de lui envoyer le plus vite possible le CV de son fils parce que Hafedh (Caïd Essebsi) va le placer en tant que délégué. S'en suivent des remerciements chaleureux de la part de Youssef Jouini et la question : « Je te l'envoie en SMS ? ».
Le pire dans tout ça, c'est les justifications qui viennent ensuite. Khaled Chouket par exemple, n'a pas fait dans l'originalité en disant que les propos de Sofiene Toubel étaient sortis de leur contexte et qu'il est normal pour un chef de bloc parlementaire de demander les CV des « compétences ». Si on avait besoin d'une illustration de foutage de gueule, M. Chouket nous l'a fournie. Il y a aussi Youssef Jouini, l'élu en question. Il a dit qu'il ne voulait pas, à la base, que son fils soit désigné en tant que délégué, tout en fuitant une conversation qui dit le contraire. Et puis il a dit qu'il n'était pas nécessaire pour un délégué d'être diplômé, et qu'il y en avait des dizaines qui n'ont même pas le bac. Merci monsieur le député d'illustrer si bien la médiocrité. De l'autre côté, on a Abdelaziz Kotti, récemment revenu au bercail Nidaa Tounes, qui invite les politiciens tunisiens à « élever le débat » et à « arrêter les petites querelles pour se concentrer sur les réelles préoccupations des citoyens ». Faut-il en rire ou en pleurer ?
Sinon, il faut comprendre que Hafedh Caïd Essebsi a le pouvoir de désigner et de placer les délégués, au moins, comme bon lui semble. Donc, il s'agit d'une reconversion du parti-Etat qu'on croyait parti avec la révolution. Il y a eu d'abord Ennahdha qui a placé ses pions un peu partout dans l'administration et maintenant il y a Nidaa qui donne les postes comme bon lui semble. Evidemment, les critères de sélection n'ont rien à voir avec la compétence ou avec l'intégrité. Il s'agit plutôt de récompenser les plus fidèles parmi les petits soldats, quitte à placer un jeune sans aucune qualification au poste important de délégué. Voilà comment fonctionne cet Etat de voyous et voilà comment se font les nominations. Voilà surtout ce que voit et entend le citoyen tunisien. Allez maintenant lui parler de lutte contre la corruption, de transparence et d'efficacité. Dans quelle position se retrouve le chef du gouvernement, Youssef Chahed, quand ce genre de pratiques honteuses lui est transmis. Voilà votre parti, monsieur le président. Voilà comment il fonctionne et comment il infiltre votre gouvernement. Mais je ne pense pas que vous le découvrez. Avec quelle crédibilité et quelle confiance allez-vous maintenant demander des sacrifices aux citoyens et aux entreprises ? Vous allez demander un effort national pour pouvoir payer ces élus et leurs enfants ? « La guerre contre la corruption n'épargnera personne » disait notre chef du gouvernement. On aurait tellement voulu le croire. En attendant, les Toubel, HCE et autres, font ce qu'ils veulent dans le pays et s'accaparent des privilèges et se rendent service entre eux. Ils se gratifient par des postes et des avantages et osent ensuite déclarer tout haut qu'ils sont blancs comme neige et que Nidaa Tounes est le parti le plus important de Tunisie. Le tout mélangé avec une espèce de désespoir latent et de colère sourde. Méfiez vous car la colère ne restera pas muette longtemps.