Après quatre ans de procédures, la présidente de l'Instance Vérité et Dignité Sihem Ben Sedrine vient de perdre son procès pour diffamation contre le directeur de Business News, Nizar Bahloul. Le verdict a été prononcé par la Cour d'appel de Tunis mercredi 7 février 2018 et rend justice au journaliste. Sihem Ben Sedrine a intenté deux procès successifs contre lui après la publication de trois articles d'information et d'opinion que la plaignante estime diffamatoires. Exemples de passages « diffamatoires » cités par Mme Sedrine dans sa plainte. Le fait qu'elle ait parlé de barbes artificielles, d'avoir défendu les LPR, le fait qu'elle ait reçu de l'argent de l'étranger, le fait qu'elle ait dilapidé l'argent de Nasr Ali Chakroun (son associé à sa radio Kalima tombée en faillite depuis). Sihem Ben Sedrine estime que ces articles portent atteinte à sa réputation et lui ont provoqué un préjudice moral. D'après le texte de l'une de ses plaintes, ces articles enfreignent le décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse. Dans sa plainte, il est dit qu'aucune des données présentes dans les articles n'est vraie et que le journal a sciemment publié la photo de la plaignante. La plainte est également civile et Sihem Ben Sedrine a réclamé un dédommagement pour le préjudice moral qu'elle a subi exigeant que des extraits du jugement du tribunal soient publiés sur Business News.
Le premier des articles objet des plaintes de Mme Ben Sedrine a été publié le 26 décembre 2013 ayant pour titre « Sihem Ben Sedrine rattrapée par ses casseroles ». Le passage jugé diffamatoire par la plaignante mentionne : « Si beaucoup ont milité pour défendre une cause et sans rien chercher en retour, à l'instar de Tahar Ben Hassine, Taoufik Ben Brik ou Samir Dilou, ce n'est pas le cas de Sihem Ben Sedrine qui était royalement subventionnée par des instances étrangères pour « militer ». D'où provenait cet argent ? A quoi servait-il ? » A l'époque, elle candidatait pour être élue à l'IVD et cherchait à être épargnée par les médias qui rappelaient sans cesse son historique de rentière d'organismes étrangers, alors qu'elle se présentait comme militante. Elle a pensé qu'une plainte en justice contre Business News pourrait faire taire les médias. Elle a, peut-être, réussi son objectif avec plusieurs médias, mais Business News a choisi de ne pas se laisser intimider. « Le risque était pour nous d'être discrédité puisque plusieurs lecteurs (notamment les proches et inféodés de Mme Ben Sedrine) estiment que l'on ne pouvait pas parler objectivement d'une dame qui a porté plainte contre nous. Mais cela aurait été la porte ouverte à une autre série de procès, car il devient dès lors facile de nous faire taire, il suffit de porter plainte ! Or, il fallait dénoncer les usurpateurs et les supercheries et ne pas se laisser intimider. Que l'on porte plainte ou pas, on devait continuer à exercer notre mission », a commenté Nizar Bahloul qui a collectionné à l'époque les recours judiciaires intentés contre lui par des proches du président Marzouki. Le deuxième article objet de la plainte est une chronique d'opinion publiée le 24 février 2014 et intitulée : « Sihem Ben Sedrine, la mercenaire qui veut être juge ». La chronique remet en doute l'intégrité de la plaignante candidate à l'IVD et lui rappelle (preuves et montants à l'appui) les sommes qu'elle touchait pour son « militantisme » ou encore son association à un homme d'affaire contributeur du CPR qui a placé à l'époque sa fille comme conseillère de Moncef Marzouki. En dépit des alertes, Sihem Ben Sedrine a été quand même été élue à l'IVD grâce au lobbying de Mustapha Ben Jaâfar, Moncef Marzouki et Imed Daïmi. Elle devait être « intronisée » le 9 juin 2014 par les trois présidents et c'est ce 9 juin 2014 précisément qu'elle choisit d'envoyer un huissier notaire à Business News pour nous convoquer devant la justice pour notre « insolence ». Comme si elle tenait sa revanche en disant : « vous ne vouliez pas que j'aille à l'IVD, eh ben j'y suis et je vous envoie une convocation par huissier le jour de mon intronisation ». Un pied-de-nez qui ressemble bien à de l'enfantillage. Réponse immédiate de Nizar Bahloul à l'époque : « Elle ne m'intimide pas, tout ce que j'ai publié est documenté par des vidéos dans lesquelles elle avoue elle-même ce qu'on lui reproche. Dans ces mêmes vidéos, on peut aussi voir ses propres déclarations dans lesquelles j'ai pu relever des contrevérités comme par exemple lorsqu'elle nie être gérante de Kalima, alors que j'ai le Journal officiel de la République tunisienne qui prouve le contraire. La vérité est que Mme Ben Sedrine cherche à régler ses comptes et profite de son immunité puisque je ne pourrai pas l'attaquer en justice en retour pour plainte calomnieuse ! Se sentant impunie, elle pense pouvoir faire ce qu'elle veut ! Elle veut un procès ? J'irai en procès, je fais confiance à la justice et je suis même content qu'elle y fasse appel, ainsi l'arroseur sera arrosé ! Je ne vais pas lui présenter d'excuses, je ne vais pas la payer pour qu'elle retire sa plainte et encore moins pleurer à la télé pour lui demander pardon. Qu'elle sache qu'elle ne m'intimide pas et que je ne vais pas me taire pour lui dire en face ses vérités en pleine audience au tribunal ! » L'issue de ce premier procès n'a pas été longue. Le 10 octobre 2014, le tribunal de première instance de Tunis prononce un non-lieu en faveur de Nizar Bahloul et désavoue ainsi Sihem Ben Sedrine. La plaidoirie de Fethi El Mouldi, avocat de Business News fut bien spectaculaire et il a plutôt axé sur le vice de procédure.
Sihem Ben Sedrine ne se désarme pas et joue désormais sur deux fronts en adoptant une nouvelle stratégie prouvant que c'est une mauvaise joueuse. Elle fait appel de la décision judiciaire du 10 octobre 2014 mais dépose un nouveau recours dans une toute nouvelle affaire indépendante de la première. Concernant l'appel de la première affaire, et après plusieurs allers-retours, la cour d'appel de Tunis la désavoue une nouvelle fois et prononce en janvier 2016 un non-lieu en faveur de Nizar Bahloul. Quant à la deuxième plainte, on n'a appris son existence qu'en avril 2015 et ce pour une chronique publiée le 6 octobre 2014 et intitulée : « Ceux qui vont gouverner ne sont toujours pas connus ». Un article politique publié en pleine campagne électorale dans lequel Sihem Ben Sedrine est évoquée très brièvement. On rappelait que l'on devait être devant le juge dans 4 jours et que l'on faisait confiance à la justice puisqu'on devait face, en cette rentrée 2014-2015, à trois procès en même temps. Il n'y a absolument rien de nouveau dans cette chronique, on ne faisait que rappeler les anciennes casseroles de Sihem Ben Sedrine et pour lesquelles elle a déjà déposé plainte ! Pour cette deuxième affaire, et bien que l'article en question n'apporte rien de nouveau, Business News a été pris de court et a perdu en première instance. Le pourvoi en appel a cependant remis tout à plat et Nizar Bahloul a comparu le 24 janvier 2018 devant la cour d'appel de Tunis. Fethi El Mouldi, toujours à la défense avec ses plaidoiries spectaculaires et efficaces, revient à cet article publié trois ans et demi plus tôt et relève les vices de procédure de la plaignante. Fond et forme ne tenaient tout simplement pas debout ! Il était évident que la plainte était déposée juste pour « faire chier ». Le verdict a été prononcé le 7 février et rendu public ce vendredi 9 février 2018. Sihem Ben Sedrine est déboutée une nouvelle fois et la cour prononce un non-lieu en faveur de Nizar Bahloul. Nos articles étaient accompagnés de suffisamment de preuves pour convaincre le tribunal que Business News a fait son travail avec tout le professionnalisme requis. C'était l'issue d'ailleurs de toutes les plaintes déposées contre Business News depuis 2011. Certains, comme l'ancien ambassadeur Ahmed Ben Mustapha, est allé jusqu'à la cassation, mais a été désavoué jusqu'au bout. Le hic est que Business News ne peut rien faire contre Sihem Ben Sedrine pour la trainer en justice contre ces plaintes abusives et ces excès procéduriers, puisque la bonne dame bénéficie d'une immunité judiciaire offerte par son poste de présidente de l'Instance de Vérité
Marouen Achouri
Les trois articles objets des plaintes : Tunisie - Sihem Ben Sedrine rattrapée par ses casseroles Sihem Ben Sedrine, la mercenaire qui veut être juge Ceux qui vont vraiment gouverner ne sont toujours pas connus