Un score historique pour le président ukrainien, élu ce weekend. 73,23% pour Volodymyr Zelensky. A 41 ans, l'humoriste devient ainsi le sixième président de l'Ukraine post-indépendance. Oui humoriste. Car Zelensky a bâti une partie de sa campagne électorale sur une série dans laquelle il joue le rôle d'un président « accidentel », un « serviteur du peuple » qui rompt totalement avec l'image conventionnelle d'un homme politque. La série « Slouga Noroda » met, en effet, en scène un président incorruptible et « parfait » aux yeux du peuple. Le rêve pour ce pays en proie à une vague inédite de « dégagisme ». Cela ne vous rappelle rien ? Si l'expérience ukrainienne nous prouve quelque chose, c'est bien que le modèle de personnalité politique « classique » est bien révolu. On observe ainsi la mort de la politique dans sa forme classique. Sa forme vomie par les masses. Les figures politiques bien brossées et aux discours politiquement corrects - donc très langue de bois - ne font plus mouche auprès des masses. C'est qu'on a déjà essayé et qu'on n'en veut plus.
En Tunisie, la situation n'est guère très différente. La vague de « dégagisme » qui a secoué le pays il y a quelques années et la démocratie naissance, aujourd'hui encore, ont fait que les priorités ne sont plus les mêmes. Crise économique et politique, désillusions à la pelle font pencher la balance du côté de candidats peu conventionnels. Si chez nous, très peu d'hommes (ou de femmes) politiques sont connus pour leur sens de l'humour, c'est plutôt le populisme qui a la côte. « Le fait que je sois juif se classe seulement en 20eposition dans ma longue liste de défauts » ironise Zelensky au sujet de sa victoire. Ici aussi, la liste de « défauts » est longue. Des candidats comme le névrosé Moncef Marzouki ou le loufoque Hechmi Hamdi ont cédé la place aujourd'hui à une Abir Moussi au discours dictatorial très assumé et à un Kaïs Saïd aux idées collant très peu à la réalité du pays. Le fantasme tunisien en ces temps de crise n'est pas celui d'un homme (femme) politique qui fasse rire les citoyens mais qui leur fasse peur. « Nous avons besoin d'un leader fort, d'un homme à poigne » disent les nostalgique d'un temps qu'on croyait révolu. Il est difficile de croire à la politique classique et bien rangée lorsque l'on est témoins des déboires de Nidaa Tounes, de l'effritement de la gauche, de la ribambelle de partis politiques qui poussent comme des champignons ou des casseroles que traine Ennahdha.
La politique, dans son sens classique, ne galvanise plus les masses. Du moins pas dans ces pays où on a déjà goûté à la dictature et aux ravages qu'elle engendre. La période de transition est parfois un peu trop longue à faire passer et des passages hors des sentiers battus font partie du long chemin de la démocratie. En Tunisie, les élections sont à nos portes et plus que quelques mois nous séparent du scrutin tant attendu. Vu les résultats des sondages actuels, tout porte à croire que nous allons bien rigoler…ou pas !