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De Habib Bourguiba à Youssef Chahed, ils ont tous flirté avec la perfidie !
Publié dans Business News le 24 - 06 - 2019

Juillet 1957, Habib Bourguiba, leader du Mouvement national devient le premier président de la République tunisienne après 252 ans de beylicat husseinite dont 76 ans de protectorat français. Des élections eurent lieu en 1959 et en dépit du candidat unique et du score soviétique de 91% (c'était la mode à l'époque), rien ne dit vraiment que ces élections n'étaient pas démocratiques. Bourguiba fonde l'Etat moderne, mise sur l'Education et la Culture, instaure l'égalité et ambitionne de transformer la Tunisie en modèle arabo-musulman comparable à ce qu'est la Suisse pour l'Europe. C'était le bon temps, nous récoltons encore les fruits de cette politique avant-gardiste.
Après des élections en 1959, 1964, 1969 et 1974 (truquées ou pas, mais des élections quand même), il commit sa première grosse erreur en 1975 en proclamant la présidence à vie. Il est notre père à tous, il nous considère comme mineurs et, de fait, il connait mieux nos intérêts que nous. C'était peut-être vrai, mais c'était un affront à la démocratie. Sans cette décision despotique et anti-démocratique, la Tunisie serait peut-être devenue une « Somalie du Nord ». Ou pas. On l'ignore, nul ne peut répondre, mais une chose est sûre, c'est que Habib Bourguiba, père de la Nation, s'est privé de la porte de sortie honorable que lui réservait la démocratie. Résultat des courses, il est quasiment devenu sénile au début des années 80, il ne pouvait plus gérer les affaires de l'Etat et fut rattrapé par son Premier ministre et ministre de l'Intérieur en novembre 1987. Zine El Abidine Ben Ali est le deuxième président de la République.

Zine El Abidine Ben Ali
Avril 1989, Zine El Abidine Ben Ali organise des élections. En dépit de sa candidature unique et du score soviétique de 99% (ce n'était plus la mode, mais passons !), rien ne dit que ces élections n'étaient pas vraiment démocratiques. A l'époque, Ben Ali était soutenu par tous, aussi bien les islamistes de Rached Ghannouchi que les communistes de Hamma Hammami et les « droits-de-l'hommistes » de Moncef Marzouki. Comment ne pas faire confiance à ce démocrate qui a réformé la constitution en 1988 pour limiter le nombre de mandats présidentiels à trois afin d'éviter la présidence à vie et maintenu l'âge limite pour se présenter à la présidentielle ?
Ben Ai a continué l'œuvre de Bourguiba, ou a plutôt essayé de la poursuivre, car s'il a bien misé sur l'Education (et spécialement l'ingénierie et les cursus spécialisés et pointus du supérieur) c'est aussi à cause de lui qu'on doit la dégradation du système éducatif dans son ensemble. N'empêche, avec Ben Ali la Tunisie n'est pas devenue la Suisse, certes, mais elle était bien meilleure sous son règne que l'ensemble des pays du voisinage. Le Tunisien avait droit à une voiture (la fameuse voiture populaire redevenue à la mode, 80% des familles étaient propriétaires de leur logement… Ben Ali, tout comme Bourguiba, a surtout préservé l'indépendance du pays par rapport aux ingérences étrangères. Il n'a pas eu peur de dire un NON ferme et strict à Condoleezza Rice quand elle s'est immiscée dans des affaires intérieures. L'Histoire donnera sans aucun doute une version plus objective de l'ère Ben Ali car on est dans l'exagération dans ce qu'on est en train de lire depuis 1987 et spécialement depuis 2011.
Après des élections en 1989, 1994, et 1999 (truquées ou pas, mais des élections quand même), Ben Ali commit sa première grosse erreur en 2002 en réformant la constitution pour supprimer ce qu'il a lui-même ajouté en 1988, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus de limite du nombre de mandats présidentiels, il a allongé l'âge limite pour se présenter à la présidentielle et il s'est accordé une immunité judiciaire. Une réforme qui lui a permis de se représenter en 2004 et 2009. En 2010, ses proches commencent à lui préparer un autre mandat (anti constitutionnel à cause de la limite d'âge) pour 2014. Mais c'était sans compter les ingérences étrangères qui ont su souffler sur les braises de quelques mouvements populaires et transformer des émeutes en révoltes puis en révolution. Tout comme Habib Bourguiba, Zine El Abidine Ben Ali est sorti par la petite porte décevant tous ceux qui avaient cru en lui.

Foued Mbazâa
Foued Mbazâa est devenu président de la République en 2011 par accident grâce à l'ancienne constitution. Il a présidé le pays avec le Premier ministre Béji Caïd Essebsi et n'avait qu'un objectif, atteindre les élections. Aucune tentative particulière, ni de sa part ni de la part de son Premier ministre, de fausser l'enjeu démocratique. Il faut dire que quand bien même ils l'auraient voulu, ils n'auraient pas pu à l'époque. Il est sorti par la même porte par laquelle il est entré. Elle n'est pas grande, mais elle n'est pas petite. Il n'a rien promis pour décevoir.

Moncef Marzouki
Il est entré au palais de Carthage en 2011 grâce à des tractations politiques avec le mouvement islamiste Ennahdha. Sans aucune légitimité électorale, avec les 17.000 voix qu'il a obtenues dans sa circonscription de Nabeul (14%) et le maigre score de son parti CPR à l'échelle nationale (8,7%), il a quand même réussi à se faire une place en convaincant les islamistes que sa laïcité présumée leur permettra de se faire accepter par les Tunisiens et la communauté internationale.
Avant 2011, ses discours de défense des droits de l'Homme et ses théories démocratiques faisaient de lui l'Homme capable de succéder à Ben Ali. Aucun doute ne frappait ses déclarations de victime d'un régime totalitaire, qualifié à tort ou à raison de despotique et dictatorial.
Une fois entré à Carthage, ces belles paroles sont mises au placard. Ses mérites de président de la République ? Les historiens se chargeront de nous dire lesquels, mais je n'en vois personnellement aucun. Il a été élu pour un an et il s'est engagé à quitter la présidence au bout de six mois s'il ne tient pas ses promesses, il est resté trois ans. Par sa nature aigrie et revancharde, il a semé la haine et la discorde entre les Tunisiens, flirtant de près avec la guerre civile.
Son plus grand tort, ou un de ses plus grands torts, est d'avoir sacrifié l'indépendance de la Tunisie. L'émir du Qatar voulait lui apprendre à se tenir, la Turquie et le Maroc piquaient les marchés tunisiens à tout va, tout comme le Qatar du reste, c'est lui qui a signé les premiers accords de la Tunisie avec le FMI et c'est bien lui (le droit-de-l'hommiste) qui n'a pas soutenu l'abolition de la peine de mort dans la constitution. Aux élections de 2014, où il a obtenu le triste trophée du plus grand tricheur, il a perdu avec 10 points d'écart devant Béji Caïd Essebsi, mais a failli ne pas quitter le palais pour jouer un scénario à la Gbagbo, n'eut été l'intervention d'au moins un diplomate d'une grande puissante étrangère. On ne peut pas dire qu'il est sorti par la petite porte, mais il n'est pas sorti par la grande porte non plus. Quant aux déceptions qu'il a laissées, elles se comptent pas.

Hammadi Jebali
Chef du gouvernement, véritable chef de l'exécutif grâce à la « petite constitution » de 2011, Hammadi Jebali a laissé derrière lui deux martyrs politiques, Lotfi Nagdh et Chokri Belaïd et des dizaines de martyrs parmi les forces de l'ordre. Paix à leurs âmes à tous. L'islamiste, classé comme terroriste sous Bourguiba et Ben Ali, était tout sauf un Chef. Il a vidé l'épargne de la Tunisie, notamment les trois milliards de dinars de la vente partielle de Tunisie Telecom, il a endetté la Tunisie pour les dépenses de fonctionnement (alors que 100% de ses prédécesseurs ne souscrivaient des dettes que pour de l'investissement), il a tout simplement foiré sur toute la ligne. L'indépendance de la Tunisie ? Celui qui serrait dans ses bras comme un frère John McCain ne sait pas ce que c'est. Lui, il rêvait d'une Tunisie fondue dans un califat islamique. N'empêche, en dépit de tout, Hammadi Jebali a su quitter la scène quand il a compris qu'il ne pouvait rien donner et ne s'est pas accroché au fauteuil du pouvoir, en dépit de la pression de son parti et de son entourage. Son acte et ses promesses non tenues ne pouvaient que décevoir les siens.

Ali Laârayedh
Tout comme son prédécesseur, il a laissé derrière lui des dizaines de martyrs, il a endetté la Tunisie et a plombé l'administration tunisienne par des incompétences qu'on continue encore à payer. Clone amoché de Jebali, il serait douteux que les Historiens lui consacrent un jour une ligne positive à son actif. Il est jeté à la porte par le Quartet qui a valu à ses éjecteurs le Prix Nobel de la Paix et, tout comme son prédécesseur, il n'a fait que décevoir les siens. Il avait quand même fait durer le suspense et refusé de quitter son poste jusqu'à la ratification de la Constitution.

Mehdi Jomâa
Mehdi Jomâa est entré pour une mission bien déterminée à la présidence du gouvernement, réussir les élections de 2014 et rétablir la sécurité. Réussite sur toute la ligne. Il devait quitter la scène une fois sa mission réalisée et il n'a pas déçu sur ce point. Il est parti sur la pointe des pieds quasiment en nourrissant les espoirs d'un retour par les urnes pour ses fans. S'il n'a pas déçu en sa qualité de chef du gouvernement, Mehdi Jomâa a quand même déçu en sa qualité d'homme politique. Il a laissé disparaitre une bonne partie de son capital sympathie, mais ceci n'est plus le problème des Tunisiens.

Habib Essid
Habib Essid devait être l'homme de Béji Caïd Essebsi et il l'a été un moment. Ses missions ? Il devait rétablir les comptes de l'Etat, ramener la croissance, entreprendre les réformes et redonner son prestige à l'Etat en étant un vrai chef qui frappe du poing et impose l'autorité que lui attribuent ses fonctions. Sur ces points, c'était un échec sur toute la ligne. Pire, il a signé avant de partir des accords avec l'UGTT qui ont engagé et plombé son successeur.
Le jour où il décida de remplir ses prérogatives de chef de gouvernement, et plutôt que d'être l'homme fort qu'on espérait qu'il soit, il s'est opposé frontalement à Béji Caïd Essebsi. Tout son capital sympathie est tombé à l'eau, il a déçu celui qui l'a nommé et ses sympathisants. Et c'est vraiment par la petite porte que Habib Essid était acculé de sortir, au point qu'il a dû s'en justifier devant l'ARP, ce qui est vraiment dommage pour le grand fonctionnaire et patriote qu'il est.

Youssef Chahed
Il est le plus jeune chef du gouvernement en Tunisie, il présente bien, son patriotisme ne fait point de doute, Youssef Chahed est entré à la Kasbah avec des préjugés favorables rarement vus auparavant. Sa guerre contre la corruption, ses négociations avec le FMI et les partenaires internationaux, son opposition frontale et brutale avec la famille Caïd Essebsi et ses coups bas au sulfureux Slim Riahi ont tous été inscrits à son actif. Des réformes profondes, il en a entrepris, même si leurs fruits ne sont pas encore visibles. D'autres importantes réformes sont dans les tiroirs de l'ARP et elles auraient pu être inscrites à son actif si elles avaient été promulguées, car leurs dividendes auraient été immédiats (notamment le code des changes). Jusque là, il n'a déçu que les personnes pressées et impatientes qui veulent obtenir tout maintenant.
Youssef Chahed devait quitter la Kasbah en décembre, mais il ne l'a pas fait. Son peu de respect à la liberté d'expression, sa détermination à faire passer, coûte que coûte, la réforme du code électoral et la remise en selle de son « frère ennemi » Hafedh Caïd Essebsi ont commencé à décevoir ses sympathisants et ses amis. Ses aficionados sont encore à ses côtés, mais pour combien de temps encore ? S'il ne se rattrape pas dans les jours qui viennent, en espérant qu'il ne soit pas déjà trop tard, Youssef Chahed prend le grand risque de tout perdre et de décevoir tout le monde, comme beaucoup de ses prédécesseurs chefs de l'exécutif, qu'ils soient de la Kasbah ou de Carthage.

Béji Caïd Essebsi
Entré par la grande porte à Carthage, il a promis et juré de poursuivre l'œuvre de Bourguiba. Il a promis et juré de respecter la démocratie et la Constitution. Jusque là, sa parole est tenue.
A son actif, le droit donné aux mères de voyager avec leurs enfants sans autorisation paternelle ou encore le droit à l'assistance d'un avocat pour les prévenus. Il a essayé et continue encore à essayer d'obtenir l'égalité de l'héritage. Béji Caïd Essebsi pourrait encore sortir par la grande porte, du haut de ses 91 ans, s'il continue à tenir ses promesses de respect de la démocratie et de la Constitution. S'il a déçu par ses prises de position en faveur de son fils, ceci sera vite oublié s'il poursuit le chemin tracé depuis décembre 2014.
Il a deux tests devant lui : la non-promulgation de la réforme du code électoral, jugé par beaucoup de constitutionnalistes et leaders d'opinion comme étant anticonstitutionnel et dangereux pour la démocratie, et le refus de report des élections que vont lui proposer les différents acteurs politiques. Son mandat est de cinq ans, le mandat des députés est de cinq ans, il se doit de le respecter et de le faire respecter. Autrement, il met tout le processus en danger et il donnera de la Tunisie la pire image qui soit.
Aussi perfides soient les différents présidents de la République et les chefs du gouvernement depuis l'indépendance, Béji Caïd Essebsi a l'opportunité historique de devenir le premier président à entrer et sortir de Carthage par la grande porte, sans pour autant être taxé de perfide.


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