La période de gouvernance du président défunt Zine El Abidine Ben Ali suscite encore l'intérêt de l'opinion publique. Les coulisses du pouvoir et tout ce qui s'est tramé dans le Palais de Carthage, intriguent toujours. Tout cela fait du témoignage de son gendre Slim Chiboub une mine d'informations qui vaut le détour. C'est face au journaliste Borhène Bssaies que Slim Chiboub a livré son témoignage. Ce témoignage s'est étalé durant deux épisodes dans le cadre de l'émission « Pour l'Histoire » diffusée chaque lundi sur la chaîne Attessia. Membre proche de la famille de Ben Ali, président de l'un des plus grands clubs sportifs en Tunisie, et fortement impliqué dans la vie politique aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, Slim Chiboub est incontestablement la personne la mieux placée et la plus outillée pour parler du pouvoir à cette époque, ainsi que de sa relation étroite avec le sport et la famille.
Le sport pas assez soutenu par le pouvoir…
La première partie de l'interview de Slim Chiboub, a été consacrée à la relation entre le sport et le pouvoir. A la grande surprise du journaliste, Slim Chiboub assure que le pouvoir n'a jamais soutenu les sports en Tunisie, encore moins les clubs. Dans ce contexte, il affirme même qu'il a réussi à être à la tête de l'Espérance sportive de Tunis grâce à ses compétences, soulignant que les résultats et les succès de l'Espérance sportive tunisienne ont été réalisés grâce aux joueurs et au staff, notamment à l'échelle internationale où le pouvoir local n'a aucune influence. Toujours dans le même volet, Slim Chiboub a assuré que le président de la République et son entourage ne se sont immiscés dans le sport que lorsqu'ils ont compris qu'ils sont en train de perdre le contrôle. « Cela a commencé vers les années 2000, le pouvoir essayait d'intervenir, mais ses interventions n'étaient pas toujours judicieuses. Il y a eu plusieurs ratages et les résultats n'étaient pas ceux escomptés », souligne M. Chiboub.
Quand la famille débarque, le pouvoir commence à flotter
La deuxième partie de l'interview a permis d'aborder le thème de l'ingérence de la famille dans le pouvoir. Sur cette question, Slim Chiboub n'a pas nié que l'immixtion des Trabelsi dans le pouvoir était l'une des raisons de la chute du régime Ben Ali. « Mais ce n'était pas l'unique raison. L'intervention de parties étrangères a accéléré le processus. L'une des principales causes de la chute de Ben Ali était plutôt son isolement. Ça a commencé vers le début des 2000 d'une manière progressive. Le facteur de l'âge y est également pour quelque chose. Le régime au pouvoir n'était pas au courant des différents problèmes socioéconomiques. Sans oublier le rôle des médias qui ont étouffé toutes ces difficultés ».
A la veille du 14-Janvier, un pouvoir atteint d'autisme
Slim Chiboub a assuré que le pouvoir était pratiquement atteint d'autisme. « Comment expliquer alors, que le président de la République puisse être en vacances à Dubaï alors que le pays est en pleine effervescence, et que dans son discours il parle de fermeté… ». Par ailleurs, il a ajouté qu'il s'est rendu, sur sa propre décision, en Libye le 12 janvier pour discuter de la situation avec le président libyen Mouammer Kadhafi. Slim Chiboub a précisé également qu'il a reçu une communication téléphonique d'Ali Seriati qui lui a recommandé de ne pas revenir en Tunisie, puisque le président Ben Ali était parti. Dans un autre contexte, le gendre de Ben Ali a assuré que l'ancien président ne comptait que les compétences. « La famille lui présentait des CV et il en choisissait les meilleurs. La décision ne revenait qu'à lui. Nous ne faisons que l'aider on va dire. Toutefois, les aberrations ont commencé avec la montée du clan Trabelsi où l'on commençait à voir des ministres intouchables », indique-t-il. « L'autisme du pouvoir Ben Ali provenait de deux raisons principales : l'excès de confiance grâce aux bons résultats économiques. Il y avait une sorte de sensation d'invincibilité. Et aussi les limites des perspectives politiques. Ces deux facteurs ont créé comme je le disais une sorte d'autisme empêchant Ben Ali de voir la réalité de la situation ».
Et le rôle de Kamel Letaief dans la prise de décision ?
Slim Chiboub a abordé, lors de cette interview, le rôle du lobbyiste et homme d'affaires Kamel Letaief au pouvoir et dans la prise de décision. « Comme je l'ai déjà dit, Ben Ali était un militaire et n'avait pas un grand regard sur la vie publique. Kamel Letaief était parmi les personnes proches de Ben Ali. Il lui donnait des conseils à ce niveau. Toutefois, les relations étaient ont été interrompues entre les deux hommes vers l'année 1992. A cette époque, il n'y avait pas de pouvoir policier. On ne peut donc accuser Kamel Letaief d'être derrière cette orientation. Pour l'histoire, j'assure que Kamel Letaief n'est jamais intervenu dans la prise de décision dans le pays », révèle Slim Chiboub.
La préparation du successeur…
Le gendre de Ben Ali a indiqué que ses relations n'étaient plus les mêmes avec l'ancien président, assurant que « la nouvelle famille » pensait réellement à assurer la succession de Ben Ali. Il a révélé que son épouse était l'une des candidates tout comme son gendre Sakher El Materi, soulignant que plusieurs mesures ont été prises pour préparer le terrain.