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Autopsie du système Ben Ali
Publié dans Tunisie Numérique le 11 - 03 - 2011

Article de l'Express : La politique est la passion préférée de Kamel el-Taief. Ce chef d'entreprise, qui a hérité de son père une société de BTP, est avant tout un homme de réseaux et un conseiller de l'ombre. Il est à l'origine de l'ascension de l'ex-Président Zine el-Abidine Ben Ali, comme lui originaire de Hammam Sousse, et fut l'un des instigateurs du «coup d'Etat médical » du 7 novembre 1987, puis de la politique d'ouverture des débuts, à la fin des années 1980. Il est tombé en disgrâce lorsque Ben Ali a choisi de divorcer pour épouser Leila Trabelsi, contre laquelle il l'avait mis en garde, l'interview qui suit constitue un témoignage direct notamment sur les conditions dans lesquelles Ben Ali a renversé Habib Bourguiba en 1987. Proche du Premier ministre Béji caid Esebsi, Kamel El-Taief a retrouvé depuis peu les effluves de la politique.
Comment avez-vous fait la connaissance de Ben Ali ?
Je l'ai rencontré en 1978 par l'intermédiaire d'un ami qui était alors le chef d'Etat-major de l'armée, Abdelhamid Escheikh. Il me l'a présenté. Nous sommes tous les deux originaires de la même ville, Hammam Sousse.
Pourquoi avez-vous choisi de le parrainer ?
Dans les années 1980, le principal problème de la Tunisie était celui de la sécurité. Ben Ali était un homme sérieux, gros travailleur. Et surtout un bon professionnel de la sécurité. Au moment de la « révolte du pain », en 1984, il était en poste à l'ambassade de Tunisie à Varsovie. Je suis allé voir le Premier ministre de l'époque, Mohamed Mzali, que je connaissais bien, et je lui ai dit qu'il fallait quelqu'un qui soit capable de gérer la situation. Je lui ai suggéré de rappeler Ben Ali, ce qu'il a fait. Il l'a nommé chef de la Sûreté nationale. Par la suite, il est devenu secrétaire d'Etat puis ministre de l'Intérieur et Premier ministre, le 2 octobre 1987.
Avait-il les qualités politiques requises ?
Non. Sur ce plan, il était limité.
Comment avez-vous décidé de renverser Bourguiba ?
Quelques jours seulement après la nomination de Ben Ali à la tête du gouvernement, l'entourage de Bourguiba est entré en conflit avec lui. Il ont réussi à convaincre le vieux Président de nommer Mohamed Sayah à sa place. Un soir, la nièce de Bourguiba, Saïda Sassi, qui s'occupait de son oncle depuis le départ de son épouse, Wassila, est passée chez Ben Ali. Elle lui a révélé qu'il allait être limogé. Dès qu'elle est partie, Ben Ali m'a téléphoné. Il a aussi appelé Hédi Baccouche, alors ministre des Affaires sociales, ainsi que Mohamed Chikri, qui était à l'époque au ministère de l'Intérieur. Chargé de suivre pour son compte les activités de Saïda Sassi, et Habib Ammar, le commandant de la garde nationale. Nous nous sommes tous retrouvés chez Ben Ali un peu avant minuit. Je lui ai dit ce que je pensais, à savoir que Bourguiba n'était plus en mesure d'assurer ses fonctions de chef d'Etat, que le pouvoir était à ramasser et qu'il fallait le prendre. La situation était grave. Il était Premier ministre et ministre de l'Intérieur, il était donc l'homme idoine. Habib Ammar était prêt à faire ce qu'il fallait sur le terrain. Hédi Baccouche était hésitant. Le lendemain, Ben Ali, qui avait rendez-vous avec Bourguiba, est allé le voir.
Je connaissais très bien l'ambassadeur américain de l'époque, Robert Pelletrau, et je savais qu'il devait voir Bourguiba le lendemain en compagnie du représentant des Etats-Unis auprès de l'ONU, Vernon Walters, et d'une délégation de sénateurs américains. J'ai organisé avant cette rencontre un rendez-vous entre lui et Ben Ali. L'idée était de convaincre les Américains de glisser un mot à Bourguiba en faveur de Ben Ali, en leur faisant croire que l'entourage du Président voulait l'éliminer parce qu'il était proaméricain. Nous espérions ainsi gagner du temps et pouvoir intervenir avant la nomination de Sayah, qui se profilait. C'est ce qui a été fait. En plus au cours de cette audience, Bourguiba a dit aux Américains qu'il voulait la condamnation à mort pour Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste Ennahda. Ils ont été atterrés...Ensuite, nous avons commencé à travailler sur les modalités. Les détails techniques ont été mis au point par Habib Ammar et Ben Ali. Mais Ben Ali tergiversait. Il avait peur, en fait, je suis revenu plusieurs fois à la charge. Hédi Baccouche s'est rallié sur le tard. C'est lui qui a rédigé, dans la soirée du 6 novembre, au ministère de l'Intérieur, ce qui allait devenir « le discours du 7 novembre », le texte dans lequel Ben Ali promettait aux Tunisiens l'instauration de la démocratie...
On dit que vous avez prévenu les Algériens, et eux seuls. Est-ce vrai ?
Le hasard a voulu que le ministre de l'Intérieur algérien. Hédi Khédiri, soit en visite à Tunis alors que nous préparions le renversement de Bourguiba. J'ai en effet suggéré à Ben Ali de le mettre dans la confidence afin que le président Chadli Bendjedid soit informé de notre projet. Le chef de l'Etat algérien a donné son feu vert, en y mettant une condition : que Bourguiba soit bien traité.
Vous avez poussé un homme à prendre le pouvoir alors que vous saviez qu'il n'avait ni l'intelligence ni la hauteur de vue d'un chef d'Etat...
Bourguiba était malade et sénile. La Tunisie était dans une situation dramatique. Le changement s'imposait et, il fallait le faire dans le respect de la Constitution. Or, Ben Ali était Premier ministre. Constitutionnellement, il était le seul à pouvoir remplacer Bourguiba. D'ailleurs, au début, cela a bien fonctionné. La déclaration du 7 novembre avait promis la démocratie. Grâce à mes conseils et à mes réseaux, le nouveau Président a pu s'entretenir avec l'ensemble de la classe politique et de la société civile : les indépendants, les dissidents, les militants des droits de l'homme, dont plusieurs sont devenus ministres... Tout le monde était alors persuadé qu'une nouvelle page de l'histoire de la Tunisie allait s'ouvrir.
A qui faut-il imputer l'échec des élections de 1989 ?
A Hédi Baccouche, qui ne croyait pas au multipartisme. Mais aussi à Abdallah Kallel, qui était ministre de la Défense, à Chedli Neffati, ministre de l'Intérieur, et à Abderrahim Zouari, qui était à l'époque secrétaire général du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), qui avait succédé au Parti socialiste destourien.
Et vous, avez-vous été membre du RCD ?
Non, jamais. Ni du RCD ni d'aucun autre parti politique.
Rapidement, au début des années 1990, les arrestations se multiplient. Elles visent d'abord les islamistes, puis les défenseurs des droits de l'homme, puis tous ceux qui tentent d'exprimer leur différence...
Oui, ce tournant remonte à 1991 et correspond à la nomination d'Abdallah Kallel au ministère de l'Intérieur. Il a fait croire à Ben Ali qu'il y avait une menace terroriste. Il est aussi, l'année suivante, à l'origine d'une nouvelle loi sur les associations, qui visait directement l'indépendance de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH). Il a même essayé d'obtenir le limogeage de l'Assemblée nationale de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Béji Caïd Essebsi, connu et respecté de tous pour son patriotisme (NDLR : nommé Premier ministre le 27 février). Il a fait croire à Ben Ali qu'il était profrançais parce que la sécurité avait intercepté un courrier qui lui était adressé dans lequel il y avait un livre écrit par un homme politique français et traitant de la démocratie ! Pour la loi contre la Ligue, je suis intervenu auprès de Ben Ali. Je me souviens avoir dit au Président que cette loi était absurde, qu'il ne pouvait pas avoir promis la démocratie et avaliser un texte qui risquait de faire tomber la Ligue sur la coupe du RCD ! La loi a été abrogée. Mais elle a été réintroduite peu après, lorsque je suis tombé en disgrâce.
En effet, vous vous brouillez ensuite avec Ben Ali. A cause de Leïla Trabelsi ?
Oui. Elle était sa maîtresse depuis 1984, à l'époque où il l'a rencontrée, elle travaillait comme secrétaire dans une société de BTP. C'était une femme légère qui aimait l'argent. Il était très amoureux d'elle. En 1992, lorsqu'il a décidé de divorcer pour l'épouser, je lui ai dit qu'il faisait une grave erreur. Ce n'était pas une femme pour un chef d'Etat. Je connaissais aussi la famille. Ses frères étaient des voyous. Il l'a épousée et lui a dit que je l'avais mis en garde contre elle. Elle m'en a bien sûr voulu.
Que vous est-il arrivé ? Sans poste officiel, vous ne pouviez être limogé...
Non, mais j'ai été soumis à un harcèlement constant orchestré par le ministre de l'Intérieur, Abdallah Kallel. Il y mettait d'autant plus de zèle qu'il m'en voulait par ailleurs personnellement à cause de cette loi sur les associations. J'ai été suivi et mis sur écoute. Il y avait des policiers devant mon bureau, les gens qui venaient me voir étaient placés sous surveillance... Il y a eu aussi quelques incidents plus graves. En juillet 1992, j'avais convié de nombreuses personnalités, comme cela se fait chez nous, à l'occasion de la circoncision de mon fils. Plusieurs de ces invités avaient des postes ministériels. Le lendemain, ils ont tous été limogés... En 1996, mes bureaux ont été incendiés. Cinq ans plus tard, alors que j'étais chez le coiffeur, deux motards cagoulés ont détruit ma voiture. Cette fois-là, il s'agissait de me faire payer un dîner, la veille, chez l'ambassadeur des Etats-Unis. A la suite de cela, j'ai été arrêté et emprisonné. Il cherchait à m'isoler, à me dissuader de voir des personnalités politiques ou des diplomates. En même temps, au palais, Leila prenait de plus en plus d'importance. A la fin, c'était elle qui commandait.
A partir de quand a-t-elle réellement pris le pouvoir ?
Dès le début, elle a mis certains des conseillers de son mari dans sa poche, notamment Abdelwaheb Abdallah, qui était alors au palais de Carthage et avait déjà la haute main sur l'information, ainsi qu'Abdelaziz Ben Dhia. Abdallah Kallel s'est mis aussi à son service. Voyant le Président amoureux, ils ont estimé qu'ils auraient d'autant plus d'influence qu'ils plairaient à son épouse... Dès 1992, elle a obtenu de faire tomber des têtes. Dès le début des années 2000, tout passait par elle : personne ne pouvait directement accéder au Président car elle filtrait toutes les visites. Cela n'a fait qu'empirer lorsque la santé de Ben Ali s'est dégradée.
Sa nombreuse fratrie a mis la main sur des pans entiers de l'économie tunisienne. Mais, avant qu'apparaisse le clan des Trabelsi, le frère du Président avait déjà sévi, ainsi que ses nombreux gendres, les Slim Zarrouk, Slim Chiboub, Marwan Ben Mabrouk...
Oui, et Ben Ali laissait faire. En 1991, je me souviens de l'avoir mis en garde contre l'appétit de l'un de ses gendres, en lui conseillant de le freiner. Il m'a répondu que si ce n'était pas lui ce serait un autre... Mais avec l'arrivée des Trabelsi on a changé de braquet. Ils étaient nombreux, sans aucun scrupule, rien ne les arrêtait. Et pas seulement les frères de Leila. La mère aussi, les cousins, les amis, tout le monde. Ils ont bâti d'immenses fortunes, à partir de rien. Ils demandaient à Ben Ali d'intervenir en leur faveur, et le président s'exécutait.
A ce propos, qu'en est-il d'Aziz Miled, l'homme d'affaires qui a accompagné Michèle Alliot-Marie et son compagnon lors de leurs vacances tunisiennes ? Etait-il proche des Trabelsi ?
En fait, au départ, il était surtout proche de Slim Chiboub. Il faisait des affaires avec lui. Puis, après la mise à l'écart de celui-ci, il s'est approché du clan des Trabelsi. Dernièrement, on le voyait surtout avec le dernier gendre de Ben Ali, Sakhr el-Materi.
On ne peut donc pas dire qu'il a été une « victime » des Trabelsi ?
En aucun cas. Il faisait partie du cercle.
Le 14 janvier 2011, qui a décidé Ben Ali à partir ?
Je ne peux en être sûr car je n'étais pas sur place, mais tout indique que c'est Ali Seriati, le patron de la garde présidentielle. Il l'a convaincu de partir en lui expliquant qu'il valait mieux qu'il s'éloigne, le temps pour lui pour reprendre la situation en main.
Etait-ce pour faire revenir Ben Ali ou pour son propre compte ?
A mon avis, pour son propre compte. Il semble bien qu'il s'agissait d'une tentative de coup d'Etat.


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