L'impact de la pandémie du Covid-19 sur le quotidien des Tunisiens et la perception des ménages vis-à-vis des mesures préventives préconisées pour lutter contre la propagation du virus ont été l'objet d'une enquête réalisée par l'Institut national de la Statistique, en collaboration avec la Banque mondiale sur un panel de 1369 ménages représentatif de la population tunisienne. La pandémie de Covid-19 n'a fait qu'aggraver une situation socioéconomique déjà délicate. La perte d'emplois et l'augmentation des prix des produits alimentaires ont été le coup de grâce pour plusieurs ménages en impactant négativement leur pouvoir d'achat et refaçonnant leurs habitudes de consommation. Si les mesures du confinement imposé depuis le 22 mars ont tétanisé l'économie nationale, elles exacerbent davantage les difficultés que les plus pauvres connaissent avant la pandémie... C'est dans ce cadre que l'Institut national de la Statistique, en collaboration avec la Banque mondiale, a tenté, via une enquête menée sur 1030 ménages (durant la première vague de l'enquête) par téléphone du 29 avril au 8 mai 2020, de mesurer l'impact socio-économique du Covid-19 sur les ménages tunisiens, mais aussi d'évaluer la perception des Tunisiens vis-à-vis des mesures à respecter pour limiter la propagation du virus.
Selon cette enquête, plus de 80% des personnes interrogées sont bien informées et appliquent les mesures basiques d'hygiène et de distanciation sociale (se laver les mains, éviter les contacts rapprochés). Au niveau de la disponibilité des biens de consommation, la crise sanitaire a eu des répercussions sur l'approvisionnement en certains produits de base, essentiellement la farine et la semoule et dans une moindre mesure les produits sanitaires. Cette pénurie a affecté de manière relativement égale l'ensemble des classes de la population. Toutefois, d'autres denrées alimentaires (pains, pâtes, légumes, fruits) ou les produits de nettoyage étaient largement disponibles. En revanche, l'accès aux produits sanitaires a été plus difficile pour les personnes ayant un niveau de vie plus modeste. Ces produits étaient presque deux fois plus inaccessibles pour le quintile le plus pauvre que pour le quintile le plus riche de la population.
En ce qui concerne l'accès à la santé, plus d'un tiers des personnes interrogées ont eu besoin d'une assistance médicale, mais n'ont pas pu y accéder à cause du confinement total. Ce taux monte à près de 50% pour les ménages les plus pauvres. L'absence d'accès aux soins est essentiellement due à la limitation des déplacements à cause du confinement, mais également à la difficulté à trouver du personnel médical disponible.
S'agissant de l'accès aux biens et services et la sécurité alimentaire, plus d'un tiers des répondants ont déclaré avoir appréhendé de manquer de nourriture pour des raisons financières durant le mois précédant l'interview. Une crainte plus marquée en milieu rural et pour les ménages ayant un faible niveau de vie. Ces craintes se sont traduites chez une partie de la population par une modification des habitudes alimentaires en réduisant les quantités consommées ou en consommant des aliments peu appréciés en temps normal. Cela dit, plus d'un tiers des ménages les plus pauvres ont réduit la quantité ou la qualité des biens alimentaires consommés durant le confinement total. Ainsi et selon cette enquête, pour faire face à l'augmentation des prix des produits alimentaires ou pour pallier la perte de leur emploi, les ménages interrogés ont puisé dans leurs économies (plus de 25%), reçu de l'aide ou emprunté de l'argent à des proches (plus de 25%), eu recours à un paiement différé de leurs obligations (environ 15%) ; tandis que certains ont modifié leurs habitudes de consommation alimentaires et non alimentaires.
S'agissant de l'activité économique, plus de 60% des ménages interrogés déclarent avoir été impactés d'une manière ou d'une autre par le Covid-19. L'augmentation des prix des produits alimentaires et la perte d'emploi durant le confinement viennent en tête des préoccupations des ménages ayant subi les conséquences économiques de la crise sanitaire. En effet, deux tiers des personnes interrogées qui travaillaient avant le confinement, n'avaient toujours pas repris une activité professionnelle à fin avril. 60% des salariés en arrêt de travail déclaraient ne plus recevoir aucune rémunération. Cette proportion s'élève à près de 80% pour les 40% les plus pauvres. Le télétravail a concerné une personne sur dix parmi les employés ayant pu continuer à travailler durant le confinement total. Cette proportion augmente à un sur trois pour le quintile le plus riche.
Dans ce même contexte, l'Institut national de la Statistique a annoncé, ce dimanche 31 mai 2020 que le taux de chômage a augmenté pour la première fois depuis un an et demi pour atteindre 15,1% au premier trimestre 2020. Le nombre de chômeurs s'est établit à 634 800 au premier trimestre de l'année en cours contre 623 900 au quatrième trimestre 2019. La population active est, quant à elle, passée de 4 190 300 individus au quatrième trimestre de 2019 à 4 200 300 au premier trimestre de l'année en cours. A savoir que les opérations de collecte sur terrain de l'Enquête nationale sur la population et l'emploi pour le premier trimestre de l'année 2020 ont été suspendues à la mi-mars et ne couvrent donc pas le début du confinement total. L'INS n'a ainsi pu interroger que 78% de l'échantillon programmé.
Avec des citoyens en chômage et d'autres confrontés à des situations difficiles, la reprise d'activité devient de plus en plus urgente. Le double défi que l'Etat doit relever: maitriser la propagation du Covid-19 et faire en sorte que les citoyens ne subissent pas une double peine.
La Tunisie vit une crise sans précédent avec la propagation mondiale du virus. Les autorités ont décidé un confinement total le 22 mai. La première phase du confinement ciblé a dévuté le 4 mai. Le pays entame depuis le 24 mai la deuxième phase du confinement ciblé. 1077 contaminés par le Covid-19 ont été recensés et annoncés jusqu'au 30 mai courant, sur les 51 881 tests effectués avec 960 rétablissements et 48 décès. Tous nos articles sur le Coronavirus (Covid-19) en Tunisie