Le chercheur Alaya Allani, professeur d'histoire contemporaine à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba et spécialiste des mouvements islamistes au Maghreb, a décrypté pour le journal algérien « El Watan Week-end » l'équation islamiste en Tunisie. M. Allani cherche à fournir une réponse à la question de savoir si l'extrémisme religieux et la démocratie font bon ménage. Il souligne, ce faisant, la duplicité langagière du mouvement « Ennahdha » avant et après les élections du 23 octobre 2011 et le revirement total de sa politique, mettant en exergue la dissemblance entre les promesses préélectorales et les actions postélectorales. Il a ainsi évoqué la tentative des gouvernants d' « islamiser les textes de loi » en cherchant à imposer la charia comme « source de législation dans la Constitution », de « criminaliser toute menace au sacré », d'opérer « un rapprochement inattendu avec les salafistes » sous le prétexte affiché d'une nécessité de « les impliquer dans le paysage politique afin de les rationaliser ». Il a, par la même, rappelé la légalisation d'un certain nombre de partis islamistes radicaux entrant, selon le pouvoir islamiste, « dans une stratégie de neutralisation de ces groupes. », stratégie qui a montré toutes ses limites, estime M. Allani. M. Allani relève l'extrême indulgence affichée par le gouvernement et par la direction d' « Ennahdha » vis-à-vis des exactions commises par ces mouvances et par le désir déclaré de « vouloir maintenir le dialogue avec elles pour l'intégrer dans le paysage politique, afin de les mettre au pas et d'éviter qu'elles basculent dans la clandestinité ». Malgré la résistance et les appels de la société civile, alarmée et angoissée par l'attitude gouvernementale, rien ne semble indiquer que « l'on recherche sérieusement à éviter le pire. » Le mouvement « Ennahdha » au pouvoir préfère entretenir l'ambiguïté vie à vis de ses alliés de la Troïka ou des salafistes, car « il est en train de reconstruire la carte des alliances, en prévision des élections de 2013 », dit-il en précisant que « les islamistes essaient de regrouper autour d'eux le maximum de courants politiques dans leur difficile tentative de faire front au parti « Appel de la Tunisie ». M. Allani laisse entendre que « les salafistes constituent pour « Ennahdha » un allié malgré certaines hostilités », mais que la société tunisienne qui a longtemps bataillé pour ses droits ne « renoncera pas facilement à ses acquis, qu'elle demeure vigilante et capable de défendre les acquis de la modernité ». A la question de savoir si le « wahabisme », qui s'oppose à tout effort intellectuel, pourra gagner du terrain dans les pays du Maghreb, M. Allani a insisté sur le fait que cette doctrine « n'a aucun avenir, ni en Tunisie, ni dans aucun pays du Maghreb malgré les tentatives des prédicateurs saoudiens d'endoctriner des jeunes en vue d'une large diffusion de leurs idées ». Concernant la question relative à la compatibilité des dogmes islamistes et de la démocratie, le professeur a souligné que, a priori, « le bilan des islamistes au pouvoir n'est nullement positif, mais qu'il est prématuré de répondre à cette question » et l'interviewé d'énumérer les impairs de la direction islamiste, ainsi que la relative marginalisation de l'aile libérale d'« Ennahdha » dont les motions ont été tout simplement rejetées par les congressistes, donnant ainsi les pleins pouvoirs au leader historique du mouvement.