Plus de trois cents chansons, quatre cents pièces de théâtre et cent cinquante nouvelles. C'est ce que nous avons hérité de Ali Douagi. Pourtant, nous ne connaissons de l'œuvre de cette figure littéraire que quelques textes, et imperceptibles sont ses traces dans la mémoire collective. Baptisé "l'artiste de l'infortune", Douagi est décédé à l'âge de quarante ans d'une tuberculose, et seulement quatorze personnes ont assisté à son enterrement ! Mais cette année, le tir sera rectifié : la Tunisie fête son centenaire et lui rend hommage à travers Manifestou Es-Sourour, un spectacle qui ouvrira le bal ce soir au Festival international de Hammamet, et qui, dix jours après, sera présenté au Festival international de Carthage. "Et que Ali Douagi nous pardonne ce long oubli: nous pensions qu'il était hors du pays, dans un pays nommé «Bilad Tararanni!»", comme l'a dit Taoufik Jebali qui signe la mise en scène, la conception ainsi que la dramaturgie avec Raja Farhat de cette nouvelle production, sous les précieux conseils littéraires de Taoufik Baccar. Si tous les détails du spectacle n'ont pas été dévoilés, histoire de nous mettre en haleine, nous savons déjà qu'il sera interprété par plus de 120 élèves d'El Teatro Studio, tous bénévoles. Manifestou Es-Sourour sera, d'après ce qu'on nous a annoncé lors de la conférence de presse, une découverte de Douagi, ce nouvelliste et homme de théâtre hors pair, moderne et avant-gardiste, au point d'avoir été en avance sur son époque et de paraître d'une déconcertante actualité, aujourd'hui. Une découverte de Douagi qui ne parlera pas de Douagi et qui n'aura pas comme toile de fond la période historique pendant laquelle il a vécu. Manifestou Es-Sourour mettra plutôt en exergue son œuvre avec un éclairage nouveau et une écriture théâtrale spéciale, ceux de 2009 ; le tout dans une logique de spectacle. Nous verrons ainsi les écrits douagiens joués, chantés, dansés et même slamés. Cette création est, d'après les précisions de T. Jebali, un montage de textes, de poésie,...de petits morceaux du patrimoine littéraire de Ali Douagi, éparpillé et rarement disponible, qu'il a collecté des archives radiophoniques, des journaux et autres. La partie la plus difficile du travail était de remplir les cases vides, de suggérer les non-dits, de dire ce que n'a pas écrit Douagi. Gageons que ce spectacle, préparé en moins de deux mois, sera à la hauteur de cette figure littéraire d'envergure, dont le talent n'a jamais été égalé jusqu'à ce jour.