Qu'en est-il du financement des Ligues de protection de la Révolution, LPR ? C'est en réponse à cette question que le site « lecourrierdelatlas.com » a réalisé toute une enquête. « Nous sommes pauvres, nous faisons avec les moyens du bord, et ceux qui posent cette question sont mal intentionnés », a répondu Imad Dghij, chargé de ce qu'il a baptisé « les hommes de la révolution du Kram ». Cet ex-professeur de mathématiques n'exerce plus dans les lycées et dit vivre des cours particuliers qu'il continue à donner. Selon lui, ses hommes quittent parfois leurs métiers pour se consacrer à la protection de la Révolution, « en bénévoles ». Interrogé, également, sur l'origine des ressources financières des ligues, Mohamed Maâlej affirme qu'elles proviennent essentiellement du mécénat des citoyens révolutionnaires, de l'argent des adhérents et du financement public. Dans une enquête sur un réseau de trafic d'armes datée du 8 janvier 2013, Nawaat.org révèle les méthodes employées par deux militants d'Ennahdha appartenant par ailleurs au LPR, pour extorquer une somme de 6 000 dt à l'homme d'affaires Fathi Dammak, en plus d'autres sommes versées régulièrement à titre de dons à une association caritative islamique, afin de gagner les faveurs des nouveaux hommes d'influence. En tant qu'ONG et qu'associations à but non lucratif, les ligues n'ont pas de comptes à rendre à l'administration fiscale. Une simple tradition non contraignante veut que les associations publient leurs comptes, selon un règlement intérieur, chaque année ou chaque tenue annuelle d'une réunion de ses adhérents. Le secrétaire général du gouvernement, Ridha Abdelahfidh, a indiqué que c'est le décret-loi relatif à l'organisation des associations en date du 24 septembre 2011, dont dépendent les ligues à l'instar de toute autre association. Le texte en question assouplit les conditions nécessaires à la création d'associations, là où elles étaient jadis étroitement contrôlées par le ministère de l'Intérieur. Il stipule qu'en cas de non-respect des dispositions de la loi, elles ne seront plus soumises à des mesures répressives, comme l'emprisonnement de leurs membres. Seul un avertissement doit être adressé par le secrétaire général du gouvernement en cas de violation des articles 3 et 4 (traitant de la question de la violence). Les décisions de suspension des activités ou de dissolution d'une association ne peuvent plus être prononcées que par un magistrat. C'est précisément cette procédure que Ridha Abdelahfidh a initiée à Tatouine à l'encontre de la ligue locale de protection de la révolution, suite au lynchage de Lotfi Naguedh. Mais il ne l'a initiée, en décembre 2012, qu'après avoir été saisi par des partis politiques ayant signé une pétition d'Al Joumhouri. Le Chef du gouvernement précise que le financement public n'est que ponctuel, assuré par les autorités locales (mairies et gouvernorats) en cas d'approbation de subvention d'une activité culturelle ou évènementielle. Face à l'opacité qui entoure les liens entre certains partis et les ligues, de plus en plus de témoins alertent les médias et des figures publiques face à de flagrants délits de financement occulte. Derniers en date, ceux révélés par Yassine Brahim et Bochra Bel Hadj Hmida. Le premier fait la lumière sur un mode d'auto financement basé sur les primes et les privilèges sociaux, dans les couches sociales les plus défavorisées. Il rapporte ainsi que dans la région de Zaghouan, une appartenance aux ligues garantit une embauche comme travailleur municipal. Quant à l'avocate, elle dit détenir la preuve d'une conversation entre mercenaires ou éléments « loués » des ligues de la banlieue nord, venus récemment l'expulser du mausolée incendié de Sidi Bou Saïd, et qui le lendemain se disputaient autour du bien-fondé d'accepter une aussi petite somme que 250 dinars. A Kairouan, les LPR ont débarqué et battu ce week-end le pdg de Sabra FM, une chaîne radio privée. Pour de nombreux observateurs, derrière le financement opaque se trouve une probable explication partielle à l'impunité dont jouissent les ligues.