Crainte d'un scénario à l'irakienne Entre décapitations de ressortissants étrangers de confession chrétienne et le contrôle la semaine dernière de l'aéroport international de Syrte (à 450 km à l'est de Tripoli), le groupe de l'Etat islamique (EI, Daech en arabe) a dors et déjà dressé le chapiteau du règne de sa terreur. En effet, selon plusieurs analystes en géostratégie, la chute de l'aérodrome de Syrte, l'ex-fief du colonel Kadhafi, est une véritable catastrophe au sens strict du terme, surtout que Daech menace de s'emparer des installations pétrolières de cette région côtière. Si le groupe de l'Etat islamique s'est défini comme l'organisation terroriste la plus barbare de ces dernières années, grâce à sa capacité de financement et son talent pour la mise en spectacle de l'horreur, la survie de cette hydre dépend des richesses des territoires occupés. Certes l'économie du groupe terroriste compte essentiellement sur la vente du pétrole brut ou raffiné, mais, ces derniers temps, les Daechiens ont su diversifier les canaux de financement de leur entreprise dévastatrice. Outre l'or noir, les djihadistes de l'EI en Irak et en Syrie comptent aussi sur : les rançons des prises d'otages, les taxes récoltées sur la population, les financements extérieurs (donations) et les pillages notamment des sites archéologiques et des musées (exemple: Palmyre et Mossoul). En Irak et plus précisément dans la région pétrolifère du Mossoul, Daech a vendu le baril du pétrole brut aux alentours de quarante dollars, soit deux fois moins cher que les prix pratiqués sur le marché conventionnel. Devant un tel tableau de bord, le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a exprimé, avant-hier, ses inquiétudes face à la progression de cette organisation en Libye craignant que le scénario irakien ne se répète dans le pays d'Omar Mokhtar. C'est ainsi que le Premier ministre Abdallah Al-Theni a lancé un appel à l'aide soulignant les difficultés de combattre Daech, lors d'une conférence de presse à Al-Baida (est), où son gouvernement s'est installé. « Les menaces de ce groupe ne cessent de peser sur les villes libyennes et il va devenir difficile de le combattre, l'Irak en est l'exemple. Nous sommes surpris que la communauté internationale n'ait pas pris une position ferme face à ce qui se passe en Libye», a précisé M. Al-Theni dans des déclarations rapportées sur la page officielle Facebook du gouvernement. Par la même occasion, il a de nouveau demandé la levée de l'embargo sur les armes. Rappelons que son gouvernement avait déjà demandé, fin fevrier dernier, à l'ONU de supprimer cet embargo afin de rendre la lutte anti-Daech plus efficace. De son côté, le gouvernement de Fajr Libya, installé à Tripoli et non reconnu par la communauté internationale, avait aussi riposté, avant-hier, par un appel similaire à celui de son rival, demandant de l'aide face «à ce danger imminent» que représente Daech en Libye. Les Maîtres de Tripoli avaient également demandé aux «Etats concernés par la lutte contre ce phénomène destructeur» de «coopérer» avec eux et leur fournir du soutien «technique, logistique et en matière de renseignements». Assurément, devant la montée en puissance du groupe EI, le dialogue politique inter-libyen mené par le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, M. Bernardino Léon, risque de se liquéfier devant la crainte d'un remake du scénario irakien.