Bien que ça soit déjà Ramadan et malgré la canicule, ça patauge. La politique tunisienne tangue au gré des vicissitudes. Tel un bateau ivre. Les responsables politiques ont beau s'agiter à droite et à gauche, ils n'en imposent pas. D'abord, les interviews et autres sorties populaires et médiatiques. Au cours des derniers jours, le chef du gouvernement et le nouveau secrétaire général de Nida Tounès ont fait irruption sur la place. Le premier, M. Habib Essid, a donné une interview à la première chaîne de la télé nationale. Du réchauffé en définitive. Enregistrée la veille sans le faire savoir aux téléspectateurs, l'interview a dégagé une impression de mièvrerie caractérisée. De sorte que le chef du gouvernement parlait, à 19 heures, des attentats terroristes de la veille sans faire, ne fût-ce qu'une allusion, aux quelque 120 victimes — dont 19 tués — de l'accident ferroviaire survenu tôt dans la matinée. A trop vouloir éviter le direct tout en trompant son monde, on finit dans les travers du pitoyable. Côté fond, ce fut littéralement un non-événement. L'homme le plus puissant du pays — ou supposé l'être — n'a rien à dire. Parce que, précisément, il n'a rien à offrir. Tout au plus, de généreuses déclarations d'intention, tellement réitérées qu'elles sont devenues usées, rapiécées, fanées. Aucune initiative d'envergure. Aucun projet structurant. Mais où sont les promesses d'antan ? Où sont le conseil supérieur du plan, les dix grands projets structurants, le dialogue institutionnalisé avec la centrale syndicale, la maîtrise des prix etc, etc. ? De son côté, M. Mohsen Marzouk, nouveau secrétaire général de Nida Tounès, a tenu meeting au palais d'el-Kobba à Tunis. Un meeting où l'on s'est, d'emblée, emmêlé les pinceaux. La commémoration du troisième anniversaire de la naissance de Nida devait être reportée, de l'avis de nombreux observateurs. La solennité, et non les festivités, devait être de mise face aux centaines de victimes des attentats terroristes de la veille et de l'accident ferroviaire du jour même. Côté Nida, on proteste du devoir de célébrer quand bien même dans une atmosphère plus solennelle que festive. N'empêche. C'était comme parler de corde dans la maison du pendu. Et puis la polémique, intra-muros et sur la place publique, autour de la tenue même de ce meeting a occulté le reste. Du coup, dans les rangs mêmes du parti majoritaire, le sentiment humiliant d'un ratage multiforme et des colères épanchées en profondeur. En prévision de passes d'armes imminentes. L'amateurisme ambiant saute aux yeux. Les démarches gauches et précipitées sont contre-productives. Le défaut majeur de communication, tant du gouvernement que des partis de la coalition gouvernementale majoritaire, sont évidents. D'ailleurs, le chef du gouvernement, nous annonce-t-on, vient de changer son équipe médias et com. Pour la troisième fois en moins de quatre mois. Zied Laadhari, ministre du gouvernement en place, a eu maille à partir avec son propre service médias. Ils se chamaillent sur la place publique. A la bonne franquette. Last but not least, les partis de la majorité se sont réunis avant-hier pour décider d'une série de mesures. Toujours les mêmes en fait. Coordonner, évaluer ensemble, unifier les rangs dans les travées du Parlement. Au fil des semaines et des annonces plus généreuses les unes que les autres, ça confine à la litanie. Sinon à la jérémiade. Côté diplomatie, le profil n'est guère plus reluisant. On n'en sait toujours pas grand-chose sur les tractations avec les terroristes libyens auteurs de l'enlèvement de dizaines de Tunisiens, dont dix diplomates. Des conciliabules secrets ont bien lieu, on s'en doute, mais on demeure à l'affût de la réaction diplomatique décisive et salutaire. Des particuliers parlent de tractations et libération de diplomates. Les officiels se murent dans le mutisme. Ici comme ailleurs, nos responsables rasent les murs, s'abîment dans le silence compromettant ou complice, flouent l'opinion à loisir. C'est dire l'étendue du malaise généralisé dans l'opinion. Ramadan, l'été, la saison des moissons empoisonnées par les conflits mal à propos et les surenchères de pacotille, les ingrédients du mal-être sont là. Dans les consciences et dans les émotions. Seulement, nos responsables ne sont pas à même de dissiper les angoisses, rassurer, agir. Même les promesses d'antan végètent à la lisière de l'inconsistance.