Certes, le Premier ministre grec a obtenu, avant-hier, un accord unanime de la zone euro pour négocier un 3e programme d'aide, mais son gouvernement risque l'implosion Si la zone euro a décidé, avant-hier, à l'unanimité d'entamer des négociations en vue d'accorder un troisième plan d'aide à la Grèce, qui risquait sinon une sortie de l'Union monétaire, selon plusieurs experts, la bataille est loin d'être gagnée pour le gouvernement grec. Ainsi, après avoir éloigné le spectre d'un «Grexit», Alexis Tsipras devait arracher hier le soutien de son propre camp aux impopulaires mesures exigées par les créanciers, qu'il devra faire adopter par le Parlement au plus tard mercredi. Le Premier ministre grec, qui, pour le journal libéral Kathimerini enchaîne un «sprint à Athènes après un marathon à Bruxelles», doit dans la journée multiplier les consultations avec les membres de son parti, la formation de gauche radicale Syriza. Pour certains d'entre eux, l'accord trouvé à Bruxelles au terme d'une nuit de négociations est une capitulation face à l'austérité imposée par l'Allemagne, et pourtant rejetée massivement par référendum le 5 juillet. «Cet accord va passer avec les voix de l'opposition, pas avec celles du peuple», a prévenu le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis, eurosceptique convaincu. Mêmes réticences au sein du parti souverainiste des Grecs Indépendants (ANEL), partenaire de coalition minoritaire, qui devait se réunir hier autour des projets de réforme dont Bruxelles exige la transcription dans la loi au plus tard mercredi. Son meneur, le ministre de la Défense Panos Kammenos, a dénoncé hier un «coup d'Etat au cœur de la zone euro». Mais il a assuré qu'il voulait «continuer (à gouverner) avec Tsipras». Un financement en gestation A Bruxelles, les ministres des Finances de la zone euro tentaient, eux, de ficeler hier un financement d'urgence de la Grèce, le temps qu'un nouveau plan d'aide, le troisième dont elle bénéficierait depuis 2010, soit formellement mis en place. Le pays est incapable de faire face à ses besoins immédiats, évalués à 12 milliards d'euros d'ici à fin août, dont des remboursements à la Banque centrale européenne et au Fonds monétaire international, face auquel la Grèce a une nouvelle fois fait défaut avant-hier. L'Etat grec a néanmoins réussi à s'acquitter du remboursement d'obligations dites «samouraï» auprès de créanciers privés au Japon, qui ont reçu hier 148 millions d'euros. Une goutte d'eau rapportée au montant total de la dette grecque (près de 312 milliards d'euros, soit 177% du produit intérieur brut du pays). Le Parlement grec doit inscrire en un temps record dans la loi quelques-unes des contreparties consenties par M. Tsipras avant-hier à l'aube, en échange de la promesse d'une aide d'entre 82 et 86 milliards d'euros. Athènes doit ainsi faire adopter en 48 heures une augmentation de TVA et une réforme des retraites, entre autres. Le feu vert des députés grecs n'est qu'une condition préalable. Il faudra ensuite que les Parlements de plusieurs autres pays se prononcent, dont une commission du Parlement finlandais jeudi et le Bundestag vendredi, avant d'espérer un semblant de normalisation dans un pays asphyxié depuis fin juin par des contrôles de capitaux. Les banques grecques resteront fermées au moins jusqu'à mercredi, le temps pour la BCE de statuer sur la ligne de crédit d'urgence dont elles bénéficient, bloquée actuellement à 89 milliards d'euros. Appel à la grève Si M. Tsipras arrache le feu vert du Parlement grâce aux voix des partis de l'opposition, essentiellement le Pasok (sociaux-démocrates) et Nouvelle Démocratie (conservateurs), il risque de faire imploser son propre gouvernement, avec pour conséquence un remaniement voire, en cas de crise ouverte, de nouvelles élections. Le jeune Premier ministre pourrait aussi s'aliéner une partie des Grecs, ceux-là mêmes qui l'avaient plébiscité lors du référendum du 5 juillet. Il sera confronté mercredi, jour du vote, à un appel à la grève du syndicat des fonctionnaires, le premier depuis son arrivée au pouvoir en début d'année. Et les premières ruptures dans son parti Syriza sont consommées. Le député Dimitris Kodelas a annoncé sa démission du groupe parlementaire après le vote mercredi. Et le ministre adjoint aux Affaires européennes, élu de Syriza, Nikos Chountis, a déjà démissionné avant-hier pour rejoindre le Parlement européen. Lors du vote en fin de semaine dernière qui a autorisé le Premier ministre à négocier un accord sur la base d'un programme de rigueur, sur 139 députés de Syriza, 17 avaient voté contre ou s'étaient abstenus. 15 autres avaient, eux, cédé, mais fait savoir qu'ils ne voteraient pas de futures lois d'austérité. Pour calmer les esprits, le ministre de l'Intérieur Nikos Voutsis (Syriza) assurait hier que le gouvernement allait «supprimer ces mesures (d'austérité) pendant la phase de mise en œuvre» et qu'il y aurait «des mesures permettant de les annuler» après le vote. De quoi chauffer encore les esprits en Europe après quinze jours dantesques de négociations et coups d'éclat, entre référendum grec surprise et campagne allemande pour un «Grexit» temporaire. Les Etats-Unis, que ces déchirements inquiètent, ont voulu croire avant-hier que l'accord arraché à Bruxelles était «crédible». Les Grecs «passent à l'abattoir», a estimé avant-hier la présidente du Front national, Marine Le Pen, pour qui l'accord conclu par les dirigeants de la zone euro pour une sortie de la crise coûtera cher aux Français. (...) «La réalité, c'est que les Grecs passent à l'abattoir», a déclaré Marine Le Pen lors d'une conférence de presse, dénonçant une «véritable mise sous tutelle» de l'économie grecque et une «vente à la découpe» du pays. «Monsieur Hollande ment (...) aux Français en laissant penser que cette opération sera indolore pour eux», a-t-elle ajouté. «J'appelle les Français à refuser cette fuite en avant extrêmement coûteuse pour eux.» Fustigeant l'euro, «monnaie vaudoue à laquelle tout doit être sacrifié», la présidente du parti d'extrême droite a plaidé pour une «dissolution concertée et organisée» de la zone euro, qui serait menée «sous l'impulsion de la France». Mais hier, l'un des virulents adversaires de Syriza en Europe, le quotidien allemand Bild, ne désarmait pas. «Merkel sauve la Grèce avec notre argent!», s'indignait en Une l'influent journal à grand tirage. La chancelière Angela Merkel avait prévenu, avant-hier, que le chemin serait «long» et «difficile» pour que la Grèce, à laquelle ses partenaires européens consentent d'accorder une troisième aide en échange de réformes, retrouve le chemin de la croissance. L'accord trouvé après dix-sept heures de négociations entre la Grèce et ses partenaires de la zone euro comprend «une large palette de réformes au moyen desquelles, je crois, la Grèce a la chance de revenir sur le chemin de la croissance», a déclaré la chancelière. Mais «le chemin sera long et, si j'en crois les négociations de cette nuit, difficile». Synthèse d'A.A.H. (avec Agence)