La rencontre entre le Qawwali indo-pakistanais et le flamenco espagnol met du baume au cœur de l'humanité. Toutes les réserves que l'on peut avoir sur le programme du Festival international de Carthage ne concernent en rien le spectacle et le public d'avant-hier. Au bonheur de l'humanité, deux expériences musicales se sont rencontrées pour enrichir le patrimoine musical mondial. A l'échelle individuelle, chaque note jouée, chaque syllabe chantée s'adresse aux sens et purifie le cœur des tracas du quotidien et d'une actualité qui lui pèsent. Le Qawwali et le flamenco ont en commun la profondeur et l'authenticité d'une musique née des tripes et de l'histoire des peuples qui l'ont inventée. Cette musique est un besoin et dès qu'on l'écoute, on comprend qu'elle porte des secrets de la nuit des temps et qu'elle a aidé des peuples à vivre et à survivre sur des centaines d'années. « Sans la musique, la vie serait une erreur », disait Friedrich Nietzsche. Un bel hommage à l'épiphanie sonore universelle, dans lequel Faiz Ali Faiz, Juan Gomez et leurs musiciens doivent se reconnaître. Le premier est l'un des maîtres du Qawwali indo-pakistanais, une tradition musicale soufie qui se décline en « Hamd » ou louange de Dieu et du Prophète et en « Ghazal », où les thèmes tournent autour de l'amour. Le deuxième, plus connu sous le nom de « Chicuelo », est un guitariste et compositeur catalan fidèle à la tradition du flamenco de ses ancêtres. Etonnante rencontre, entre une musique spirituelle et une autre sensuelle par excellence, dite « écorchée vive », mais tellement envoûtante à la fois. C'est que, tout comme les gitans, leur musique est une branche du grand arbre de la culture d'Extrême-Orient. Le respect de soi et de l'autre a été le maître mot de la soirée. Sur scène, chacun était fidèle à ce qu'il représente. Faiz Ali Faiz et ses musiciens en tenue traditionnelle pakistanaise, assis en tailleur sur une estrade, harmonium et percussions à la main, et Juan Gomez sur sa guitare, assis avec les chanteurs, en costume, sur des chaises. La fusion entre les rythmes des uns et des autres est tellement agréable et enchanteresse pour l'oreille et pour l'âme qu'elle révèle tout le sérieux et le travail studieux qu'il y a derrière. On a l'impression que la place de chaque note et de chaque variation de voix est étudiée. Il n'y avait de place que pour l'harmonie et la volupté. Qawwali Flamenco, c'est une rencontre provoquée et une musique qui coule de source. Le spectacle a été conçu dans sa nouvelle version en 2014. Faiz Ali Faiz et Juan Gomez ont collaboré dix ans plus tôt. Leur expérience est tellement éloquente sur ce que devrait être la vie des Hommes sur terre: aller vers l'autre, le respecter et faire de la richesse des uns et des autres un patrimoine commun, de partage et de bien-être. De chanson en chanson, qui duraient environ un quart d'heure, silence solennel et applaudissements se sont enchaînés, honorant public et artistes. Parmi les titres, une louange du Prophète et pour la fin, le fameux « Allah Hoo » du grand maître Qawwali Nusrat Fateh Ali Khan. Avant de quitter la scène, le groupe a offert à l'audience un dernier morceau chanté en cœur. Un salut de cœur pour un public qui a su apprécier ce moment d'élévation à sa juste valeur. Une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie!