Par M'hamed JAIBI L'accord obtenu par l'organisation «I Watch» d'«observer» les épreuves orales du tristement célèbre Capes et les mises en cause formulées par la même organisation quant aux conditions ayant prévalu lors du concours de la magistrature posent de la manière la plus crue la question cruciale de la crédibilité de nos concours nationaux. L'unique accès à la carrière de magistrat Il s'agit d'une problématique générale affectant le crédit de tous les examens et concours d'entrée, de passage, de recrutement, de promotion..., qui se pose d'ailleurs dans tous les pays, et que les technologies de communication ont compliquée et popularisée. Mais qui se place, s'agissant du concours d'accès à la magistrature, aux portes de l'indépendance de la justice. Ce concours particulièrement ardu est, effectivement, l'unique accès à la carrière de magistrat. C'est un sésame qualitatif qui permet à un simple juriste sorti de l'université d'accéder au rang de chevalier du «troisième pouvoir», appliquant et interprétant les lois, et doté d'une «intime conviction» capable de déterminer par ses verdicts le sort des justiciables. Les critiques de «I Watch» Les remarques formulée par «I Watch» mettent tout simplement en cause l'équité du concours et appellent, de par leur sévérité et leur aspect systématique, à une annulation pure et simple de la session. L'organisation a révélé l'absence de transparence et de confidentialité, dans la mesure où les noms des candidats étaient accessibles, et fait état de fraudes massives, avec utilisation du téléphone portable, au vu et au su des personnes chargées de la surveillance et sans la moindre réaction notable de leur part. Et «I Watch» de conclure qu'il est inacceptable de tolérer que de futurs magistrats fraudent de la sorte, et puissent accéder à un corps de «souveraineté» par une telle fraude. Ce qu'on raconte va plus loin... Les candidats malheureux vont plus loin, affirmant que cette «ambiance de foire» se renouvelle chaque année, avec fausses copies, surveillants complaisants et kits Bluetooth. Certains prétendent même que des sessions auraient vu réussir des candidats totalement absents. L'AMT de la partie Mais ce qui prête crédit aux critiques de «I Watch», c'est la position du bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens, qui note «de nombreux abus ayant émaillé le déroulement des épreuves du concours, comme actes de fraudes et insuffisance de leur détection et de leur empêchement». Et l'AMT de conclure qu'au vu de la clarification apportée, en réponse aux remarques de «I Watch», par la commission chargée de superviser le concours, qu'il est nécessaire d'«approfondir l'enquête relative à tous les abus constatés et les fraudes enregistrées ou dénoncées, et l'établissement des responsabilités légales qui en découlent», appelant la commission à rédiger un rapport public détaillé sur les causes des abus et les voies permettant de faire évoluer les mécanismes de contrôle, internes et externes, pour s'y opposer et limiter leur ampleur, du fait de l'importance de la question, en liaison avec l'indépendance de la justice et son intégrité (...)». En toute indépendance ! Comme n'a pas manqué de le noter l'AMT, c'est que c'est la commission supervisant elle-même le concours qui a fait appel à «I Watch». Et cela laisse présager que les remarques de cette organisation seront sérieusement prises en compte. Reste à savoir de quelle manière : en annulant tout simplement la session ou en prenant des «mesures efficaces» pour les prochaines sessions ? En laissant courir dans les couloirs des tribunaux des fraudeurs invétérés désormais chargés de faire la justice. En toute indépendance !