L'Instance vérité-dignité (IVD) a organisé, hier, un débat sur le projet de la loi organique relative aux procédures spéciales concernant la réconciliation dans les domaines économique et financier. Le débat a porté sur les conséquences économiques et sociales de ce projet et leur impact sur le travail de l'instance. Ce projet de loi «portera atteinte non seulement au processus de transition démocratique, mais aussi à l'ensemble du projet démocratique auquel aspire la Tunisie», a affirmé la présidente de l'IVD, Sihem Ben Sedrine, qui a aussi critiqué la marginalisation de l'IVD dans le processus d'élaboration du projet. Le projet de loi organique relative aux procédures de la réconciliation économique et financière avait été proposé par la présidence de la République. Le projet avait été approuvé le 14 juillet dernier en Conseil des ministres. Une série de débats seront prochainement organisés par l'Instance pour discuter ce projet de loi avant la tenue d'un congrès national, en présence d'experts et de représentants de la société civile. Selon Mme Ben Sedrine, citant un rapport de la Banque mondiale, le projet de loi relatif à la réconciliation économique concerne 224 institutions appartenant à 114 personnes en Tunisie. De son côté, Mohamed Ayari, membre de l'IVD, a estimé que le projet de loi n'est pas conforme aux dispositions de la loi de la justice transitionnelle. Pour sa part, le membre Mustapha Baâzaoui a nié toute volonté de représailles dans la loi de la justice transitionnelle. Le législateur a plutôt cherché à dévoiler la vérité et à réformer les institutions, a-t-il dit. «L'initiative de la présidence de la République pour la réconciliation économique annule complètement le travail de la commission d'arbitrage et de réconciliation et celle de la réforme administrative, qui seront formées conformément à la loi de la justice transitionnelle, a estimé la membre de l'IVD, Ola Ben Néjma. Elle a ajouté que le projet de loi comporte un message négatif aux investisseurs tunisiens et étrangers et plus particulièrement aux institutions financières internationales, en quête d'un climat propice à l'investissement, loin de toute forme de corruption aux plans administratif et financier. De son côté, le constitutionnaliste Jawhar Ben Mbarek estime que le meilleur moyen pour faire tomber le projet de loi sur la réconciliation économique est de collecter le maximum de signatures. Selon lui, ce projet de loi est « ne sorte d'amnistie spéciale réservée à certaines personnes ». Il s'oppose à l'article 21 de la Constitution qui consacre l'égalité devant les droits et les devoirs ainsi que devant la loi. Intervenant lors du débat, Ben Mbarek a fait observer que ce projet de loi est incompatible avec l'article 148 de la Constitution qui charge l'Etat de l'application du système de la justice transitionnelle. La loi sur la réconciliation économique porte également atteinte au principe de la bonne gouvernance qui repose sur la transparence, l'intégrité, l'efficacité et la redevabilité énoncées dans le préambule de la Constitution, ainsi que dans son article 15. De plus, ce projet transgresse les dispositions de l'article 10 sur l'égalité fiscale.