Abdelhamid, Samir, Nesrine, Zied, Lina, Sofiène et plus d'une vingtaine d'autres agriculteurs proposent un autre modèle agricole plus sain, avec moins de pesticides. Ils sont en majorité des jeunes qui cherchent à se réconcilier avec la terre mais en l'abordant autrement. Sur de petits périmètres, ils expérimentent un nouveau genre de culture alternative : la permaculture, qui mise davantage sur la qualité que sur la quantité. En Tunisie, l'agriculture représente 8% du PIB et emploie 16% de la population active, ce qui signifie que ce secteur vital est l'un des piliers essentiels de l'économie tunisienne dans un pays dont les ressources naturelles sont limitées (pétrole, gaz, etc.). Une association a été créée par un groupe d'amoureux de la nature pour promouvoir et défendre ce nouveau concept agricole qui rejette en bloc le système agricole moderne. Une agriculture sans pesticides Il s'agit de l'Association tunisienne de permaculture, qui a vu le jour en mai 2013, et dont l'objectif principal est de prendre en considération la biodiversité des écosystèmes visant à mettre en place une production durable, économe et respectueuse du rythme de la terre qui s'autorégule d'elle-même sans utilisation d'engrais chimique et de pesticides. La philosophie de la permaculture est de travailler la terre avec beaucoup de modération sans provoquer sa dégradation, ni son érosion par des méthodes agressives pratiquées par l'agriculture intensive. L'association aide les agriculteurs à créer un jardin forêt, un potager, etc. La permaculture est répartie un peu partout dans les régions tunisiennes comme par exemple à Ras Jebel, dans la région de Bizerte où Lina (architecte paysagiste) et Sofiane, chercheur en informatique, qui vivaient au Danemark, cultivent, aujourd'hui, un terrain agricole de 3.000 m2. Leur ferme est devenue un terrain d'apprentissage et d'expérimentation pour les passionnés du retour à la nature et à l'agriculture traditionnelle. La qualité avant la quantité Leur terrain a l'allure d'un jardin à l'abandon. «C'est justement ce qu'il faut, car en permaculture, on ne recourt ni au labourage, ni au désherbage et non plus au taillage des arbres», explique Sofiène et d'ajouter que «la méthode du labourage endommage le sol, la source de sa fertilité naturelle, et oblige les agriculteurs à utiliser les fertilisants chimiques. En permaculture, on protège cette source par le paillage et on la nourrit par le compost. Pour le désherbage, la pratique courante est d'utiliser des herbicides chimiques». Non loin, à Sounine, une autre petite localité non loin de Ras Jebel, Abdelhamid a élu domicile sur un terrain d'environ 1.000m2 sur lequel il pratique la permaculture. Un jardin fruitier où de très grandes espèces d'arbres sont plantées allant de l'amandier en passant par le citronnier, le goyavier, le bananier, le cerisier, etc. fertilisés par des composts naturels. «Cette démarche vise à construire des écosystèmes résilients et durables, basés sur les interactions fertiles du monde vivant», souligne Abdelhamid. A Aousja, une localité de Bizerte, Ahmed cultive un lopin de terre familial et n'est pas convaincu par ce concept agricole. «Je cultive essentiellement de la pomme de terre. Si j'abandonne les pesticides, elle sera pourrie. Cette méthode d'agriculture traditionnelle a été pratiquée par nos ancêtres, mais elle n'a pas donné de bons résultats. En tout cas, elle ne peut pas nourrir un peuple et reste réservée à des dilettantes dont l'agriculture n'est pas le métier essentiel». Les avis des agriculteurs sont partagés. Pour ou contre la permaculture ? La question reste posée.