C'est aujourd'hui qu'il sera demandé aux 217 députés de l'Assemblée des représentants du peuple s'ils accordent ou pas leur confiance à Habib Jemli en tant que chef du gouvernement dont la liste a été remise au président Kaïs Saïed puis à l'Assemblée, mais dont divers partis et groupes parlementaires contestent la composition finale. La distribution des rapports de force à l'ARP laisse d'emblée prévoir que les alliances possibles avec Ennahdha ne seront pas à même d'avaliser l'équipe Jemli. Mais le même scénario s'était présenté lors de l'élection du bureau de l'Assemblée, et une majorité surprise négociée entre Ennahdha, Qalb Tounès et le groupe Réforme nationale a hissé Rached Ghannouchi en tant que président de l'ARP. Avec 54 + 38 + 15 députés, soit 105, cette coalition électorale conjoncturelle a ainsi pu faire des miracles, moyennant le ralliement de 4 ou 5 indépendants. Si on lui rajoute le groupe Al Karama, elle deviendrait imbattable. Mais Qalb Tounès et Al Karama pourront-ils faire bon ménage ? Très peu probable. D'où les intentions de dernière minute exprimées par Nabil Karoui et ses lieutenants de ne pas faire confiance à l'équipe de Habib Jemli. D'autant qu'une réconciliation spectaculaire est intervenue, à la résidence de fonction du chef du gouvernement sortant, à Carthage, quelques heures plus tôt, entre Chahed et Karoui. Il est clair, suite à ces évolutions concordantes, que le candidat d'Ennahdha à la primature est bel et bien en mauvaise posture. Le nombre de députés sur lesquels il peut compter sont : les 54 d'Ennahdha et les 14 de la coalition Al Karama qui n'ont pas démissionné. Pour atteindre la majorité requise, il faudrait 41 autres députés. Mais, attention ! Ennahdha n'est plus unanimement acquise à son leader historique, Rached Ghannouchi. Accusé d'être le vrai et le seul inspirateur du gouvernement proposé et soupçonné d'avoir minutieusement procédé à l'élimination de plusieurs leaders nahdhaouis de la liste des candidats à la formation du cabinet ministériel, le Cheikh craint désormais que la révolte n'éclate, et que ce soit les propres enfants d'Ennahdha qui fassent tomber leur gouvernement. Alors, de là à dire que tous les scénarios sont possibles, il n'y a qu'un pas. Celui de voir Habib Jemli tout simplement éconduit. Et ledit «gouvernement du Président» s'imposer comme unique alternative constitutionnelle. Le chef du gouvernement désigné devrait revenir vers le président de la République et l'informer de son échec dans la formation de l'équipe. Lui qui continue à prétendre qu'il ne retouchera sa formation qu'une fois son gouvernement validé par la plénière.