Et si le lauréat 2015 du prix Nobel de la paix, le Quartette du Dialogue national, se saisissait du texte pour déboucher sur une loi consensuelle et conforme à l'esprit de la justice transitionnelle ? «La justice transitionnelle : quelle réconciliation ?», tel était le thème du débat organisé, avant-hier, dans les locaux de la municipalité de Hammamet par la section locale de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme en la présence de l'experte en droit, Melle Jinan Limam, et M. Wahid Ferchichi, juriste, président de l'Association de défense des libertés individuelles et ex-membre de la Commission nationale d'investigation sur les faits de corruption et de malversation (présidée par feu Abdelfattah Amor). En se basant sur une lecture comparative entre la loi organique 2013-53 et le projet de loi pour une réconciliation économique et financière, les deux experts ont étalé les points de convergence et de divergence dans ces deux textes. Selon Wahid Ferchichi, «la Tunisie est le premier pays qui a intégré les crimes économiques et financiers dans le processus de la justice transitionnelle». L'exécutif prend le dessus sur l'IVD Il a, par ailleurs, souligné dans sa lecture du projet de loi de réconciliation économique et financière le déséquilibre des forces au sein de la commission de réconciliation qui peut être assimilée à la commission d'arbitrage et de conciliation de l'Instance vérité et dignité (IVD). Toujours d'après lui, c'est au niveau de la composition que réside le problème. En effet, le projet de loi de la présidence de la République stipule que la commission de réconciliation devrait être composée d'un représentant de la présidence du gouvernement, un représentant du ministère de la Justice, un autre du ministère des Finances, le contentieux de l'Etat et deux membres de l'IVD, ainsi, «les mécanismes de contrôle» entre l'Etat et l'instance s'en trouvent «favorisés», précise-t-il. «Avec une telle composition, le pouvoir exécutif aura le dernier mot dans cette commission. En effet, le projet de loi prévoit que le quorum des réunions de cette commission peut être atteint avec au minimum quatre membres pour effectuer ses travaux», renchérit M. Ferchichi. De ce fait, si les deux membres de l'IVD décident un jour de boycotter les travaux de cette commission, cette dernière pourra, ainsi, se passer de leur présence. « La justice transitionnelle touche les peuples et non pas l'Etat, car, dans certains cas, l'Etat peut-être sur le banc des accusés», ajoute-il. Toujours selon la lecture de M. Ferchichi, la loi de réconciliation a limité, à trois mois renouvelables une seule fois, les travaux de cette commission. Cette clause oblige, ainsi, les membres de cette commission de réconciliation de traiter près de 1.600 dossiers et donner leur verdict, au plus tard, dans les 6 mois après le dépôt du dossier. «Certes, ce projet de loi a limité dans le temps le traitement des dossiers, mais on se pose la question suivante : le délai de 6 mois est-il suffisant ?», martèle-t-il . La société civile a un rôle à jouer De son côté, Melle Jinan Limam a mis en exergue la fibre unilatérale du projet de la loi de réconciliation économique et financière. «La nouvelle Constitution ainsi que la loi de la justice transitionnelle ont été élaborées après de larges consultations, contrairement au projet de loi de la présidence de la République. Certes, ce projet de loi va passer, mais pas dans sa forme actuelle, donc il serait salutaire d'impliquer la société civile pour jouer son rôle de garde-fou en contribuant activement, dans sa révision», déclare-t-elle. «Rappelons que le brouillon de l'actuelle Constitution avait sillonné les 24 gouvernorats du pays et je me rappelle que le rapport de cette tournée avait beaucoup servi pour rectifier le tir et faire valoir les valeurs universels des droits de l'Homme et âme civile dans le texte», a-t-elle conclu. Enfin, un des intervenants a proposé que le récent lauréat du prix Nobel de la paix, le Quartette du Dialogue national, puisse se saisir de ce projet de loi pour aboutir à un texte consensuel et conforme à l'esprit de la justice transitionnelle.