«Les négociations devraient se faire sur un pied d'égalité. Notre pays doit être pris pour partenaire à part entière, sans être réduit à un simple client commercial», souligne M. Ridha Lahoual, ministre du Commerce C'est parti. Les négociations officielles sur l'Aleca, Accord de libre-échange complet et approfondi, ont démarré, hier, à pas feutrés, entre la Tunisie et l'Union européenne, sous réserves émises de toutes parts. Après quelques réunions sporadiques tenues sans grand bruit, le signal a été, finalement, donné par la Commissaire européenne au commerce, Mme Cecilia Malmstrom, en concertation avec son homologue tunisien, M. Ridha Lahoual. Cette reprise de plus belle vient suite à l'annonce faite, le 25 mai dernier à Bruxelles, par le chef du gouvernement, M. Habib Essid, avec qui l'hôte de la Tunisie s'est entretenue, hier matin, au Palais de La Kasbah. Pour la Commissaire européenne, ce nouvel engagement augure un partenariat mutuellement bénéfique, mais qui devrait être aussi asymétrique, étant donné les défis et les spécificités économiques propres à chacune des deux parties. Sur les ondes d'une radio privée, elle a tenu à démontrer la portée d'un tel accord qui se veut une façon de renforcer les relations de partenariat pour donner un soutien à nos multiples réformes économiques, booster l'investissement et favoriser un climat d'affaires très favorable aux investisseurs européens. Et d'ajouter : «Il est de même très important pour nous aussi, parce que la Tunisie est un ami et partenaire depuis longtemps dans la politique de voisinage de l'UE». L'essentiel qu'on peut tirer de cet accord consiste à améliorer les possibilités d'accès au marché extérieur, permettant aux entreprises nationales de s'approprier une place de choix sur l'orbite européen. Mais nos investisseurs ont-ils, vraiment, le potentiel de compétitivité susceptible de braver la concurrence qui vient de l'autre rive de la Méditerranée ? Ont-ils le souffle de s'affirmer face aux vieux loups indomptables du continent ? Des discussions interexperts attendues Mme Malmstrom évoque, à cet égard, l'engagement européen à fournir à l'économie nationale les mécanismes d'aide et de coopération et faire en sorte que tout l'appui financier et l'encadrement requis soient garantis dans le but de réussir le parachèvement de la zone commune de libre-échange tant négociée, depuis la conclusion, en 1995, de l'accord d'association Tunisie-UE. Il n'est plus question de reproduire le même scénario d'antan. Les temps ont changé. Cette fois-ci, souligne M. Ridha Lahoual, les négociations devraient se faire sur un pied d'égalité. Notre pays, défend-il, doit être pris pour partenaire à part entière, sans être réduit à un simple client commercial. Le démarrage effectif de ces négociations aura lieu à partir du 19 de ce mois, et ce n'est qu'un début. Les négociations porteront sur un éventail de secteurs économiques liés à l'agriculture, biens et services, au commerce, au développement durable, aux tarifs douaniers, à l'énergie, aux marchés publics et à bien d'autres secteurs sensibles à la concurrence. D'ailleurs, une délégation d'experts européens est attendue la semaine prochaine à Tunis pour en discuter à fond. Rien ne serait laissé au hasard. Et le ministre du Commerce d'insister: «Il faut tenir compte de l'écart de développement entre les deux pays, tout en adoptant une démarche progressive dans l'application des engagements inclus». Pour lui, l'Aleca, dans tous ses états, devrait être négocié dans ses moindres détails. Et pour cause, le respect mutuel à ce niveau est de rigueur, la souveraineté des Etats et l'intérêt des nations restent au-dessus de toute autre considération. «Les experts des deux pays vont débattre de toutes ces questions, en présence des représentants de la société civile sur un pied d'égalité», rassure-t-il. De son côté, son homologue européenne tient à le rassurer davantage : «Nous allons prendre soin de la sensibilité de l'économie tunisienne et des défis auxquels elle fait face. D'autant plus qu'il y aura une protection pour les secteurs censés être des plus fragiles». L'objectif, certes, est de lui permettre de mener à bien, en toute douceur, une intégration effective dans les marchés de l'Union. La société civile a son mot à dire Première impression qualifiée de positive livrée sur le tas : des investisseurs européens manifestent leur intention de venir monter des projets en Tunisie. Et ce n'est pas tout. Mme Malmstrom a fait savoir que le calendrier d'affaires et d'actions similaires sera fixé dans la transparence et la clarté. Ce sont là des signes révélateurs d'une entrée en force dans l'ordre du jour de l'Aleca. Mais la société civile tunisienne ne l'entend pas de cette oreille. Une majorité d'activistes en matière de développement et de droits de l'Homme ont crié haro sur un tel partenariat jugé trop controversé. Gare à la précipitation ! C'est ainsi qu'ils n'ont cessé de remonter les bretelles et du gouvernement tunisien et de l'Union européenne pour ne pas procéder à des études d'impact préalables. En fait, le réseau Euro-Med des droits humains (bureau de Tunis), l'Ugtt, le Ftdes, la Ltdh, réseau Destourna et bien d'autres ont formé un large collectif associatif. Dans un communiqué commun, les signataires ont dressé une liste de recommandations, fruit d'un long travail de groupe et de réflexion sur le pour et le contre de l'Aleca. Ils ont réclamé que cet accord soit à la hauteur des attentes, porteurs de vraies réalisations socioéconomiques, tenant compte de la compétitivité inégale entre les deux systèmes économiques. Ils ont revendiqué, également, que la société civile soit associée à ce débat.