Un contrat de nature privée et soumis à la loi française aurait été signé par le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale avec une banque française en vue d'assister l'Etat tunisien dans l'élaboration du plan de développement 2016-2020. Une première scandaleuse, selon certaines parties Le ministre aurait signé le contrat avec une institution étrangère pour un montant de 500.000 euros, soit un peu plus d'un million de dinars « La République tunisienne souhaite confier à la banque française privée Lazard la mission de l'assister en qualité de conseiller stratégique et financier dans l'élaboration du document du plan de développement, ainsi que dans la sélection et la structuration des programmes phares et leur promotion auprès des investisseurs ». Ce sont les termes du contrat qu'aurait signé le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, avec cette institution étrangère pour un montant de 500.000 euros, soit un peu plus d'un million de dinars. Le contenu du document, resté secret, a été fuité, hier, par le député Mehdi Ben Gharbia au cours de l'audition du ministre par la commission des finances. Le député a estimé que « cette affaire est scandaleuse et porte atteinte à la souveraineté nationale et entame la crédibilité de l'Etat tunisien, de ses institutions et de ses compétences », ajoutant qu'il « est inadmissible qu'une banque étrangère joue le coordinateur entre les ministères tunisiens et l'administration et fixe les priorités de notre plan de développement ». De son côté, le président de la commission des finances, Iyad Dahmani, s'est dit « choqué d'apprendre cette information et voudrait en savoir davantage sur les termes de référence et sur le texte de l'appel d'offres ». Même s'il a tenté de minimiser l'affaire en expliquant qu'il ne s'agissait que d'une simple consultation, Yassine Brahim a déjà mis les pieds dans le plat en s'adressant à des parties étrangères, ne serait-ce que pour demander leur avis sur le plan de développement qui est une affaire purement tunisienne. Il ne pouvait pas se dérober à ses responsabilités, ni encore moins nier que l'équipe des experts a été déjà choisie par ladite banque et que le contrat contient des clauses, tout simplement, scandaleuses dont notamment « le gouvernement tunisien s'engage à communiquer les informations jugées utiles à la banque ». Pire encore, « le contrat est de nature privée et il est soumis à la loi française ». L'élaboration des plans relève des pouvoirs publics Depuis les premières années de l'indépendance, la Tunisie a choisi de procéder, périodiquement, à l'élaboration de plans de développement économique qui constituent « un cadre d'orientation pour la réalisation d'objectifs visant la croissance économique et le progrès social du pays ». D'abord triennal en 1962, le plan de développement est devenu quadriennal puis quinquennal à partir de 1977. Les différents plans de développement, qui ont été soigneusement élaborés et mis en œuvre par des compétences tunisiennes, ont toujours constitué « le cadre conceptuel idoine de toutes les politiques et de l'ensemble des programmes et projets de développement à moyen terme, sur la base des études sectorielles et de concertation avec les différentes parties et composantes de la société civile, et à partir des approches locales et régionales pour la fixation des objectifs et des orientations nationales ». L'élaboration d'un plan de développement dans ses différentes étapes (établissement de la note d'orientation, définition du contenu sectoriel, définition des politiques globales et sectorielles, définition des projets d'infrastructure...) a toujours relevé des pouvoirs publics, à savoir des cadres du ministère du Développement et des ministères sectoriels. Tout au long de cette démarche, des consultations régionales et sectorielles sont organisées et l'arbitrage est assuré par le gouvernement avant que le projet ne soit transmis au Parlement. Il s'agit d'une procédure qui tient compte des exigences de souveraineté nationale et de la disponibilité de compétences, la Tunisie ayant connu une longue expérience dans ce domaine avec des plans élaborés sans discontinuité, excepté les cinq dernières années. La discussion avec les organisations internationales a lieu après l'élaboration du plan sur la base du projet déjà mis en place par le gouvernement tunisien. Tout au long du processus de l'élaboration des 12 plans de développement, la Tunisie n'a jamais eu recours à des bureaux de consulting et encore moins à des banques privées. Toutefois, on pourrait recourir à des institutions étrangères, au cas où on voudrait faire connaître le contenu du plan afin de mobiliser les financements extérieurs ou pour le soutien au secteur privé dans l'identification des projets qui s'insèrent dans les orientations du plan mais jamais au niveau de la définition du contenu du plan et encore moins pour définir ses orientations. Toute réforme est axée sur un ensemble de principes dont notamment la consécration de la souveraineté du peuple et la consolidation de l'Etat de droit et des institutions. Il est clair qu'au cas où le ministre Yassine Brahim aurait transgressé l'un de ces principes, il devrait répondre de cette « faute ». D'ailleurs, les membres de la commission des finances au sein de l'ARP se sont demandé si le chef du gouvernement était au courant des termes du contrat ou si le ministre avait agi de son propre chef.