La guerre des clans au sein de Nida Tounès a tourné finalement à la violence. Fondateur du parti, Béji Caïd Essebsi se voit obligé d'intervenir et de prendre des «mesures fermes» L'irréparable s'est, enfin, produit au sein de Nida Tounès. Jusqu'à vendredi dernier, on communiquait à travers huissier de justice. Hier, on est passé à une nouvelle étape : ce sont maintenant les bâtons et les gourdins qui servent d'outils «de dialogue» entre les partisans du clan Mohsen Marzouk et ceux soutenant le clan Hafedh Caïd Essebsi-Ridha Belhaj. Hier, dimanche 1er novembre, la réunion que devait tenir le bureau exécutif du parti à Hammamet, en vue de répondre à la notification transmise, vendredi 30 octobre à Mohsen Marzouk and Co, a été annulée. Selon un communiqué publié par le bureau exécutif, les participants à la réunion ont fait l'objet «d'une agression fasciste de la part de milices étrangères au parti avec pour unique objectif d'empêcher la tenue de la réunion sur incitation de certains dirigeants du parti qui ont décidé de procéder à un coup d'Etat et de prendre les rênes du parti». Dans le même communiqué, on fait assumer «la responsabilité des agressions à Hafedh Caïd Essebsi, Ridha Belhaj et aux autres dirigeants parmi leurs partisans». De son côté, Faouzi Elloumi, dirigeant de Nida Tounès (il a participé à la réunion de Djerba et assure qu'il n'est pas partisan de Hafedh Caïd Essebsi et qu'il est plutôt partisan du dialogue et du consensus), a, semble-t-il, choisi son camp. Il n'hésite pas, en effet, à qualifier l'attaque contre la réunion avortée de Hammamet «d'acte terroriste» et à la comparer aux violences perpétrées par les ligues de protection de la révolution, du temps des gouvernements de la Troïka I et II. Il enfonce encore le clou en déclarant sur les ondes de Shems FM que «les assaillants appartiennent au camp de Djerba et ont été payés pour semer le trouble». Dans la foulée, et comme l'on devait s'y attendre, maintenant c'est la guerre des déclarations, chacun des clans accusant l'autre d'être à l'origine des actes de violence. Abdelaziz Kotti, député nidaïste partisan du clan Hafedh Caïd Essebsi-Ridha Belhaj, affirme qu'il a été empêché d'accéder à la salle où la réunion devait se tenir. «Les milices étaient dirigées par le député Walid Jalled (appartenant au clan Mohsen Marzouk) qui était lui aussi armé d'un bâton. Les accusations portées contre Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhaj sont infondées». Et les témoignages sur ce qui s'est passé à Hammamet de se multiplier. Chacun y va de sa version, désignant «ses propres coupables» et tirant ses conclusions personnelles tout en les présentant comme si elles étaient des vérités avérées. Si El Béji obligé d'arbitrer Maintenant que l'on est arrivé au point de non-retour et que la scission au sein de Nida Tounès semble désormais consommée, même si elle n'est pas encore annoncée officiellement, les observateurs se posent les interrogations suivantes : Pourquoi le président Béji Caïd Essebsi tarde-t-il encore à intervenir ? Dispose-t-il de données qui l'empêchent de prendre position et d'arbitrer de nouveau comme il l'a fait avant la fameuse réunion de Djerba ? A-t-il le droit de s'immiscer dans les affaires intérieures du parti qu'il ne préside plus du fait de son statut de président de la République l'obligeant à se placer au-dessus des partis politiques, y compris Nida Tounès, dont il est le fondateur, d'autant plus que certaines indiscrétions laissent entendre qu'il aurait demandé aux nidaïstes de régler leurs problèmes entre eux ? Enfin, la visite simultanée de Mohsen Marzouk et Rached Ghannouchi aux USA aurait-elle un rapport quelconque avec les turbulences que connaît Nida Tounès, risquant de le scinder en deux partis et pouvant pousser également le groupe parlementaire nidaïste à la division, ce qui amènera le gouvernement Essid à tomber et Ennahdha à accéder au rang de première formation politique au sein du Parlement ? Tous ces questionnements restent à l'ordre du jour en attendant la réunion urgente qui devait grouper hier soir Béji Caïd Essebsi avec les membres de l'Instance constitutive en présence de Mohsen Marzouk et de Hafedh Caïd Essebsi. On s'attend, selon certaines sources, à ce que la réunion en question soit soldée par la prise «de décisions fermes». Et en extrapolant, on peut prédire que le président fondateur de Nida Tounès pourrait pousser les deux belligérants à démissionner pour sauver le parti. Et déjà ceux qui penchent pour cette solution avancent le nom de Néji Jalloul, ministre de l'Education, comme le futur patron de Nida Tounès. Sauf que l'intéressé a déjà fait savoir qu'il préfère terminer la mission qui lui a été confiée à la tête du département de l'Education. «Je me sens bien là où je suis et je compte y rester», a-t-il affirmé. A suivre.