La Tunisie est confrontée à un resserrement des conditions de financement au niveau mondial, aggravé par l'affaiblissement de la croissance à court terme, la détérioration de la situation budgétaire et la fragilité de la position extérieure. Des risques accrus de financement qui présagent un difficile accès aux marchés internationaux Que se passe-t-il dans la sphère politique tunisienne ? A cause d'une crise politique après la démission du Chef du gouvernement et de certains ministres, la situation économique risque de prendre un nouveau coup douloureux. Les bailleurs de fonds internationaux, tels que le Fonds monétaire international, ne veulent plus débloquer les tranches de financement tant que le nouveau gouvernement n'est pas constitué. Or, pour former une nouvelle équipe gouvernementale, il est nécessaire de disposer d'assez de temps. Mais l'économie déjà en difficulté n'attend pas. Elle a besoin de mesures audacieuses et rapides pour sauver la mise, d'autant plus que tous les indicateurs sont au rouge. La croissance attendue au cours de cette année est négative avec -10%, ce qui constitue une première dans le pays. En outre, le déficit budgétaire ne cesse de s'aggraver alors que le chômage augmente suite au licenciement de plusieurs employés et la mise sur le marché de nouveaux diplômés de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Le pouvoir d'achat des citoyens s'est érodé au fil des ans, ce qui a eu pour résultat un élargissement de la pauvreté et une baisse du nombre des citoyens appartenant à la classe moyenne. La clé sous le paillasson Souffrant de problèmes structurels, l'économie tunisienne a été frappée de plein fouet par le Covid-19 suite au confinement général qui a mis à rude épreuve plusieurs entreprises économiques. Malgré la plateforme mise en place par l'Etat pour permettre aux entreprises sinistrées de bénéficier de l'aide, la situation est restée précaire dans la mesure où plusieurs entreprises n'ont pu se relever et ont été obligées de mettre la clé sous le paillasson. Ce choc inattendu a eu des impacts néfastes sur l'économie d'une façon générale. Les recettes de l'Etat ont baissé suite à la récession. Le tourisme, un pilier de l'économie tunisienne, a subi, lui aussi, les affres de la crise. Suite à la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes, les touristes sont restés chez eux. Progressivement, ces frontières ont été ouvertes mais la vigilance demeure de mise. Les entreprises publiques continuent, quant à elles, de souffrir d'un déficit important, ce qui oblige l'Etat à venir à la rescousse à coups de millions de dinars pour les sauver de la faillite. Une prolongation dans les concertations pour la formation d'un nouveau gouvernement ou l'organisation de nouvelles élections retarderaient la conclusion d'un nouveau programme d'appui entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI), a souligné l'agence de notation Moody's dans un communiqué. Or, la Tunisie a un besoin urgent de financement pour pouvoir réaliser ses programmes et projets prévus. Et l'agence de poursuivre que la démission du Chef du gouvernement tunisien, Elyès Fakhfakh, après seulement quelques mois d'exercice vient s'ajouter à l'augmentation des risques dues à la pandémie du Covid-19, qui «nous ont incités à placer la note de la Tunisie sous examen pour un éventuel déclassement au mois d'avril», a-t-elle rappelé. Annulation anticipée Ce classement risque d'être négatif au vu des indicateurs économiques peu reluisants. En effet, le gouvernement s'attendait à ce qu'un nouveau programme soit mis en place dans le courant de l'année avec le FMI après l'annulation anticipée d'un nouveau mécanisme élargi de crédit de quatre ans qui avait débuté en mai 2016, pour le décaissement de 745 millions de dollars dans le cadre de l'instrument de financement rapide du FMI le 10 avril. La Tunisie, dont la marge de manœuvre sur le marché financier est fort limitée pour ne pas dire nulle, a besoin du FMI pour mettre à sa disposition des fonds de nature à alimenter le budget qui subit des pressions de toutes parts. Moody's estime qu'un accord pour un programme du FMI est essentiel pour garantir un accès continu aux sources de financement bilatérales et multilatérales qui couvrent environ la moitié des besoins de financement bruts de la Tunisie, soit 14 % du PIB. Et d'ajouter que la Tunisie est confrontée à un resserrement des conditions de financement au niveau mondial, aggravé par l'affaiblissement de la croissance à court terme, la détérioration de la situation budgétaire et la fragilité de la position extérieure. Moody's a conclu que des risques de financement accrus se laissent entrevoir à moins que le gouvernement ne soit en mesure de rétablir rapidement son accès aux marchés internationaux à des taux abordables, indiquant toutefois qu'un creusement du déficit budgétaire à 7 % du PIB et un endettement supérieur à 80 % du PIB vont encore exacerber les besoins de financement et les risques de liquidité de la Tunisie. Le salut de notre pays ne peut venir que du travail et de la création des richesses et des biens marchands pour les exporter vers les différentes destinations. Tout l'écosystème économique et social doit travailler ensemble pour atteindre ces objectifs macroéconomiques et endiguer la chute du taux de croissance.