C'est un film simple, une histoire de tous les jours, une fiction sur la normalité dans tout ce qu'elle a de tragique, de douloureux et de merveilleux Une fois passée l'euphorie des JCC, la machine a repris son rythme et nos cinéastes leurs caméras. Elyès Baccar n'a pas attendu la clôture des JCC, c'est le samedi même qu'il a démarré le tournage de son prochain film, Tunis by night, une fiction mûrie pendant longtemps et un projet ajourné et court-circuité par les urgences du documentaire. «Tunis by night est un film simple, une histoire de tous les jours, une fiction sur la normalité dans tout ce qu'elle a de tragique, de douloureux et de merveilleux. Cette histoire n'est ni trop personnelle, ni complètement étrangère à ce que j'ai pu vivre. Dans sa simplicité, Tunis by night est un récit complexe où le beau et le laid se côtoient sous le même toit, l'espoir et la déception se heurtent dans chaque coin de rue et l'amour et l'indifférence se regardent en face sans pouvoir s'ignorer », raconte Elyès Baccar. C'est l'histoire de Youssef qui, après plus de deux décennies au service de la Radio nationale tunisienne, s'apprête à prendre sa retraite. Quelque part à Sidi Bouzid, un jeune homme s'immole par le feu. Cette annonce anodine ne change absolument rien au rituel de Youssef, qui accueille cette journée exceptionnelle avec toute la platitude qui caractérise sa vie monotone et ennuyeuse entre le bar et la radio. Pendant cette journée, Amal, sa femme, se réfugie encore dans la prière et s'en sort comme elle peut de l'opération d'ablation du sein. Aziza, la fille cadette, vit complètement déconnectée du rythme et des valeurs de sa famille. Elle hérite la passion de l'alcool de son père et se donne sans retenue à son groupe de rock et son copain Sélim. Amine, le frère aîné, refoulé par le FBI après le 11 septembre, garde le chemin de la mosquée et essaye de coller les morceaux de sa famille au mieux. Voulant faire allusion à l'incident qui a eu lieu à Sidi Bouzid, Youssef se trouve vicieusement coupé d'antenne lors de cette dernière émission de «Tunis by night» sous l'ordre du directeur de la radio qui applique les instructions venues «d'en haut». Il s'apprêtait à faire une déclaration d'amour en direct à sa femme, mais une chanson patriotique a été lancée malgré lui et à son insu. Révolté mais silencieux, Youssef se réfugie dans le bar mitoyen qu'il fréquente depuis toujours. Il se vide l'esprit après avoir vidé quelques bouteilles de vin. Voilà une journée peu ordinaire que vivra le personnage du film. «Tunis by night n'est pas un film sur la nuit. C'est une histoire sur l'obscurité : celle d'un individu en dépression, d'une famille en détresse et d'un pays au bord du gouffre. Dans cette obscurité, la peur d'un présent absent hante chaque esprit et l'empêche de vivre pleinement sa vie. L'anxiété de mourir sans aimer anime chacun des personnages du film et les pousse à chercher loin de l'essentiel. Tunis by night est un moment de vie silencieux, juste avant l'explosion qui fera remuer toute une région du globe», explique Elyès Baccar. Loin de prétendre que c'est un film sur les prémices de «la révolution», Tunis by night qui réunit des comédiens de talent, Raouf Ben Amor, Helmi Dridi et Amira Chebli, et marquera le retour devant la caméra de la grande Amel Hedhili, apportera, on l'espère, des bribes de réponse sur ce qui s'est passé en Tunisie en partant de l'individu et du noyau familial la veille de cette mutation sociopolitique profonde.