Le secteur de la distribution cinématographique vient d'être revigoré par les Journées cinématographiques de Carthage. Les salles de cinéma sont en train de surfer encore sur la vague de ce festival et on croit savoir que l'année 2016 promet un retour du public vers les salles dont le menu offre aussi bien des Blockbusters que des films tunisiens. Mais le secteur de la distribution a encore quelques soucis à se faire. Avant les JCC, vous avez entrepris une stratégie basée sur les Blockbusters que vous diffusez au public avant que le secteur du piratage ne s'en empare... Effectivement, nous avons déployé cette stratégie de marketing qui a sans doute dérangé le secteur parallèle, mais qui a surtout réconcilié le public tunisien avec les salles de cinéma. Lorsqu'on programme les Blockbusters avec leur sortie aux Etats-Unis ou en Europe, le public afflue généralement, puisqu'on profite en même temps de la vague publicitaire sur les chaînes étrangères et sur internet qui touchent un large public de Tunisiens. Il nous est arrivé de sortir un film exactement à la même date que sa sortie en France ou aux Etats-Unis. Les meilleures entrées, on les a réalisées avec «Jurassic World» ou «Spectre», entre autres. Nous nous préparons à diffuser également «Star Wars» épisode 7, qui est le blockbuster de l'année 2015, pour le 18 décembre. Les films tunisiens sont également porteurs de public et je suis fier de le dire. Le film de Farès Naânaâ par exemple a réalisé des chiffres impressionnants dès la première semaine et je pense qu'il sera le premier blockbuster tunisien. J'espère que les films tunisiens qui vont suivre maintiendront le cap... Quels sont les problèmes de la distribution aujourd'hui ? Il y a surtout les formalités administratives qui ralentissent notre activité. Je précise que ce ne sont pas des personnes particulières qui le font, mais je parle des traditions du travail qui ne se sont pas renouvelées car il y a de nouveaux réflexes à acquérir. Si on veut faire des sorties concomitantes avec les sorties internationales, il faut que les formalités soient plus souples. La taxe de la non-double imposition n'est pas non plus ici pour arranger les choses. C'est une taxe qui s'élève à 17, 64 % et que nos fournisseurs à l'étranger ne prennent pas en considération. Qu'en est-il de la question des visas d'exploitation et de la censure de certains films ? Après le 14 janvier, la commission de censure n'existe plus. C'est très bien, mais le problème c'est qu'on n'a plus de vis-à-vis. En France, il y a la commission de visionnage qui classe les films, c'est tout à fait normal pour la régularisation du secteur, mais elle constitue en même temps une voie pour le dialogue. Avant, lorsqu'on tardait à avoir le visa pour un film, on contactait la commission tunisienne et on réglait certains détails, que ce soit pour la tranche d'âge, pour le public ou autre. Aujourd'hui, il n'y a pas de censure, le visa d'exploitation ne pose donc pas de problème, mais il y a des films qui ont été refusés sans aucune réponse, comme «Exodus» par exemple, où on n'a eu ni document pour son interdiction ni pour sa diffusion, ce qui nous met en porte-à-faux avec les studios «Fox», et là, il s'agit de notre crédibilité. Pour le film de Nabil Ayouch «Much Loved», nous avons présenté notre demande il y a deux mois, car on compte le sortir le 13 janvier et nous n'avons pas encore eu de réponse. Mais je pense qu'un film primé par le jury pendant les JCC est un film qu'on assume. Avec ces derniers soucis qu'on a eus à propos de trois films en une seule année (Exodus, 50 nuances de gris et Much Loved) nous risquons de tomber dans l'autocensure, dans le choix de nos films. Entretien conduit