Par Abdelhamid GMATI Les Tunisiens terminent l'année 2015 en fêtant, en même temps, le Mouled et Noël. Tout un symbole. Ce qui est dans la nature du Tunisien, traditionnellement porté sur la tolérance et l'ouverture. Les habitants de la région de Sousse, musulmans et chrétiens, en ont donné l'exemple en prenant l'initiative de se réunir au musée de Sousse pour célébrer leurs fêtes religieuses respectives. Malgré toutes les tentatives de divisions, de doutes, de déculturations vécues ces dernières années, la spécificité tunisienne reste vivace et s'impose imperturbablement, entraînant plusieurs autres réussites. La plus remarquable a été, sans conteste, l'obtention du prix Nobel de la paix, octroyé au Quartette tunisien, initiateur du Dialogue national. Plusieurs partis politiques et autres associations avaient répondu à l'initiative de l'Ugtt, de l'Utica, de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et du Conseil de l'ordre des avocats pour trouver des solutions pacifiques et sortir le pays de la grave crise politique qui le menaçait. Un prix mérité, selon le comité Nobel d'Oslo et plusieurs autres pays étrangers dont la France qui a décoré le Quartette des insignes de commandeur de la Légion d'honneur, et qui consacre «sa (le Quartette) contribution à la transition démocratique en Tunisie depuis la révolution de 2011» et qui «plus que toute autre chose, le prix se veut un encouragement au peuple tunisien qui, malgré des défis majeurs, a posé les fondements d'une fraternité nationale». En comparaison de ce qui se passe ailleurs dans les pays dits du «printemps arabe», où la guerre civile déchire les populations et détruit les pays, la transition démocratique en Tunisie est une réussite et fait exception. Les Tunisiens ne s'y trompent pas et soutiennent dans leur grande majorité le système démocratique. L'année qui s'achève a été marquée par un gouvernement issu d'élections libres et démocratiques. Ce qui, dans l'histoire du pays, est rare. Les difficultés ont été nombreuses avec une Assemblée constituante, élue pour une année et avec pour unique mandat de rédiger une Constitution, qui s'est agrippée au pouvoir et s'est octroyé, abusivement, des attributions imprévues ; et avec une Troïka qui a gouverné en ignorant totalement les affaires du pays et les intérêts des citoyens. Concrètement, pour les Tunisiens, le système démocratique veut dire libertés : liberté de choisir ses représentants : liberté de presse et liberté d'expression; liberté d'entreprendre; liberté de réunion... Un récent sondage indique que 67% des interrogés estiment qu'ils se sentent libres. Chaque médaille a son revers. D'aucuns ont profité de ce vent de liberté pour commettre des abus. On le constate encore dans les médias où les insultes, les menaces, les accusations, les diffamations supplantent le débat entre invités. On l'a constaté dans les lieux de culte où des imams improvisés s'adonnent à des prêches politiques, appelant au jihad, à l'assassinat, à la division... Cela n'a pas été sans conséquences désastreuses avec quelques 6 000 Tunisiens partis en Syrie et transformés en terroristes. Et la Tunisie vit durant ces dernières années avec un phénomène inconnu jusqu'ici, avec ses ramifications : la violence politique, assassinats, attentats barbares. L'armée nationale ne cesse de ratisser et de bombarder les hauteurs du pays et les forces de l'ordre traquent inlassablement les terroristes. L'instauration et la prolongation de l'état d'urgence en sont une conséquence. Bien entendu, les effets de ce fléau s'étendent sur le tourisme, sur l'économie et sur la situation sociale. Il n'en reste pas moins que, aussi déplorable que soit la situation socioéconomique, l'optimisme est de rigueur. Essentiellement parce que l'unité nationale est solide et se traduit quotidiennement par des initiatives gouvernementales et par des actions concrètes de plusieurs associations de la société civile. Et puis, a-t-on le choix que de se mettre au travail ?