La nouvelle année est synonyme, théoriquement du moins, de nouveaux espoirs. Les espoirs sont permis. Et en Tunisie, ils sont en premier lieu politiques. Remaniement ministériel escompté oblige C'est fin novembre dernier que M. Habib Essid, chef du gouvernement, avait annoncé l'imminence du remaniement ministériel. C'était au Parlement lors de la présentation du budget de l'Etat. Tout le monde l'attendait après la clôture des débats budgétaires. Or, il n'en est rien. Habib Essid a bien entamé les conciliabules avec les leaders des partis de la majorité gouvernante il y a dix jours environ. Et puis, silence radio. Annonce précoce suivie de contretemps tardifs ? Hésitations ? Calculs alambiqués ? Pressions ? Les conjectures vont bon train. Des fuites, ou supposées être telles, n'en finissent pas d'alimenter la rumeur. Il faut dire que l'atmosphère politique plutôt viciée et morose pèse de tout son poids. La classe politique semble être aux prises avec des convulsions hystériques. Partout, les divisions, les scissions, les alliances et contre-alliances les plus inattendues. Au fait, l'annonce même du remaniement semble avoir gonflé le camp des ministrables. Il y a d'abord les titulaires de portefeuilles ministériels dans l'actuel gouvernement. Tous, ou presque, aspirent à se maintenir. Quitte à afficher des positions on ne peut plus ostentatoires et zélées dans le conflit qui divise le parti Nida Tounès en deux clans antagoniques. C'est ainsi que des ministres, dont le bilan n'est guère heureux de l'avis unanime, montent au créneau dans le conflit partisan de Nida. C'est le cas notamment de Slim Chaker, Selma Elloumi et Taieb Baccouche, en charge respectivement des portefeuilles des Finances, du Tourisme et des Affaires étrangères. Et puis, il y a les autres. Ceux qui font déjà le pied de grue dans les antichambres du pouvoir. Les CV, aussi illustres et clinquants les uns que les autres, sont légion. Actions promotionnelles, campagnes de com et lobbying émaillent le concert de la valse des ministrables. «Une partie essentielle se trame et se joue, autant en être» se dit-on à part soi. La structure éclatée et fragmentaire du pouvoir constitue un excellent terreau de manœuvres pour les uns et pour les autres. Le pouvoir est en effet réparti d'une manière inéquitable entre les trois présidences, de la République, du gouvernement et du Parlement. La Constitution définit bien les domaines réservés et assignés des uns et des autres. Mais, pris chacun en soi, les trois pouvoirs se prévalent d'une préséance de fait. D'où l'infinie mosaïque éclatée du pouvoir en fiefs attirant les coteries et les alliances circonstancielles comme le paratonnerre la foudre. Reste une question essentielle : Habib Essid cultive-t-il à souhait le flou ou bien n'y peut-il guère ? La question de l'émancipation du chef du gouvernement vis-à-vis de la présidence de la République est en effet posée. Habib Essid, supposé être constitutionnellement l'homme le plus puissant de Tunisie, cède volontiers à un présidentialisme de fait. Béji Caïd Essebsi, président de la République, est élu au suffrage universel. Il dispose d'un magistère de fait, dont il se prévaut volontiers. Et ses services maintiennent une pression, voire une tutelle, sur des pans entiers du gouvernement, la présidence du gouvernement en prime. Tout porte à croire que le remaniement ministériel escompté fait déjà l'objet d'intenses manœuvres de coulisses. Le chef de l'Etat, président de la République, dispose déjà exclusivement de deux portefeuilles importants parmi les ministères régaliens, les ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Et il semble bien s'y agripper mordicus, bec et ongles. Selon un de ses proches collaborateurs, Moez Sinaoui, interviewé il y a peu à RadioMed, le ministère de l'Intérieur relève lui aussi «du domaine de compétence privilégiée du président de la République, s'agissant de sécurité». C'est dire que le remaniement ministériel attendu relève d'une architecture politique alambiquée et à géométrie variable. C'est le jour de l'an, jour de valse à Vienne. A Tunis aussi, on danse la valse des ministrables.