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Anissa ben Hassine, universitaire, auteure de « C'était un 14 janvier 2011 à Tunis », paru chez Leaders à La Presse: «On ne met pas sa propre vie de côté quand on vit une révolution»
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 01 - 2021

Dix ans après le 14 janvier 2011, Anissa Ben Hassine, universitaire et écrivaine, publie « C'était un janvier 2011 à Tunis », un livre-hommage édité par Leaders, qui retrace ce tournant majeur de l'histoire tunisienne, revécu à travers les yeux de cette citoyenne tunisienne, témoin de son époque. Illustré par plus de 100 images percutantes prises par Mohamed Hammi, le livre rassemble chroniques écrites et fait office d'album photos nécessaire pour la sauvegarde de la mémoire collective. Préfacé par Gilles Kepel, le livre revient sur un rêve éveillé commun. Rencontre avec son auteure.
« C'était un 14 janvier 2011 à Tunis » est votre deuxième livre qui paraît au moment même où la Tunisie s'apprête à célébrer le 10e anniversaire de sa révolution. Est-ce prémédité ?
Non, ce n'était pas du tout prévu. C'était prévu qu'il sorte en 2012, tout de suite après l'avoir écrit en 2011. Je l'avais rédigé au jour le jour à l'époque, et j'avais même prévu de le sortir très vite, et vu les évènements qui ont suivi après, j'ai finalement fait un arrêt. Même la maquette, les photos, j'ai tout fait en décembre 2011. J'étais dans les manifestations d'ailleurs, sur terrain, à ce moment-là.
Comment a émergé l'idée d'écrire ce livre sur les évènements de décembre 2010 / janvier 2011 ?
Ce n'était pas du tout prémédité d'écrire un livre. Après le jour de la manifestation du 14 janvier 2011, quand je suis rentrée, j'avais envie de faire quelque chose. Il fallait évacuer, extérioriser, je tournais en rond. J'ai donc commencé à écrire en publiant sur Leaders : 3 à 4 pages sur le sujet. Après, j'ai continué à le faire pour moi-même. Pour moi, c'était comme des mémoires, des chroniques. Et plus il y avait des choses qui se passaient : l'idée d'en faire un livre commençait à prendre forme. Je me suis dit « Pourquoi pas ?». Je suis donc revenu au 17 décembre 2010 : le livre commençait à partir de cette date là, tout aussi symbolique. J'y suis revenu rapidement pour ne rien oublier.
« Facebook », à cette époque-là, battait son plein. Vous a-t-il aidée à rassembler informations, évènements, documentation ?
Je ne suis pas passé par Facebook pour publier le contenu du livre. Je publiais de petites choses, ce que je pensais des évènements, des commentaires... sans plus. Dans le livre, il n'y a pas du tout de jugements de valeur, d'opinion, je ne dis jamais le fond de ma pensée. Il y a une certaine distance, aucune prise de position. Ce sont des évènements écrits. Ce qui a alimenté cette activité, c'est, entre autres, ce qu'on voyait défiler sur Facebook. C'était une explosion d'opinions : tout le monde s'exprimait. Il y avait souvent de l'intox. Des rumeurs. C'était bien afin de restituer un peu l'ambiance du moment, forcément. Tout ce qu'on voyait en ligne impactait notre quotidien. Comme je n'avais pas cours à l'époque, je sortais beaucoup dans la rue, dans les manifestations. J'étais témoin, j'allais sur place, je parlais avec les gens, de l'intérieur et de la capitale. Pour moi, c'était impressionnant : on est dans la découverte, on mesure la souffrance, la misère, les problèmes, autrefois cachés par l'ancien régime.
Au fur à mesure de la lecture, on est effectivement tenu à distance en tant que lecteur mais, à un moment, vous vous introduisez et vous racontez votre propre récit. Vos chroniques prenaient l'allure d'un journal intime. Est-ce voulu ?
J'ai vraiment hésité à mettre ce côté personnel. Et même en le révisant, j'ai pensé enlever l'aspect personnel. Mais on m'a conseillé de ne rien toucher. De tout laisser intact : avec la révision du moment. Laisser le côté personnel, ce que j'ai vécu personnellement, ce qui s'est passé au niveau national et s'ouvrir au final sur l'international et comment la Tunisie est perçue ailleurs. Cette démarche m'allait. Ce n'était pas une journaliste qui parlait, c'est la citoyenne qui s'exprimait avec un style journalistique. Et cela montre qu'on ne peut pas mettre sa propre vie de côté quand on vit une révolution. Dans le cas des évènements nationaux, quand on y est, il y a une dimension intime qui se crée, de l'humanisme. Ce ne sont pas des évènements qu'on perçoit de l'extérieur, on est en plein dedans. La révolution, je l'ai vécue en tant que citoyenne mère, épouse, citoyenne et femme tunisienne, universitaire.
Qu'est-ce qui a retardé la parution du livre,
terminé depuis 2012 ?
Sa parution devait coïncider avec la célébration du premier anniversaire de la révolution. Après, il y a eu la formation de la première Assemblée constituante. C'était un choc. C'est resté depuis en suspens. Je l'ai même oublié. J'ai vécu ce qui a suivi après, que j'ai mentionné uniquement dans des légendes et des photos. J'ai essayé de dire ce que sont devenus quelques personnages phares. L'écriture du livre s'est arrêtée en février 2011. Leaders m'a encouragée à le sortir après tout ce temps: je pensais que ça n'allait intéresser personne de le sortir.
La perception de la révolution a beaucoup
changé depuis. Quel est l'apport de ce livre
et comment se distingue-t-il ?
Mon objectif, c'était de retrouver cette euphorie, l'espérance, l'union des Tunisiens autrefois. Nourrir les ambitions. C'était unique ce qu'on a vécu. Grandiose. Tout cela, on le sous-estime de nos jours : la joie, la libération, le regard vers un futur moins répressif… Tout cela, on l'a oublié de nos jours. On ne connaissait pas les militants de la révolution, y compris les disparus. Les circonstances nous ont fait oublier ce vécu et ce tournant exceptionnel dans l'histoire de la Tunisie. Tout n'est pas perdu actuellement, on est encore capable d'accomplir des choses incroyables. Je trouve que c'est important de revenir dessus et de valoriser cet état d'esprit collectif malgré le désenchantement qui règne à présent. Ne pas se résigner est important. Et hâte aux théories des conspirations : la vague était là, le mouvement était honnête et émergeait du peuple. A bas le complot. Le mouvement a, par la suite, été récupéré, comme tout autre mouvement historique. Les islamistes ont fait leur apparition, et tout commençait à changer.
On a l'impression d'après le titre que vous valorisez une date précise, celle du 14 janvier 2011 précisément, et non pas toute la période...
Parce que derrière chaque révolution, il y a une date-clé. Ce moment où tout bascule : sans le 14 janvier, notre révolution n'aurait peut-être pas eu lieu. Il y aurait eu des arrestations, des morts et tout reprendrait son calme.
Et si cette révolution était à refaire ?
Il faut la refaire encore et encore sans aucun doute. Je sais que beaucoup ne sont pas d'accord avec cela, mais le régime était déjà à bout de souffle : on le sentait, si sa chute n'a pas eu lieu le 14 janvier, il aurait pris fin ensuite. C'était une ambiance de fin de règne. Son entourage faisait des ravages. L'avantage, ce que tout aurait pu se passer d'une manière beaucoup plus chaotique. Il y a des morts, mais par rapport à d'autres pays, notre révolution était pacifiste grâce à cet esprit d'union entre les Tunisiens.
Tout ce qu'on peut voir actuellement à l'ARP, 10 ans après, décourage quand même.
Qu'en pensez-vous ?
Je pense que l'erreur qu'on a faite est de croire que tout ceci pouvait changer très vite. Tout allait se calmer, tout de suite après. Tout ce qu'on a vécu et on vit toujours après le 14 janvier 2011 est tout à fait normal. C'était clair qu'on allait connaître 10 ou 20 ans terribles. Après chaque révolution, il y a la terreur, un gouffre. On a pensé à tort que tout allait se tasser rapidement. Encore 10 ans de chaos, d'anarchie et toute une génération sacrifiée, mais tout ceci est le prix à payer. Les institutions de l'Etat sont tout de même très fragiles actuellement.
Est-il toujours possible d'entretenir
ce « souffle révolutionnaire » de nos jours ?
La révolution a fait son travail : elle nous a donné une étincelle, ensuite tout doit être repris par les institutions. La révolution a eu raison d'un système théocratique. Un autre régime doit se mettre en place. On est dans une démocratie très fragile. Un retour en arrière n'est plus possible, grâce aux élections, aux contre-pouvoirs. Désormais, il y a une force commune instaurée : tout se complète. On manque d'organisations, de leadership, de structures, mais c'est un chaos constructeur et on est en plein dedans.
Pourtant l'image globale du paysage politique actuel est marquée par l'absence des femmes,
le règne des conservateurs, de l'extrême droite. Un déséquilibre quelque part est ressenti...
Ça, c'est la Tunisie et c'est à l'image du peuple. Ceux et celles qui ont fait la révolution sont une minorité. La majorité est silencieuse et c'est toujours des minorités qu'émanent les changements. Celle qui a provoqué le changement est une minorité agissante. Je ne suis pas du tout majoritaire. (Rires) La majorité suit d'ailleurs. A l'époque, cette minorité s'exprimait dans la rue et sur le Net en contournant la censure, il ne faut pas l'oublier.
Quel était le rôle des réseaux sociaux,
principalement Facebook, à cette époque,
toujours d'après vous ?
Un rôle capital. S'il n'y avait pas Facebook, il n'y aurait rien eu et il y aurait eu un manque de mobilisation. Avec la pression des Tunisiens à l'étranger, tout s'est déclenché. Les médias étaient aussi scellés et réticents. Beaucoup de figures de la révolution sont mortes malheureusement. Elles sont broyées. La plupart étaient ciblées et c'était épuisant. Dur à supporter. Je ne me justifierai pas d'ailleurs d'avoir écrit ce livre en français. La liberté d'expression, c'est ce qu'on a acquis. Je n'en suis pas à mon premier livre d'ailleurs en français : le premier se focalisait sur Yassine Brahim et son parcours. J'étais là à appuyer les compétences tunisiennes qui ont émergé. Je n'ai pas écrit sur Yassine Brahim par appartenance politique. Pas du tout. C'est parce que c'était un profil fort intéressant, parmi d'autres.
2014 : Beji Caied Essebsi a pris les rênes du pouvoir. Comment percevez-vous cette période ?
C'est la plus belle chose qui nous soit arrivée depuis la révolution. Le seul moment de joie, celui de son élection pas de son mandat. Un espoir était né, synonyme d'aboutissement de la révolution. Il représentait la Tunisie qu'on aime et elle était incarnée dans ce personnage politique. Même s'il n'a pas pu aller au bout de ses idées ensuite... J'aurais aimé pourtant.
Ses actes n'ont pas suivi ses idées, il y a eu trop de difficultés.
Comment expliquez-vous cet acharnement
sur la femme tunisienne?
Les Tunisiens sont conservateurs à la base. Ce mépris, on n'osait pas l'exprimer haut et fort sous Bourguiba et Ben Ali. Dès les premiers jours après le 14 janvier 2011, dans la plupart des réunions qui s'organisaient à l'avenue Habib-Bourguiba et à la Kasbah, quand j'y allais, il y avait trop de discours qui vont à l'encontre de la femme et de son statut, et ça m'avait surprise à l'époque. Mais après, je me dis, c'est la libération de la parole. Mais quand moi, en temps que femme, je pouvais riposter, les hommes le prenaient mal. Quand il y a une crise économique ou sociale, dans le monde entier, ce sont les femmes qu'on pointe du doigt en premier. C'est international actuellement en plus. On est en phase avec notre époque d'une manière universelle. Par contre, je remarque à la faculté beaucoup plus de filles qui étudient que d'hommes, et c'est inquiétant. « Le pire ennemi de la femme est bien la femme », la femme peut être aussi persécutée par d'autres femmes.
Comment trouvez-vous Abir Moussi, politicienne controversée et de plus en plus convoitée ?
Je dirai que la nature a horreur du vide (rire). Elle est Tunisienne. Elle s'exprime haut et fort et fédère. Elle s'impose. Faute d'autres modèles, elle se fait sa lace et elle joue sur la nostalgie d'une certaine Tunisie éclatante d'avant 2011 ... qui n'est même pas vraie.
Et pour finir, qu'avez-vous à dire
sur ce populisme ambiant ?
Le populisme touche la Tunisie de plein fouet. Comme un peu partout dans le monde. Grande gangrène du monde. On ne le subit directement ici, mais ce n'est pas pire qu'ailleurs. Mon souci c'est que nos institutions sont fragiles. Je voulais retrouver l'euphorie d'il y a 10 ans, j'espère pouvoir le faire pour les lecteurs de ce livre. Un livre qui va se vendre beaucoup plus à l'étranger qu'ici. Il sera apprécié par des lecteurs qui valorisent toujours ce qu'on a vécu, bien plus que les Tunisiens, eux-mêmes. La frustration plane plus ce que jamais en Tunisie.
H. HA.


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