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Entretien - Arthur Conte: Les événements vieillissent plus vite que naguère
Flash back : Le 8 janvier 1978, on lisait sur le Temps
Publié dans Le Temps le 08 - 01 - 2010


* " Notre siècle est un siècle de transition "
* " La méditerranée est au creux de la vague "
Le 1er janvier, date fatidique des bilans, des réflexions où l'homme s'arrête pour prendre du recul et feuilleter à l'envers l'agenda d'événements de l'actualité. Cette année cette réflexion, nous la faisons avec Arthur Conte, ancien ministre, ancien président de l'Office de Radio et Télévision Française,
aujourd'hui consacré totalement à son travail d'historien. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages importants traitant d'événements et d'hommes qui ont marqué ce siècle. Dernièrement, il a consacré un livre au Président Bourguiba (" La légende de Bourguiba " aux éditions Média). Son dernier ouvrage, " Le 1er janvier 1960 " chez Plon complète la série des 1ers janviers 1900, 1920, 1940. Dans cette interview, l'auteur nous parle de ces années 1960.
Il a 19 ans, le monde vivait la guerre froide, Fidel Castro faisait la une de tous les journaux. La France vivait le drame de la guerre d'Algérie. Brigitte Bardot était consacrée institution nationale. Le Tiers-Monde commençait à exister. Le monde des sciences et de la médecine était fier d'avoir accompli des prouesses et des progrès énormes. Arthur Conte nous parle de tous ces événements dans son livre. Il les aborda avec nous dans cet entretien, mais aussi, il les prolonge dans l'année 1978 et vers l'hirizon 2000. Comment sera écrite l'histoire de notre siècle ? Comment nos petits enfants liront-ils ce XXe siècle dans leurs manuels d'histoire en l'an 2050 ? Arthur Conte l'historien nous donne son avis, nous parle du travail de recherche historique, de l'approche, et de la démarche de l'historien avec l'actualité et l'histoire.
Monsieur Arthur Conte est méditerranéen. Avec passion, il nous parle de ce lac qu'est la Méditerranée, de ses civilisations et de leur avenir. L'historien prépare actuellement " l'Aventure européenne ", deux livres importants sur l'histoire de l'Europe de Minos à Gagarine (éditions Plon). La série des 1ers janvier de ce siècle est une série de livres d'histoire bien réfléchis et bien travaillés qui sont d'une lecture passionnante, que l'on recommande à tous.
•Après le 1e janvier 1900, 1920, 1940, aujourd'hui vous publiez le 1er janvier 1960. Pourquoi avez-vous choisi cette date du 1er janvier pour parler de ces époques ?
M. Arthur Conte : D'abord, je ne pensais pas faire une série. Je pensais au début ne faire qu'un livre et je voulais consacrer une étude à un seul jour, n'importe lequel revécu de minuit à minuit. Je ne voulais pas prendre un jour important comme le 14 juillet 1789 ou le 11 novembre 1918. Je voulais prendre un jour, n'importe lequel. Mais quel jour prendre ? Le 24 mars 1907 ou le 28 avril 1927 ? J'ai préféré avoir comme titre le 1er janvier 1900 qui est le premier jour daté avec un dix-neuf et non avec un dix-huit. L'avantage était que les gens de l'époque écrivaient des journaux particuliers. Et puis, compte tenu du succès du premier janvier 1900, j'ai songé à faire d'autres premiers janvier et j'ai décidé d'en écrire un pour tous les 20 ans.
Un par génération. Tous les dix ans, il y aurait eu trop d'ouvrages. Tous les vingt ans c'est plus intéressant. J'ai donc fait le 1er janvier 1920 qui coïncide avec la première grande guerre du XXe siècle et puis 1960 qui vois arriver le monde nouveau, la civilisation tout à fait nouvelle.
•Dans ce livre, il y a un chapitre important consacré à la science et la médecine Le monde en 1960, a constaté qu'il a fait dans ces domaines d'énormes progrès et d'intéressantes découvertes.
A.C : C'est le grand côté positif de l'aventure humaine au XXème siècle. Les médecins ont fait davantage en 60 ans qu'en 6000 ans. On a neutralisé des maladies telles que la tuberculose, le choléra, la peste, la lèpre et la rage et il n'y a plus aujourd'hui à terrasser que le cancer et l'infarctus.
•D'ailleurs en 1960, on parlait du cancer ?
A.C : Oui, on a commencé à parler du cancer en 1900. En 1960, la guerre internationale contre le cancer a commencé. Je pense que c'est la médecine qui a accompli la plus grande époque du XXème siècle.
•En ces années 60, on a commencé à parler de la pollution. On disait même qu'il y avait risque de catastrophe, si l'on n'y prenait pas garde.
A.C : La pollution a commencé à partir du moment où le cheval a disparu pour être remplacé par le chauffeur. Le plus grand événement du XXème siècle, c'est la disparition du cheval, du bœuf ou du chameau. Nous perdons là un ami de 6000 ans. Avec les successeurs du cheval, intervient la pollution du moteur. En réalité, il y a deux grandes pollutions, la pollution de l'atmosphère et la pollution de la nourriture. Je pense que c'est une des grandes plaies du monde moderne. Un des grands combats du XXème siècle sera le combat de la propreté et de l'air pur, de la nourriture saine. Nous mangeons des fruits farcis d'hormones et des veaux qui ne sont plus des veaux.
Nous nous empoisonnons et nous nous suicidons allègrement.
•Les années 60, c'était l'époque des " blousons noirs " en France, la violence pour la violence et le phénomène était mondial d'ailleurs. La violence commençait à s'installer dans les sociétés ?
A.C : Il y a deux raisons pour expliquer cette violence. D'abord, il y a l'amour de la moto. Mais d'après moi, l'amour de la moto remplace l'amour du cheval. Regardez bien nos jeunes motocyclistes : ils portent un casque, une casaque, des bottes et il ne manque que la cravache. Ils aiment leur moto comme leurs grands-pères aimaient leur cheval. Mais d'autre part, il y a la fureur de vivre, la culture de la violence. Nous sommes dans une époque où normalement, dans le rythme de l'histoire, il devrait y avoir une guerre ou une révolution. Depuis trois siècles sur le monde, tous les vingt ou trente ans, il y a une grande guerre ou une grande révolution. 1793, les guerres révolutionnaires. 1805 les guerres de Napoléon, 1830, la Révolution, 1848 révolutions européennes, 1870, première grande guerre civile européenne. 1970-75, nous aurions dû avoir une guerre ou une révolution.
Alors, il faut que la violence s'exprime. Elle s'exprime par un regain de banditisme. L'homme cherche à s'exprimer par la violence. Il aime la violence pour la violence comme d'autres aiment l'art pour l'art.
•Aujourd'hui, ça n'a pas beaucoup changé ?
A.C : Depuis, non. Cette violence a commencé dans les années 60 et dure encore.
•En 1960, le monde a commencé à s'ennuyer. L'ennui devient le cancer du siècle.
A.C : Ce qui est paradoxal. Nous vivons une époque passionnante puisque c'est un siècle de transition, le 20ème siècle. Entre des millénaires et d'autres millénaires. Mais malgré cela, l'homme s'ennuie parce que plus rien ne l'étonne. Quand nous verrons un homme marcher sur Mars, ou sur Vénus, nous ne nous étonnerons pas. Cette époque passionnante va de pair avec l'universalisation de l'ennui. C'est monotone.
•Cet ennui dure de nos jours
A.C : Oui, il continue de durer. L'homme n'arrive pas à s'exalter sur de grands messages ou bien c'est vraiment exceptionnel.
•Ce qu'on appelle aujourd'hui la crise morale d'une certaine civilisation ?
A.C : Crise de civilisation et crise des grandes vertus traditionnelles. Et puis, l'homme s'est donné tellement d'amusement que finalement, il n'arrive à prendre de goût pour aucun.
•L'homme n'arrive peut-être plus à maîtriser son vécu ?
A.C : Il est dépassé par les forces qu'il a créées. A ce point d'ailleurs, il a créé des forces qui peuvent le tuer lui-même. Puisque pour la première fois nous avons une humanité qui peut en quelque sorte faire sauter la planète. C'est tout de même nouveau.
•Je pose une question à l'historien. Comment s'écrit l'histoire d'un peuple ?
A.C : L'histoire s'écrit différemment selon les peuples. Mais l'histoire s'écrit avec deux choses. D'abord avec de grands hommes qui sont de grands prophètes et ensuite avec de profondes qualités collectives. Pour faire un grand peuple, il faut la conjugaison de grandes forces profondes et de grandes destinées éclatantes.
•Vous étudiez les hommes les évènements, les faits dans l'histoire. Quelle est votre réflexion sur le pouvoir ?
A.C : Je suis démocrate. Je crois au droit des peuples et plus que jamais. Mais cependant, les démocraties doivent savoir s'organiser avec un pouvoir rigoureux.
Je suis heureux que nous ayions su nous donner en France grâce au Général De Gaulle la constitution actuelle qui confère au Président de la République des grands pouvoirs et une grande stabilité. On ne peut plus gouverner si on n'a pas devant soi des programmes de plusieurs années. D'après moi, il faut une démocratie, mais une démocratie musclée.
•Comment vous l'historien, voyez-vous l'histoire de l'an 2000 ?
A.C : Vous savez, un historien n'est jamais un historien de l'avenir. En vérité, tout est suspendu à ce que sera la Russie dans dix ans.
L'événement principal des prochaines années sera la succession de Brejnev, et donc le destin du Parti Communiste Soviétique elle-même. Qui viendra ? Un nouveau Staline ? Ou bien Bonaparte après Robespierre ? Ou un général agressif ? Ou un général humaniste ?
Tout peut venir et selon l'évolution de la Russie, tout va changer dans le monde.
•Comment sera illustré et étudié notre siècle dans les manuels d'histoire de l'an 2050 ?
A.C : Je crois que personne au monde ne peut le prévoir parce que nous sommes en pleine période tumultueuse et obscure. Tout se mêle, tout grouille. Les grands chemins ne se dégagent pas. Je crois qu'il est impossible à quiconque de contempler un horizon qui est trop obscur.
•Notre siècle sera étudié comme un siècle de guerre, de génocides, de famine ?
A.C : Non. Il y a eu des siècles plus guerriers et plus sanglants Nietzsche avait raison. Oui, c'est le siècle classique de la guerre. Mais je crois plus encore que c'est un siècle de transition. C'est ici que se termine une civilisation de six mille ans et que commence l'époque de l'ordinateur et de l'inimaginable.
Propos recueillis par Ezzeddine Mestiri


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