Un déroulement de séquence, d'un story-board, d'un montage de film peut-être, d'une histoire que l'on raconte en tout cas. Une impression de vide, et pourtant des pleins, une sensation de silence, et cependant des échos, une atmosphère de sérénité, mais aussi une angoisse latente, un hyperréalisme, mais une quasi-abstraction. C'est l'univers d'Anna Latreille Ladoux qui nous est déroulé à la galerie Gorgi. Déroulé car c'est exactement l'impression que donne cette exposition : celle du déroulement d'une séquence, d'un story-board, d'un montage de film peut-être, d'une histoire que l'on raconte en tout cas. Aussi, n'est-on guère surpris d'apprendre que l'artiste est cinéaste, et qu'elle en a donc l'approche et le regard. Polonaise installée en Tunisie pour suivre son époux, Anna Latreille-Ladoux avait présenté quelques œuvres à l'exposition Talan, et ceux qui surveillent de près la scène artistique tunisienne l'avaient déjà remarquée. Elle revient donc pour une exposition personnelle sur le thème de Dive, ou plongeon. De grands formats, une structure minimaliste, des lignes architecturales, un horizon sans limite, des plans d'eau sans frange, quelques personnages d'une neutralité et d'une non-présence assumée et une respiration ample, généreuse, ouverte sur l'infini. Ce retour à l'hyperréalisme, ce serait du Hooper, mais avec de la sérénité dans la solitude, du David Hockney avec une obsession. Ce thème du plongeon, c'est aussi ce moment d'hésitation, de fragilité, de peur retenue peut-être. Aïcha Gorgi a été séduite par la technique de Anna Latreille-Ladoux : «J'avais besoin de ce retour à la peinture, de ces aplats, de ces ombres, de ces lumières... J'adore ces vides qui créent l'espace, cette cohérence, cette immersion dans un univers, cette architecture, ces proportions mathématiques, cette vision photographique, ce calme, ce silence...». Nous aussi.