Recrutés dans les divers services publics et les administrations, les agents et les ouvriers contractuels touchent un salaire inférieur au Smig et ne bénéficient pas de la couverture sociale Les travailleurs de chantier et les agents temporaires constituent le corps de métier le plus marginalisé de la société. Malgré les nombreux programmes et mécanismes d'insertion professionnelle qui ont été mis en place pour améliorer les conditions socioprofessionnelles de cette catégorie (mécanisme 16, mécanisme 20, Fonds 26-26, Fonds 21-21...), les agents temporaires figurent parmi les grands «oubliés» de la révolution, dont la situation continue à être toujours aussi précaire, sachant qu'ils n'ont pas bénéficié, pour la plupart, des majorations salariales. Bien que de nombreux jeunes au chômage aient pu être intégrés dans le cadre de ces programmes, le dossier des agents temporaires figure parmi les dossiers les plus complexes que le gouvernement est appelé aujourd'hui à traiter, a souligné M. Mounir Hassine au cours de la conférence de presse qui a été organisée, hier par le Forum tunisien pour les droits économiques et Sociaux (Ftdes) et au cours de laquelle les membres de l'association ont présenté l'étude qui a été faite sur les ouvriers agricoles, les agents temporaires et les travailleurs de chantier. Le 14 janvier, ils sont nombreux à être descendus dans la rue, gonflant les rangs des contestataires et réclamant le droit au travail et à une vie digne. Bien que les autorités aient tenté de trouver des solutions au problème du chômage des jeunes et des diplômés, la situation de précarité absolue ainsi que les conditions sociales dans lesquelles vivent de nombreux agents temporaires et ouvriers reflète l'échec cuisant des politiques et des programmes de développement ainsi que des politiques de l'emploi de l'Etat. Au lendemain de la révolution, sous la pression de la rue, plusieurs jeunes au chômage ont été recrutés massivement dans le cadre des programmes et des mécanismes spécifiques prévus pour les agents et les ouvriers. Ils ont été recrutés dans les divers services publics et les administrations sans que leur situation ne soit, par la suite, régularisée ni que leurs droits ne soient garantis. Non seulement ils touchent un salaire inférieur au Smig mais ils sont par ailleurs sous contrat et ne bénéficient pas de la couverture sociale car ils ne répondent pas aux conditions d'ordre juridique exigées par les caisses de sécurité sociale. En effet, pour qu'un travailleur puisse bénéficier de la couverture sociale, son salaire doit être équivalent ou supérieur au Smig. Pour ceux qui ont dépassé l'âge de 65 ans, ils ont été mis en arrêt de travail et n'ont plus reçu de salaire. Inégalités entre les ouvriers agricoles et les travailleurs de chantier En 2014, le nombre des travailleurs de chantier, tout âge confondu a atteint 10.000 répartis entre ce qu'on appelle les ouvriers agricoles (un tiers), les agents temporaires relevant des administrations publiques et des ministères et les travailleurs de chantier dans les régions (deux tiers). Ces travailleurs journaliers et ces agents temporaires qui relèvent pour la plupart des administrations publiques ne sont pourtant pas concernés par le statut de la fonction publique (régime de base des fonctionnaires exerçant dans la Fonction publique) et ne jouissent par conséquent d'aucun droit. Le gouvernement a décidé d'agir face à la complexité de la situation. Entre 2004 et 2011, la situation de 18.000 ouvriers agricoles et travailleurs de chantier dans les régions a été régularisée. En 2014, 4.000 autres agents temporaires et travailleurs de chantiers ont été titularisés. Bien qu'un accord les concernant ait été conclu entre l'Ugtt et le Premier ministère, les 3.860 agents et ouviers restants dont il était prévu de régulariser la situation en 2015 n'ont toujours pas été titularisés jusqu'à aujourd'hui bien que le gouvernement ait décidé de régulariser la situation de 12860 travailleurs au total entre 2013 et 2015. L'inégalité qui caractérise la situation des ouvriers agricoles et celle des travailleurs de chantier dans les régions n'a fait qu'attiser davantage la colère de ces derniers face à l'injustice dont ils sont victimes. En effet, alors que les ouvriers agricoles relevant du ministère de l'Agriculture ont vu leurs salaires majorés, les travailleurs de chantier et les agents temporaires dans les régions ont été exclus de toutes les mesures destinées à améliorer le niveau de vie des personnes actives. C'est dans les gouvernorats qui souffrent le plus de marginalisation et qui n'ont pas bénéficié jusqu'à aujourd'hui des politiques et des programmes de développement mis en place par l'état pour dynamiser l'économie dans les régions et améliorer les conditions socioéconomiques dans ces dernières, qu'on trouve le plus grand nombre d'agents et de travailleurs de chantier vivant dans une grande précarité. 67% des travailleurs de chantier sont originaires des gouvernorats les plus défavorisés sur le plan social et économique tandis que 33% vivent dans les gouvernorats du nord et du centre-ouest de la Tunisie. La répartition géographique est similaire pour les ouvriers agricoles qui sont en majorité des hommes (63% d'hommes contre 37% de femmes). D'après les statistiques et les chiffres présentés au cours de la conférence de presse sur l'âge, l'état civil, le sexe et le niveau d'instruction des ouvriers agricoles, des travailleurs de chantier et des agents temporaires, 40% des ouvriers agricoles sont âgés de plus de 50 ans et 20% dépassent 60 ans alors que 44% des travailleurs de chantier dans les régions sont âgés entre 35 et 49 ans. S'agissant du niveau d'instruction, plus de 50% de ces travailleurs contractuels n'ont pas fait le collège et le secondaire. La plupart d'entre eux sont même analphabètes. Les membres du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux déplorent l'absence d'une étude évaluative sur le programme relatif aux travailleurs et aux agents contractuels qui aurait pu aider le gouvernement à mieux appréhender les spécificités de cette catégorie socioprofessionnelle et à prendre des mesures efficaces pour améliorer la situation de ces travailleurs exclus et marginalisés. Partant de ces considérations, les membres du Ftdes jugent indispensable que l'Etat assume la responsabilité de ses choix et trouve une solution au mécanisme 16 en régularisant la situation des travailleurs qui en dépendent, comme ce fut le cas pour les milliers de travailleurs exerçant dans le secteur de la sous-traitance.