Son calvaire est interminable, sa vie ressemblant à un long chemin de croix. Depuis le moment où ses nerfs ont lâché, il vit dans la précarité et le dénuement le plus total. Grandeur et décadence: passé sans transition du faste d'un match amical de prestige Tunisie-Brésil (1-4) le 6 juin 1973 à l'abandon le plus total, l'ancien gardien de but du CA Bizertin et de l'Equipe nationale, Ghazi Limam, témoigne. «Cela fait bientôt trente ans que je suis marginalisé, vivotant de maigres subsides apportés par des amis, dont notamment mon ancien coéquipier Othmane Mellouli. Celui-ci est toujours derrière moi, m'apportant un soutien précieux. Par exemple, il y a une semaine, quand j'ai subi une petite opération du pied, il était encore une fois là. J'ai glissé lourdement dans le «petit hôtel populaire» où j'habite tout seul, et j'ai dû être hospitalisé. Cela fait des lustres que je ne peux plus travailler. J'ai tout perdu, y compris mon boulot que j'ai pratiqué durant 21 ans. J'ai vendu ma maison en 1985, ma voiture, le peu que mon père m'avait laissé. Je n'ai plus personne pour me secourir sauf quelques amis. Pourtant, je suis un homme de bonne famille, comme on dit. C'est de la malchance, mais aussi, chacun y laisse un peu du sien. L'alcoolisme m'a joué un vilain tour. J'étais capitaine d'équipe, je dirigeais mes coéquipiers au CAB. J'étais tombé gravement malade des nerfs. Depuis, c'est la descente aux enfers. Il m'est arrivé de passer la nuit dans la rue, au jardin public. Il y a longtemps, Mokhtar Dhouib m'avait promis qu'il allait venir avec Tarek Dhiab et Temime Lahzami pour voir où j'en étais. Malheureusement, cette visite n'a jamais eu lieu. Il n'en reste plus que le souvenir du coup de fil que m'avait fait Dhouib. Vous savez, j'ai partagé avec lui la même chambre en sélection. Durant son mandat à la tête du ministère de la Jeunesse et des Sports, Tarek Dhiab m'a alloué une mensualité de 400 dinars. Je percevais cette aide à travers la fédération. Cela a duré tout juste une année, puis cette prime a été supprimée, je ne sais pas pourquoi. Mon club, le CAB, aurait dû être le premier à me secourir d'autant plus que son président actuel Mehdi Ben Gharbia est un copain de la famille. Une relation d'amitié me liait avec son père Mustapha. Une petite assistance ne va pas ruiner le CAB pour lequel j'ai longtemps milité. Cela fait deux ans que je veux contacter Mehdi Ben Gharbia, en vain. Je vis dans la précarité. Des problèmes de santé propres à un petit vieux comme moi me harassent, je ne peux plus travailler. Je me sens humilié, fragilisé. Il n' y a pas pire que cette épreuve inhumaine et cruelle du besoin, du dénuement. On y laisse énormément de sa dignité. Dieu merci, j'ai toujours su garder ma fierté intacte. Et continuer à bénéficier du respect des autres. Je n'étais pas intéressé par une reconversion dans le métier d'entraîneur malgré les encouragements de Larbi Zouaoui qui enseignait à l'Institut National d'Education Physique et Sportive (Ineps) de Ksar Saïd. Je n'étais pas fait pour ce job. Je crois qu'il est du devoir de l'Etat de venir en aide à tous ceux qui ont sacrifié leurs études et donné de leur santé et de leur énergie en faveur de la sélection représentative. En Europe, on ne les laisse jamais livrés à eux-mêmes. L'association des anciens footballeurs internationaux doit également se souvenir de Ghazi Limam. J'attends que son président Ziad Tlemçani et son vice-président Mokhtar Dhouib viennent me voir un jour à Bizerte».