En décidant l'arrestation de la magistrate accusée de trafic de devises, le pôle judiciaire économique et financier envoie un message clair et net à tout le monde : les magistrats semblent avoir décidé de n'obéir qu'à leur propre conscience et de se libérer des ordres, des conseils et aussi des menaces Finalement, la décision que tout le monde attendait avec impatience est tombée : la magistrate arrêtée le 10 août en possession d'environ la somme de 1,5 million de dinars en devises étrangères a été placée en garde à vue par le parquet près le pôle judiciaire économique et financier, après avoir été laissée en liberté au moment de son arrestation par le juge d'instruction près le tribunal de première instance de Monastir en charge de l'affaire. La décision du parquet près le pôle judiciaire économique et financier a été prise sur la base du rapport envoyé par le procureur près le tribunal de première instance de Monastir «pour violation du code de change, détention illégale de devises et blanchiment d'argent». Et la polémique juridico-politique survenue à la suite de la décision de laisser la magistrate en question en liberté par la justice à la suite de son arrestation en flagrant délit et de son aveu devant les douaniers et le procureur de la République à Monastir qu'elle transportait l'argent en question sur sa voiture pour le compte d'un ami (qui est connu comme un trafiquant poursuivi par la justice et qui s'est évaporé dans la nature quand il a appris l'arrestation de la magistrate) en contrepartie d'un service dont elle a bénéficié auprès de cet ami d'enfler et de prendre une grande ampleur au point que le Président Kaïs Saïed a appelé à l'application stricte et rigoureuse de la loi et pour dire clairement que personne n'est au-dessus de celle-ci et que l'indépendance des magistrats et l'immunité dont ils bénéficient n'autorisent en aucune manière une quelconque faveur par rapport aux autres justiciables ou traitement particulier au point de leur éviter d'être arrêtés et placés en garde à vue dans l'attente d'être jugés, même s'ils sont convaincus de flagrant délit, s'ils sont récidiviste comme c'est le cas pour la magistrate de Monastir, et même s'ils avouent leur forfait lors de leur interrogatoire. Comment comprendre la lenteur de la décision prise par le pôle judiciaire économique et financier à l'encontre de la magistrate dont le conseil de la justice judiciaire a fini par lever l'immunité parlementaire et suspendre de sa fonction en tant que prélude à des poursuites judiciaires ? Plusieurs observateurs pensent — et n'hésitent pas à le faire savoir — que les juges tunisiens commencent à se libérer progressivement des «contraintes qui pesaient sur leurs épaules, des pressions qu'ils subissaient de la part de certains politiciens qui les prenaient en otage et les obligeaient à appliquer leurs ordres et surtout ils ont décidé de se libérer de ce corporatisme indécent qui les obligeait à défendre les magistrats corrompus qui ont réussi malheureusement à gravir les échelons et à s'installer dans les grands postes de direction». Aujourd'hui que «les grosses têtes intouchables durant les dix dernières années sont tombées et que les juges longtemps empêchés d'accomplir leurs fonctions dans les normes ont décidé de prendre une part active à la dynamique de réforme de la magistrature afin qu'elle devienne, comme le veut le Président Kaïs Saïed, «une magistrature propre, forte et réactive», on peut espérer que nos tribunaux et notre justice sortiront prochainement du gouffre où ils se sont empêtrés par la faute de ces politiciens avides de gain facile et de ces magistrats qui ont malheureusement failli au serment qu'ils ont prêté quand ils ont accédé à leurs fonctions.