Habib Zitouna, directeur général de l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), a déclaré que «la situation sécuritaire et politique et la corruption demeurent les principales causes de la détérioration du climat des affaires en Tunisie». Le responsable, qui exposait aux journalistes, hier, les résultats de l'enquête élaborée, annuellement, par l'Institut, sur le climat des affaires, a ajouté que les réponses recueillies de l'enquête permettent de dégager une perception de l'environnement des affaires selon un indicateur élaboré depuis 2007 et appelé Ipca (Indicateur de perception du climat des affaires). Cet indicateur varie de 0 à 1. Plus il se rapproche de 1, plus le climat des affaires est jugé favorable. D'après Zitouna, l'enquête permet d'identifier les principales difficultés auxquelles font face les entreprises et les mesures et stratégies adoptées par ces dernières (les entreprises) pour confronter la concurrence et devenir plus compétitives. Les 1200 entreprises enquêtées, durant la période allant du 1er octobre au 15 novembre 2015, sont de plusieurs catégories (PME, grandes entreprises, sociétés off-shore et partiellement exportatrices...), opèrent dans l'industrie et les services et sont installées dans les diverses régions du pays, a fait remarquer le responsable. Il a assuré que l'Institut, qui relève du ministère du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, se penche sur l'élaboration de plusieurs études et analyses «en toute liberté et en toute neutralité». «L'objectif escompté est d'aider les décideurs en Tunisie à mettre en place les politiques économiques futures adaptées aux besoins de l'économie nationale», a-t-il dit. Pots-de-vin sur tout le parcours Le tiers des entreprises interrogées dans le cadre de cette enquête ont déclaré qu'elles ont été obligées de payer des pots-de-vin pour faciliter leurs transactions avec les administrations tunisiennes. Selon les résultats de l'enquête réalisée auprès de 1200 entreprises, par l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives, 32% de ces entreprises estiment que la douane tunisienne figure parmi les administrations publiques les plus corrompues en Tunisie. La corruption a concerné aussi les services publics (15%), les marchés publics (12%) ainsi que l'inspection et le contrôle (13%), dont notamment le contrôle sanitaire et l'hygiène (10%). Au titre de l'exercice 2015, 8% des entreprises concernées ont affirmé qu'elles ont été obligées de payer des pots-de-vin au système judiciaire et 14% d'entre elles à l'administration fiscale. La valeur des pots-de-vin payés s'élève à environ 0,62% du chiffre d'affaires des entreprises, selon les résultats du sondage. Les entreprises ont imputé leur recours à la corruption au souci d'accélérer les procédures (64%), d'éviter le blocage de leurs dossiers (53%), d'éviter l'application de la loi (22%) et de réduire des droits exigés (19%). Arrêt des activités à cause des grèves Par ailleurs, près de 3% des entreprises opérant dans les secteurs de l'industrie et des services en Tunisie ont été contraintes d'arrêter leurs activités, au premier trimestre de l'année 2015, à cause des grèves, a révélé l'enquête 2015 sur le climat des affaires. Sur les 1200 entreprises enquêtées, 27% ont déclaré que les charges sociales ont entravé leur développement alors que 31% des sociétés ont pointé du doigt le commerce parallèle en le considérant la principale entrave au développement de leurs activités. 27 % des entreprises ont accusé le régime fiscal de faire obstacle à leurs démarches de développement et d'entacher l'environnement des affaires. L'infrastructure du transport dans le pays est aussi considéré par les dirigeants des entreprises enquêtées comme une entrave au développement des activités, notamment dans les régions intérieures. Ainsi, 29% des entreprises estiment, d'après l'enquête, que l'infrastructure du transport a empêché le développement de leurs activités. Ce pourcentage s'élève à 53,9% dans la région du centre-ouest et à 46,8% au sud-ouest, alors qu'il ne dépasse pas 12% au sud-est. En ce qui concerne les perspectives d'emploi, l'enquête a révélé que seulement 16% des entreprises ont l'intention de recruter en 2016. Ces recrutements cibleront, d'après 15% des entreprises, les diplômés du supérieur. Attitude de plus en plus pessimiste En outre, la plupart des entreprises en Tunisie ont affirmé «ne pas avoir l'intention de se diriger vers les régions de développement prioritaire». L'enquête révèle, par ailleurs, que les chefs d'entreprise sont «incertains au niveau de l'embauche et de l'investissement». Selon les données recueillies, les entreprises sondées structurées privées opérant sur tout le territoire tunisien, œuvrant dans l'industrie et les services et employant 6 personnes et plus ont exprimé une attitude de plus en plus pessimiste quant à l'évolution future de leurs activités. Le pourcentage de celles anticipant une hausse de leur activité a ainsi diminué, passant de 44% (enquête de 2014) à 33% (enquête 2015) au profit de celles qui prévoient une baisse (de 8% à 17% respectivement pour les enquêtes 2014 et 2015). Pour les entreprises optimistes qui envisagent d'investir que ce soit à court ou à moyen et long termes, elles comptent dans leur majorité le réaliser dans le même gouvernorat où elles sont actuellement implantées. Corruption accentuée L'enquête a révélé une perception de l'environnement des affaires plus négative qu'en 2014. En effet, l'Ipca, un indicateur synthétique de perception du climat des affaires, élaboré depuis 2007, passe de 0.629 en 2014 à 0.627 en 2015. Selon l'enquête, plusieurs facteurs expliquent ce recul; à savoir la situation politique et sécuritaire, la corruption et le financement bancaire. Bien qu'en 2014 la Tunisie ait réalisé avec succès les élections législatives et présidentielles, la situation politique est le facteur le plus défavorablement perçu, révèle l'enquête. La considérant comme instable, 53% des entreprises déclarent qu'elle constitue une contrainte majeure pour l'investissement et le développement de leur activité. En plus du terrorisme en Tunisie, 47% des entreprises révèlent que la situation de la Libye nuit au climat des affaires et freine leur activité. L'indicateur de perception relatif à la corruption a accusé une baisse substantielle entre 2014 et 2015 passant respectivement de 0.643 à 0.582. Une telle évolution dénote l'amplification de ce phénomène dans le cadre institutionnel. En effet, seuls 9% des entreprises enquêtées déclarent que la corruption s'est relâchée par rapport à 2014 alors que 49% pensent qu'elle s'est accentuée. Dans le même registre, 29% des enquêtés révèlent qu'ils ont été contraints d'effectuer des payements informels dans le cadre de leurs opérations avec des institutions publiques. D'autres contraintes à caractère structurel entachent l'environnement des affaires. Il s'agit essentiellement du financement bancaire, surtout pour les PME, des pratiques anticoncurrentielles et de la fiscalité dont la réforme tant attendue devrait privilégier la simplification des procédures, la transparence, l'équité fiscale et la globalité. Baisse de l'absentéisme Sur la base des déclarations des entreprises, le taux d'absentéisme passe de 6.66% (soit 20.5 jours d'absence par employé en moyenne pour l'année 2013) à 4.87% en 2014 (soit 13.5 jours d'absence par employé) avec un manque à gagner estimé à 1.25% du chiffre d'affaires de l'année 2014. L'appréciation du climat des affaires est basée sur la perception que se font les chefs d'entreprise sur l'environnement réglementaire et institutionnel dans lequel ils opèrent et qui se rapporte aux domaines suivants: infrastructure, cadre macroéconomique et réglementaire, financement bancaire, fiscalité et charges sociales, situation sécuritaire, ressources humaines, procédures administratives et système judiciaire, pratiques dans le marché, corruption et situation politique.