Lors de sa première mouture présentée sous forme d'un décret-loi 41 ou dans sa version actuelle amendée, le projet de loi organique relatif au droit d'accès à l'information continue à créer des remous et faire débat tant au sein des médias qu'auprès de la société civile nationale. Après «Article 19», «Reporters sans Frontières», «I Watch», c'est au tour du Snjt et Al Bawsala de réagir au moment où l'ARP s'apprête à examiner, aujourd'hui, en séance plénière ledit projet de loi dont le contenu fait encore l'objet de controverses. Dans une conférence conjointe, tenue hier matin à Tunis, le Snjt et Al Bawsala ont rendu publique leur position commune à cet égard, formulant leur rejet catégorique qu'un tel projet de loi soit adopté dans sa version actuelle, avec les entorses faites au droit à l'information. C'est qu'au départ, le gouvernement l'avait, d'ailleurs, retiré en juillet dernier, juste après que la commission des droits, des libertés et des relations extérieures à l'ARP y a apporté des rectifications. Afin que le texte de loi en question soit ainsi conforme à la constitution, garantissant, effectivement, le plein droit d'accès à l'information, en consécration du principe de transparence et de démocratie. Depuis, une polémique à n'en plus finir et des réactions fusent de toutes parts. Sans que le gouvernement n'ait donné, jusqu'alors, justification à sa décision. Ce qui laisser planer une certaine incertitude et un flou persistant, censés provoquer désinformation et un contre sens inédit. Des exceptions anticonstitutionnelles Sur la lancée des suggestions déjà avancées, les organisateurs de la conférence, le Snjt et Al Bawsala, eux aussi signataires d'un communiqué mixte paru également le même jour, n'ont pas manqué de formuler leurs propres réserves sur l'article 24 dudit projet de loi, lequel a été jugé liberticide et contraignant. Celui-ci contient autant d'exceptions bafouant le droit d'accès à l'information et le vidant de son sens. Que stipule cet article? Il rejette toute demande d'information ayant trait à la sécurité et la défense nationale, aux relations internationales, aux intérêts économiques de l'Etat et des tiers, le déroulement des procédures devant les juridictions, la détection et la prévention des crimes, les délibérations, les échanges d'avis et de points de vue et les consultations et tout ce qui se rapporte à la vie privée des personnes, aux intérêts commerciaux et à la propriété intellectuelle. Que reste-t-il encore du tabou? De quel droit parle-t-on alors? Le droit de non-information? Bref, un article anticonstitutionnel, selon eux. Les élus à l'épreuve Raison pour laquelle le Snjt et Al Bawsala recommandent d'adopter les rectifications telles que formulées, au départ, par la commission des droits, des libertés et des relations extérieures à l'ARP avant le retrait du projet par le gouvernement. Il s'agit, en fait, des propositions suivantes : «l'organisme concerné peut refuser une demande d'accès à l'information si cet accès est préjudiciable à la sécurité, la défense nationale, aux relations internationales et aux droits d'autrui dans la protection de leur vie privée, leurs données personnelles et leur propriété intellectuelle». Et d'ajouter que ce préjudice, qu'il soit immédiat ou ultérieur, doit être évalué au moment de la présentation de la demande. Cependant, raisonnent-ils, «tout rejet doit prendre en considération l'élément de proportionnalité entre l'intérêt à protéger et la finalité de la demande d'accès. Il s'éteint avec l'extinction de ses motifs et le demandeur en est ainsi informé...». Un tel refus d'accès à l'information n'est donc pas absolu. A la seule condition que les exceptions émises à cet effet soient nécessaires, proportionnelles et soumises au contrôle juridictionnel, conformément aux dispositions fixées par la nouvelle constitution. Car, d'après eux, de telles exceptions vagues et anticonstitutionnelles, à l'instar de la protection des intérêts économiques de l'Etat, ne sont que des expressions biaisées souvent utilisées par le régime de Ben Ali. «L'obstination du gouvernement à faire passer pareille loi confirme sa volonté de porter atteinte à la liberté de la presse, ainsi que le droit des associations et des citoyens d'accéder aux informations et aux dossiers de corruption...», s'indignent-ils, appelant à faire front contre le projet de loi dans sa version actuelle. Et comme l'ARP tient aujourd'hui une séance plénière pour voter ce projet de loi, le Snjt et Al Bawsala l'ont bien sollicitée afin de ne pas l'adopter, tant qu'il n'est pas conforme à l'article 49 de la constitution, lequel défend et garantit ce droit d'accès à l'information. «Nos élus devraient faire preuve de responsabilité...», ainsi s'exprimait Mme Ons Ben Abdelkrim, présidente d'Al Bawsala, annonçant qu'elle va, ce matin, leur rendre compte de toutes ces critiques.