Salah Essayel, président du Conseil du marché financier (CMF) "Avec le constat que les activités génèrent des conséquences non seulement économiques et financières, mais également sociales et environnementales, l'idée d'une nécessaire publication d'information non financière de la part des entreprises s'est peu à peu imposée sur le plan international, donnant lieu à l'élaboration de diverses réglementations. La Tunisie s'est inscrite dans cette démarche avec la promulgation, en 2018, de la loi portant sur la responsabilité sociétale et qui vise à consacrer la conciliation des entreprises avec leur environnement social à travers la participation aux processus de développement durable et à la bonne gouvernance. S'agissant du marché financier, l'intégration de ce type particulier de reporting nécessite au préalable la mise en place d'une démarche pédagogique de sensibilisation des sociétés cotées à ces nouvelles problématiques. […] C'est une nouvelle notion qui va impacter positivement nos entreprises. Il s'agit en d'autres termes de l'ensemble des actions menées par une entreprise au-delà de ses obligations juridiques, pour contribuer aux enjeux de développement durable sur les plans social, environnemental et économique. L'introduction de cette notion est aussi un choix de solidarité. […] Lorsque nous soutenons les économies d'énergie, lorsque nous cherchons l'accès à une énergie propre, lorsque nous aspirons à des villes plus propres (Sfax et Gabès qui sont les victimes de la pollution), lorsque nous introduisons de nouveaux modes de transport, nous luttons contre les inégalités et nous faisons une Tunisie plus solidaire. Certes, nous sommes encore sur une démarche incitative qui repose sur l'adhésion volontaire des sociétés cotées à ce type spécifique de reporting. Cependant, le CMF, en tant que garant de la transparence du marché, va suivre de près l'évolution des pratiques pour s'assurer de la pertinence et de la qualité des informations mises à la disposition du public en général et des investisseurs en particulier". Nafaâ Ennaïfer, membre du comité directeur de l'Iace "L'économie de rente est protégée par des lois administratives. Là où on exige des autorisations, il y a l'économie de rente. C'est un système dont bénéficie un certain nombre de sociétés et d'individus. […] L'économie de rente, c'est donner la priorité au recrutement des proches des syndicalistes. C'est, aussi, laisser le monopole du marché aux mains d'une entreprise publique comme c'est le cas de Tunisair qui empêche l'activité de nouveaux opérateurs et qui entraîne, par ricochet, un manque à gagner en termes de recettes touristiques. C'est aussi l'ensemble des autorisations mises en place, même à l'export, à l'instar du certificat de sécurité que les petites entreprises sont dans l'impossibilité de fournir. L'économie de rente est un système que nous devons combattre parce qu'il est nocif, même la société qui en bénéficie va en pâtir parce qu'étant dans une situation de rente, elle va se reposer sur ses lauriers et n'évoluera pas. Il faut combattre le système et non pas l'entreprise qui a grandi parce que c'est elle qui crée les emplois. Il faut changer les lois pour libérer la voie aux nouveaux entrants. L'économie de rente favorise le développement de l'économie informelle, barre la route aux nouveaux opérateurs et empêche la concurrence". Houssine Dimassi, ancien ministre des Finances "Le pays passe par une crise inédite, sans précédent. C'est la plus grave crise économique depuis l'Indépendance. Personne ne peut prévoir ou estimer l'évolution de l'économie, parce que l'épidémie rôde encore et on se prépare à affronter un nouveau variant. Une nouvelle vague épidémique va, à coup sûr, se répercuter sur la croissance et elle va donc affecter les ressources propres du budget de l'Etat. Espérons que l'impact économique de cette nouvelle vague ne sera pas aussi lourd que celui des vagues précédentes. Mais personne ne peut prédire l'évolution de l'épidémie. Et personne ne peut prévoir, non plus, l'aboutissement des négociations avec le FMI. Moi, je pense que les pourparlers avec le FMI ne vont pas aboutir parce que, tout d'abord, l'institution n'a plus confiance en la capacité de la Tunisie à faire face à ses engagements. Cela se confirme par la dégradation de la note de la Tunisie à C qui signifie l'insolvabilité de l'Etat. De surcroît, la Tunisie est parmi les rares pays qui ont bénéficié de l'appui du FMI qui lui a donné sa chance à maintes reprises. Je ne pense pas qu'il va donner encore une fois cette chance à la Tunisie d'autant plus que les bruits de couloir disent que la nouvelle directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, n'est pas aventureuse. Elle devrait exiger la mise en application des accords précédents avant le démarrage de nouvelles négociations".