Les bienfaits économiques de la transition écologique ne sont plus à démontrer. Une étude récente, réalisée sous l'égide du ministère de l'Environnement avec l'appui de l'ambassade du Royaume-Uni, met à l'évidence les avantages socioéconomiques générés par les investissements dans la transition vers un développement durable à faible émission de carbone. Elle démontre que la valorisation énergétique des déchets, l'électrification du parc des véhicules et l'écologisation du ciment sont tout bénéfice non seulement pour l'environnement mais aussi pour l'économie du pays. A en croire l'étude " Les arguments économiques en faveur de l'atténuation en Tunisie", la lutte contre le changement climatique et plus particulièrement les efforts d'atténuation peuvent servir de tremplin vers une croissance verte et inclusive. Réalisée sous l'égide du ministère de l'Environnement avec l'appui de l'ambassade du Royaume-Uni, l'étude se veut un document qui met en évidence les avantages socioéconomiques de l'application des mesures d'atténuation dans trois secteurs, en l'occurrence les déchets, les transports et l'industrie. Elle révèle, en somme, que chacun de ces secteurs offre la possibilité de contribuer aussi bien à la réduction des émissions qu'au développement durable. Le rapport démontre que les investissements dans la transition vers une économie à faible émission de carbone constituent des choix économiques intelligents, favorables à l'emploi et à la croissance économique. Economiser plus de 20 millions de dollars grâce à la valorisation énergétique des déchets La première étude de cas s'intéresse au secteur des déchets. Elle se focalise sur la plus grande décharge du pays, Djebel Chekir, qui a été équipée d'un système de capture et de torchage en 2008. Le rapport révèle que l'installation d'un système de valorisation énergétique est tout bénéfice pour la région. Pour mettre au clair le fonctionnement de ce système, il sied de rappeler que la quantité de déchets solides ménagers produits en Tunisie augmente à un taux annuel moyen de 2,5 %. Cette hausse exponentielle due, entre autres, à l'urbanisation, pose un grand problème environnemental, car la décomposition des déchets, notamment solides, municipaux et industriels, produit des quantités importantes de méthane, un gaz à effet de serre ayant le potentiel de réchauffement le plus important. Le secteur des déchets est responsable de 7,2% des émissions annuelles de gaz à effet de serre de la Tunisie (3,1 MtCO2 e). L'étude de cas se concentre spécifiquement sur les avantages de l'introduction d'un projet énergétique dans les décharges contrôlées. Elle démontre que l'utilisation des gaz d'enfouissement pour la production d'électricité présente deux avantages principaux, à savoir la réduction des émissions et l'amélioration de la sécurité énergétique. Sur le plan environnemental, le système de valorisation énergétique des déchets permet de réduire de 12% les émissions de gaz à effet de serre. En termes économiques, l'exploitation du gaz de décharge LFG produit à Djebel Chekir permet d'économiser plus de 20 millions de dollars issus de l'importation de gaz naturel sur la période 2010-2024, soit 1,4 million de dollars par an en moyenne. Selon le rapport, ces chiffres révèlent l'ampleur des avantages que cette technologie pourrait apporter si elle était généralisée à toutes les décharges du pays, même si ces statistiques dépendent d'un certain nombre de facteurs, notamment la composition des déchets, les prix du gaz naturel, les taux d'efficacité de la collecte du gaz naturel et la capacité du moteur. En d'autres termes, ce nouveau système basé sur la récupération et le torchage des gaz d'enfouissement, permettra de produire de l'électricité et par conséquent contribuera à la satisfaction de la demande énergétique croissante du pays. Cependant, la mise en place de systèmes similaires nécessite des investissements et des financements assez importants. En effet, selon les estimations de la CDN, la Tunisie aurait besoin de 17 milliards de dollars sur la période 2015-2030 pour atteindre ses objectifs d'atténuation, dont 70 millions de dollars destinés au secteur des déchets solides. La transition vers l'électrification va générer de l'emploi La deuxième étude de cas porte sur l' électrification du transport routier qui est l'un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ( il représente le cinquième de toutes les émissions du pays). C'est un secteur énergivore puisqu'il accapare, à lui seul, 2,6 millions de tonnes d'équivalent pétrole par an dont 65% sont consommés sous forme de diesel et 26% sous forme d'essence. Le gaz naturel, le GPL, l'électricité et le carburéacteur constituent le reste. Ainsi, dans ce contexte où la consommation énergétique dans le secteur des transports ne cesse de croître, la mobilité électrique s'avère une véritable opportunité en termes d'investissement mais aussi de création d'emplois. L'étude conclut que le déploiement des véhicules électriques peut réduire les importations de combustibles fossiles et renforcer la sécurité énergétique. Il en ressort également que l'électrification du parc des véhicules peut engendrer une diminution des dépenses des ménages liées au transport, ce qui pourrait stimuler la consommation dans d'autres domaines de l'économie. L'analyse conjecture que le déploiement de 130.000 véhicules électriques d'ici 2030, pourrait entraîner une baisse significative de la consommation du pétrole pouvant atteindre 5,9 millions de barils. Ce qui équivaut à une réduction de 660 millions de dollars des importations de combustibles fossiles sur la période 2020-2030. Sur un autre volet, le document confirme que la suppression des émissions de gaz d'échappement peut faire gagner à l'Etat de l'argent dépensé dans la prise en charge des maladies chroniques du moment où il est prouvé que la mauvaise qualité de l'air entraîne des maladies cardiovasculaires et respiratoires, des cancers et des troubles de la reproduction et du développement chez les nourrissons. Ainsi, la réduction de la consommation de pétrole de 5,9 millions de barils d'ici à 2030 peut entraîner des bénéfices dans le secteur de la santé qui s'élèveraient à 260 millions de dollars. Par ailleurs, l'analyse quantitative de l'étude de cas s'est focalisée sur les opportunités de création d'emplois dans l'installation, l'exploitation et la maintenance des infrastructures de recharge. La transition vers l'électrification nécessite, en effet, l'installation de 5.000 points de charge d'ici 2025 et 14.000 d'ici 2030. Cela serait accompagné d'une création des emplois estimée à 910 emplois-année. Remplacer le clinker par du calcaire contribue au renforcement de la sécurité énergétique La troisième étude de cas s'est focalisée sur l'industrie, plus spécifiquement, le secteur du ciment. Sachant que la production du ciment est particulièrement énergivore étant donné qu' elle représente 10% de la consommation d'énergie primaire en Tunisie et 35% de la demande d'énergie du secteur industriel ( elle constitue 25% à 35% du coût total du produit), les avantages de la réduction du ratio clinker/ciment ne sont plus à démontrer. En réduisant le ratio clinker/ciment à 74 % d'ici 2030 (par rapport à une valeur initiale de 85 %), la Tunisie pourrait non seulement réduire les émissions associées à la production du ciment, mais elle devrait aussi économiser 330 millions de dollars en coûts énergétiques. Cette réduction de la consommation énergétique due à la substitution du clinker par du calcaire présente trois avantages. Tout d'abord, elle permet de limiter les coûts des intrants et par conséquent contribue à l'amélioration de la compétitivité des cimentiers, puisque l'énergie participe à hauteur de 35% du coût de la production du ciment. Deuxième avantage, le renforcement de la sécurité énergétique(en 2019, la Tunisie a importé le coke de pétrole avec une valeur de 100 millions de dollars de coke de pétrole). Troisième avantage, l'amélioration de la qualité de l'air : la réduction de la combustion de combustibles fossiles diminue la pollution atmosphérique. En effet, le coke de pétrole entraîne des émissions de dioxyde de soufre, qui aggravent les maladies respiratoires. A partir de ces trois études de cas, le rapport conclut que les investissements dans l'efficacité énergétique, ou le remplacement des importations par des alternatives produites localement (comme le gaz de décharge ou les énergies renouvelables) peuvent réduire la dépendance aux importations de combustibles fossiles et renforcer la sécurité énergétique. Egalement, le déploiement des technologies vertes peut stimuler l'emploi, à la fois pour les travailleurs qualifiés mais aussi pour les groupes vulnérables moins qualifiés. Le potentiel de création d'emplois peut être encore renforcé par le déploiement au niveau national des technologies vertes telles que les véhicules électriques et les composants d'énergie renouvelable. La réduction de la pollution atmosphérique peut favoriser l'amélioration de la santé de la population et donc la réduction des dépenses relatives à la prise en charge des maladies chroniques, telles que le cancer et les maladies respiratoires.