Réunis au Satellite Show, les acteurs du spatial misent sur une forte croissance «Cela fait quinze ans que je travaille dans l'espace et jamais le secteur n'avait été aussi animé», constate Clay Mowry, qui dirige Arianespace aux Etats-Unis. L'an passé, Arianespace a d'ailleurs conclu le contrat le plus fou de son histoire, pour lancer entre 2017 et 2019 la constellation OneWeb promue par Greg Wyler. Un contrat de 1 milliard de dollars qui prévoit pas moins de 21 tirs de fusée Soyouz. «Entre les fantastiques progrès technologiques et les milliardaires qui s'entichent de l'espace, l'aventure spatiale est à nouveau supercool aux Etats-Unis. Les jeunes Américains regardent les vidéos diffusées par Space X ou Blue Origin sur leurs essais de récupération des fusées avec autant d'enthousiasme que notre génération regardait la navette spatiale», ajoute-t-il. En 2015, le capital-risque a plus investi dans les start-up de l'espace qu'au cours des quinze dernières années. Mais si Richard Branson ou Jeff Bezos font rêver la jeunesse sur les futurs voyages spatiaux, les acteurs traditionnels du spatial, et notamment les opérateurs de satellites globaux comme Intelsat, Immarsat, Eutelsat, SES, ou Telesat, ont, eux, un immense marché en vue : la connectivité Internet. Réunis au Satellite Show cette semaine près de Washington, tous misent sur une forte croissance : qu'il s'agisse d'apporter Internet dans les avions, d'équiper les foyers qui habitent des régions reculées ou de répondre aux besoins des entreprises, chacun se demande comment prendre une place complémentaire de celle des opérateurs télécoms. «Par le passé, le satellite, c'était l'utilisation de la dernière chance, car cela coûtait trop cher et les performances étaient décevantes, en raison du temps de latence induit par leur positionnement en orbite géostationnaire (à 36.000 km de la Terre)», explique Steve Collar, PDG de O3b (groupe SES). «Mais, aujourd'hui, avec les constellations, le satellite est aussi performant que la fibre et ça change tout». «Pour donner un bon accès Internet aux 6 millions de foyers de France qui habitent les zones les moins densément peuplées, il faut mobiliser 40 milliards d'euros avec la fibre et seulement 3 milliards avec les satellites», souligne Rodolphe Belmer, le nouveau patron d'Eutelsat, pour qui l'industrie du satellite entre dans une nette «phase d'accélération». Reste à trouver la meilleure équation technique et financière pour entrer sur le marché du «broadband». D'un côté, les satellites classiques en orbite géostationnaire gagnent en puissance, sont fiables, voient leur durée de vie s'allonger grâce à la propulsion électrique et peuvent répondre à 90% des usages Internet. Seul défaut, le temps de latence les rend moins adaptés à certains usages qui réclament l'immédiateté comme les jeux en ligne. De l'autre côté, les constellations en orbite basse ou moyenne n'ont pas de problème de latence, mais elles offrent moins de puissance et sont plus compliquées à lancer et à gérer. Rester compétitif Au Satshow, un grand scepticisme régnait ainsi sur la capacité de OneWeb à lever les 2,5 milliards de dollars nécessaires au projet, après la première levée de fonds de 500 millions réalisée l'été dernier auprès d'Airbus, Qualcomm, Virgin, MDA, Intelsat, Coca-Cola, Hugues, Bharti et Salinas. «Gérer un tel nombre de satellites me paraît trop complexe, il y a à mon avis d'autres projets de constellation plus fiables comme LeoSat», pense Bertrand Maureau, chez Thales Alenia Space. Pour être compétitifs, les opérateurs de satellites doivent aussi baisser le prix des lancements. La patronne de Space X, Gwynne Shotwell, entend faire la course en tête. «Nous pensons pouvoir récupérer le premier étage de notre fusée Falcon X dans 75 % des tirs en orbite basse et dans 50 % des tirs en orbite haute, ce qui permettra de baisser le prix de 30 %», a-t-elle déclaré, tout en promettant que Space X ferait «voler un étage récupéré dans l'espace dès cette année». Le premier tronçon récupéré avec succès en décembre est en parfait état, a-t-elle affirmé.