L'approche médiatique face à l'attaque terroriste perpétrée contre la ville de Ben Guerdane n'a pas réussi à rassurer les Tunisiens mobilisés dans la guerre antiterroriste On a beau répéter que dans les moments de guerre, il faut bien que les médias suivent la démarche entreprise par le gouvernement en place et il faut bien aussi que les dissensions partisanes et les désaccords idéologiques disparaissent ou soient du moins reportés jusqu'à la victoire contre l'ennemi commun. En Tunisie, l'ennemi commun s'appelle aujourd'hui le terrorisme et les daechistes et pas uniquement ceux qui prennent les armes contre l'Etat et contre leurs compatriotes civils. Ce sont aussi ceux qui soutiennent Daech idéologiquement et essayent de minimiser sur les plateaux TV et les studios de radio les effets de l'hydre terroriste et proposent des analyses «savantes» et fournissent des révélations inédites de nature à semer le doute parmi la population, à atterrer notre confiance en la capacité des institutions sécuritaire et militaire à éradiquer le cancer daechiste et surtout à maintenir vivace la peur des daechistes «contre lesquels on a remporté une victoire mais pas la guerre. Les journalistes qui animent les talk-shows sur les radios et les TV cherchent par tous les moyens à obéir au code de conduite imposé par le Syndicat national des journalistes, à s'inscrire dans l'effort national et la mobilisation citoyenne antiterroriste et à éviter de tomber dans la recherche du buzz et du sensationnel. Malheureusement, ils n'ont pas réussi à empêcher les voix discordantes de toujours et les semeurs d'amalgame et de troubles de participer au débat qui a accompagné l'attaque terroriste perpétrée lundi 7 mars contre la ville de Ben Guerdane et d'imprimer ce débat de leur empreinte au point que plusieurs Tunisiens se posent des questions sérieuses sur la crédibilité de la version fournie par les autorités sur le déroulement de la même opération. Pas plus tard que dimanche soir, un député de l'Union patriotique libre, dirigée par Slim Riahi, originaire de Ben Guerdane et y ayant exercé plus de 16 ans en tant que magistrat a eu l'opportunité, lors de l'émission «Limam yajrouou fakat», de débiter durant près d'une heure un discours selon lequel les martyrs tombés dans la ville sous les balles des assaillants daechistes auraient pu être sauvés si on avait écouté son alerte et les informations détaillées sur l'attaque, informations qu'il assure avoir livrées, à temps, aux autorités sécuritaires régionales. «Et ces mêmes informations, j'ai essayé, ajoute-t-il, de les transmettre à M. Mohamed Ennaceur, président du Parlement. Mais, je n'ai pas réussi à être reçu par lui pour des raisons administratives, son secrétaire particulier m'indiquant qu'il était occupé et qu'il me convoquera plus tard, sauf qu'il ne l'a pas fait et l'attaque terroriste contre Ben Guerdane s'est bien produite selon le scénario que mes informateurs m'ont révélée». La bataille médiatique qu'il faut gagner «Les révélations ultra-confidentielles» révélées par le député de l'UPL, les informations publiées quotidiennement par les journaux sur la découverte de plusieurs dépôts où les armes les plus sophistiquées sont stockées, les aveux publiés par les daechistes arrêtés à Ben Guerdane selon lesquelles tout était planifié à l'avance pour installer un émirat daechiste à Ben Guerdane et les chiffres contradictoires qu'on découvre chaque jour sur le nombre des assaillants (lundi on parlait de 300 terroristes ayant participé à l'attaque alors qu'officiellement, on assure qu'ils sont 50 dont près de 47 ont été abattus ou arrêtés) constituent autant d'indicateurs sur la confusion qui règne toujours au plan médiatique et posent la question suivante: qui croire et quel crédit accorder à la version des autorités officielles représentées par les ministères de l'Intérieur et de la Défense nationale. Beaucoup de citoyens se demandent : n'est-il pas temps d'installer un bureau d'information central qui assumera la responsabilité exclusive de fournir aux citoyens les informations qu'il faut sur le déroulement de l'attaque terroriste de Ben Guerdane et sur les découvertes des caches d'armes ou autres plans terroristes dans d'autres régions du pays. Peut-on aussi s'inspirer des expériences des pays frères et amis, dont en premier lieu l'Algérie, qui a souffert une décennie durant de l'hydre terroriste, pour mettre en place une stratégie médiatique commune à laquelle s'astreindront toutes les parties impliquées dans la guerre antiterroriste et à leur tête «quelques sécuritaires qui livrent à certains médias les secrets et les détails des interrogatoires dès le premier jour de leur démarrage». Du côté de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haica), on se limite à déclarer : «Nous n'avons pas de compétence pour visualiser les émissions TV avant leur passage sur le petit écran. Notre intervention se confine à attirer l'attention sur les éventuels dérapages et à sanctionner les fautifs. Idem pour les radios privées et les radios du service public». Les responsables de la Haica oublient, cependant, que dans plusieurs pays occidentaux où la démocratie est vieille de plus de deux siècle, les conseils supérieurs audiovisuels (à l'instar du CSA en France) disposent du pouvoir d'arrêter les émissions TV dérapantes au moment même où elles sont diffusées en direct, et le téléspectateur découvre à l'instant même que son petit écran est devenu noir avec l'inscription: «Cette émission est interrompue pour violation des règles de la déontologie». Près de quatre ans après sa naissance, la Haica a besoin, estiment beaucoup d'analystes, «d'un grand coup de lifting qui en fera une véritable institution de régulation effective du paysage audiovisuel. Quant à la presse écrite et électronique, il est plus que jamais besoin qu'elle soit dotée du conseil de régulation promis par le syndicat national depuis les premiers jours de la révolution mais qui reste toujours l'objet de dissensions et surtout d'agendas et d'ambitions personnels».