L'artiste décompose et s'immisce dans la chair bétonnée, révélant ses cicatrices et ses failles. La galerie A. Gorgi (Ammar Farhat) abrite actuellement les œuvres de l'artiste Intissar Belaïd qui propose une lecture très personnelle de la cité et de l'urbain. Née au Kef en 1984, Intissar Belaïd est cinéaste de formation. Elle a suivi des études à l'Ecole supérieure de l'audiovisuel et du cinéma de Tunis, où elle a obtenu, en 2009, son diplôme national. Par la suite, elle décroche un master de recherche en cinéma à l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle en 2012, et réalise quatre courts métrages. Ces dernières années, elle s'affirme de plus en plus dans le monde des arts plastiques. Elle est ce qu'on appelle une artiste visuelle qui s'exprime à travers plusieurs médiums. Ayant déjà exposé à la galerie A.Gorgi, elle revient, cette fois, avec de nouveaux travaux autour du thème «Al Médina» (La ville). Prendre le temps de bien voir la cité, ses décors, ses murs, ses édifices, ses vides, ses pleins, sa lumière, ses rues, ses coins et recoins, ses revêtements et ses pierres... Sortir de cet état d'autisme imposé par les décors quotidiens et immuables, regarder au-delà des limites bétonnées et repenser la cité, tel est le parti pris pictural de l'artiste qui nous livre une lecture autre de la ville. Sortir de cet état de conditionnement imposé, de cette léthargie quotidienne, de ce décor coutumier pour l'appréhender en petites coupures et autres fragments photographiés, ou encore pour en broder ou coller, minutieusement, les séquences d'une réalité poétisée. L'artiste décompose et s'immisce dans la chair bétonnée, révélant ses cicatrices et ses failles. Elle zoome sur l'être des choses, délaissant le paraître pour raconter l'usure du temps. «Comme une image tremblotante et décomposée révèle les diverses strates qui la sous-tendent, une vision de la ville, dans toutes ses puissances métaphoriques, apparaît à l'artiste. Par ces fissures, par ces écarts, la ville se dévoile et ce qui gît en dedans transparaît. Les murs ne protègent plus : ils cachent, enferment, emprisonnent, inhument. C'est cette réalité que montrent, ouvrent, libèrent et exhument les œuvres de Intissar Belaïd en une série de poèmes visuels comme autant d'oraisons funèbres dédiées à nos âmes mortes errant dans la cité aux horizons murés, dans le monde, enfin, aux cieux oubliés», note l'universitaire Mohamed Ali Berhouma dans un très beau texte sur le travail de l'artiste. A voir absolument.