«Terminus», présentée, jeudi dernier, à l'espace El Teatro, dans le cadre d'un cycle sur le thème «L'avant-première des arts de la scène», est mise en scène par Dhafer Ghrissa et interprétée par 25 comédiens. La représentation n'a drainé que trois rangées de spectateurs, dont la plupart sont des parents et amis des comédiens. «Terminus» se déroule sur le quai d'une gare de train, propice au voyage et à l'aventure. Seulement, voilà, les protagonistes resteront sur place et entraîneront le public dans une quête de la vérité qui se révèle illusoire. La pièce est loin d'être une enquête-puzzle, dont le but consiste à reconstituer les morceaux d'une vie. Grâce à un dispositif narratif où se mêlent théâtre d'ombres et jeu de masques, sont évoquées des histoires de vie, dont celle de Hamza et Meriem, un couple en phase de rupture. Dans une gare, dont la porte est fermée et la clé perdue, un groupe de personnes font un voyage sans retour, pour sortir de leur crise. La gare désigne le lieu commun de toutes les rencontres. Hamza a quitté Meriem. Meriem tente de le récupérer. Il disparaît on ne sait où. Puis d'autres personnages, qui se trouvent fortuitement réunis dans l'attente d'un train qui ne viendra pas, ou d'autre choses, plus essentielles, qui se greffent à l'histoire. Trois vieux, une femme de ménage et puis un autre couple : une femme et un homme qui portent les mêmes noms que le premier couple. Tous ces personnages discutent, tissent des stratégies fragiles et des relations subtiles, apparemment banales, nourries d'humour et d'introspection lucide, troublées par un côté extraordinaire qui s'invite dans l'histoire et lui donne la dimension d'un conte moderne. Le réalisateur explore, tantôt avec tendresse, tantôt avec cruauté, les rapports amoureux, la peur de s'engager, et, à la fin de la pièce, la difficulté de se quitter. Au centre de cette pièce, un personnage-témoin, qui voit et ne voit pas, se présente comme le conteur de ce drame tragi-comique fort inspiré de En attendant Godot de Samuel Beckett. Le quai de la gare est un lieu tragique, un espace-temps imaginaire qui irrigue l'histoire et l'écriture dramatique. La narration brise la linéarité du récit par des interventions de danse, de masque, etc. L'alternance des dialogues et l'implication du public dans ces dialogues, imposent des ruptures de ton et de rythme. L'action se déroule dans un présent vague, la temporalité est brouillée. On distingue l'empreinte de Taoufik Jebali, initiateur du projet «L'avant-première des arts de la scène» et encadreur de l'atelier de théâtre, qui était d'ailleurs présent lors de la représentation. Le spectacle est assez cohérent dans son ensemble, soit au niveau du texte, de la mise en scène ou de la scénographie. Les comédiens, tous jeunes, ont bien tiré leur épingle du jeu, en incarnant des personnages qui se complètent. Ce qui n'est pas mal pour une première, en attendant la suite.