La galerie de Sidi Bou Saïd accueille une exposition de plusieurs artistes appartenant à différentes générations. Peintures, sculptures, installations et même performance (de Hamouda Ben Hassine lors du vernissage) sont ainsi offertes au regard des visiteurs. Sadok Gmach expose plusieurs œuvres qu'il intitule En attendant Godot, clin d'œil à la pièce de Samuel Beckett. Il s'agit de personnages placés en couple, en trio ou en groupe qui posent de profil ou de face. Telles des photographies ou portraits de familles, ces personnages présents-absents, sortes de mannequins impassibles aux nez démesurément allongés, aux yeux à peine esquissés (souvent les traits du visage disparaissent complètement pour donner à voir un ovale vide) surgissent d'un fond uni, fixent et interpellent le spectateur : que font-ils là, qu'attendent-ils, Godot ? La mort peut-être ! Ainsi fidèle à son univers énigmatique, Sadok Gmach nous met en présence de mannequins aux masques impénétrables. Les têtes d'Islam Khiari semblent dialoguer avec ceux de Gmach : hiératiques, elles sont rehaussées d'empreintes d'objets circulaires et des organes du corps de l'artiste comparables à des cibles. Malaise à la facture Pop art, où le visage est tranché ne subsistant qu'un œil, une bouche et un nez, renvoie directement aux sculptures de Mehdi Kriaa qui met en scène également des visages tranchés, coupés au cou allongé et disproportionné, disposés en groupe. Sur les pas de son père, inspiré par le théâtre de l'absurde, Nomen Gmach intitule son ensemble Les cantatrices chauves, du nom de la pièce d'Eugène Unesco. Autre référence l'opéra et la musique. Ainsi les œuvres sont intitulées Buterfly, Soprano, Vocalises, La flûte enchantée…Sa peinture abstraite à la matière riche donne la part belle à la célébration des couleurs : ocres, rouges dans le diptyque Corps et graphie et des tons bleutés dans la série La reine de nuit. l'univers musical, pictural et théâtral des liens se tissent et les œuvres se font écho, se répondent entre eux (les sculptures : Soprano et les peintures). Nebiha Guiga, entre grands et petits formats, exprime une quête, à travers ses Lieux en devenir, abstraite qui, «à l'image du monde dans lequel nous vivons où tout est en mouvement et rien n'est figé ni durable (…), essaie de rendre compte (…) de cette instabilité et de la fugacité de toute chose». Le temps qui passe, s'écoule et s'enfuit irrémédiablement, telle est la préoccupation de l'artiste. De même par ses Empreintes, Hbyba Harrabi interroge le temps. Dans des paysages naturels désertiques formés de surfaces en aplat ou même d'articles de journaux découpés et enroulés, elle place ses petites figurines en céramique qui semblent se perdre. Evocation de la mémoire, du passé et du présent, ces figurines s'entassent en un amas dans Tour de Babel que l'œuvre n'est pas plus volumineuse? Pour refléter davantage le grouillement, le fourmillement, le chaos autour de cette Tour biblique, symbole de l'ambition humaine réduite à néant par la divinité. Hamouda Ben Hassine a réalisé, quant à lui, une performance lors du vernissage dont les empreintes sont laissées au sol (éclaboussures noires) et sur des toiles où l'on voit les empreintes de ses mains ainsi que des coulures de peinture qui ne sont pas sans rappeler l'action painting avec de larges surfaces laissées en réserve. Néjoua Anène expose des photographies où elle dénonce la souffrance de la terre, la pollution et les dégâts causés par l'homme à la nature.