L'invasion russe de l'Ukraine, aussi sanglante et dure pour les civils qu'elle est, semble changer quelque chose dans le monde. Du moins dans le domaine des relations économiques internationales où la tendance de l'effritement progressif du modèle unilatéral américain se confirme. La Russie de Poutine, sans ressusciter la bipolarisation d'avant la chute de l'Urss, pousse vers une redistribution des cartes dans le monde. Et ce changement se confirme à travers les dossiers syrien, libyen et, dernièrement, ukrainien. Ce qui se passe en Ukraine n'est pas une simple invasion militaire musclée avec un déséquilibre des forces, c'est un territoire que Poutine est en train de marquer face à l'Occident et à l'Otan bien sûr. Les conséquences économiques et géopolitiques sont, alors, de plus en plus impressionnantes. On a même des conséquences culturelles et sportives. Ce n'est donc pas facile pour notre pays, affaibli par sa crise économique et par son poids économique microcosmique, de prendre une position engageante et significative. Ceux et celles qui dénoncent « la neutralité » de la diplomatie tunisienne (même si l'invasion russe a été contestée par notre diplomatie), attendent que nous tranchions vite comme d'autres pays qui nous sont différents et qui sont en posture économique différente. Est-ce une urgence que de se prononcer avec des propos violents et des actes fermes pour l'une des deux parties en conflit ? Sachant surtout que l'on a des ressortissants et des intérêts économiques dans les deux pays et surtout avec les donateurs européens qui pressent pour un parti pris en faveur de l'Ukraine. La position tunisienne sur ce conflit n'est pas du tout facile comme décision, et surtout elle n'est pas importante sur le plan politique. On décide de cette position selon plusieurs paramètres, en premier lieu économiques. Et après le Covid qui a ébranlé l'économie internationale, voilà que cette guerre va encore compliquer les souffrances économiques des pays comme le nôtre qui a besoin d'un financement international urgent et qui a besoin d'assurer une continuité d'approvisionnement en énergie et en blé aussi. Ce que la diplomatie tunisienne a exprimé jusque-là est assez sobre et astucieux : un appel à la négociation et une condamnation ferme de l'invasion russe sans aller très loin en faveur de l'une des deux parties. C'est bien lu, c'est bien réfléchi finalement à moins que les pressions européennes surtout ne finissent par changer la position tunisienne. Une chose est sûre, c'est un dossier compliqué et c'est des effets économiques considérables à court terme. Nous ne sommes pas un pays qui va peser dans ce conflit. Nous ne sommes pas une partie prenante. Ce qui compte pour nous, ce sont nos ressortissants et nos intérêts dans cette région chaude pour le moment.