Le déclencheur a été le 13 août 2013, lorsque toutes les femmes sont sorties en masse dans la rue, pour manifester leur colère contre le danger qui menaçait les droits des femmes C'est dans une ambiance festive que la clôture du mois de mars, le mois de la femme, a eu lieu mercredi dernier au Centre de recherche et d'étude sur la femme (Crédif), à Tunis. A travers une présence remarquée de figures féminines du milieu académique, des arts et de la culture, le coup d'envoi est donné vers 15 h avec l'arrivée de la ministre de la Femme et de la Famille, Samira Maraai. Dans son allocution de bienvenue, Dalenda Largueche a présenté la 21e édition du Prix Zoubeida-Bchir qui célèbre chaque année les écrits féminins dans diverses disciplines. Le prix, du nom de la poétesse pionnière des années 60, est devenu l'emblème de la rigueur scientifique et de l'originalité artistique. Les jurys étant composés d'éminents professeurs et spécialistes dans leurs domaines, « aucune complaisance n'est envisageable, les récompenses attribuées sont largement méritées » a tenu à faire valoir la directrice du Crédif. Un programme varié qui interpelle plusieurs expressions artistiques est concocté pour l'occasion, avec une exposition de peinture intitulée « Kaletha Mra » (Une femme l'a dit), de l'artiste Kaouther Ben Ayed, la projection d'un documentaire reprenant le parcours de la comédienne Zehira Ben Ammar, sur fond d'intermède musical présenté par la jeune violoniste Yasmine Azaiez. Les lauréates et leurs histoires C'est Mounira Daraaoui qui a obtenu le Prix de la création littéraire en langue arabe pour son livre « Obsessions de la dernière nuit ». Il s'agit de sa sixième publication, à ce détail près, les précédentes se classaient dans le genre de la nouvelle. Son titre primé Zoubeida Bchir 2015 présente une œuvre inaugurale dans le roman. Interrogée par La Presse, elle le raconte brièvement : « Le héros est Tunisien, homme ordinaire qui peut être un proche ou un ami, il subit un choc au cours d'une longue nuit où il se sépare de la femme qu'il aime. Tous les événements et les personnages se déploient durant cette nuit ». C'est une histoire dense, comme le décrit son auteure, serrée dans un espace temporel très court, une nuit. « C'est peut-être cela qui fait son originalité », sourit la romancière. Interrogée sur le problème séculaire opposant les écrivains tunisiens aux maisons d'édition, la lauréate ne s'est pas fait prier « Je n'ai trouvé aucun accord possible avec les maisons d'édition, lesquelles, à mon avis, exploitent l'auteur ». Résultat, Mounira Daraaoui a imprimé à ses frais 500 exemplaires qui ne sont pas encore tous distribués. « Nous vivons notre drame doublement, nous les écrivains des régions, je suis résidente à Makthar et j'ai du mal à faire éditer mes livres», a-t-elle avoué. La créatrice à l'honneur Le Prix de la création littéraire en langue française est attribué à Aicha Ibrahim pour son ouvrage « Jardins secrets du Belvédère » ; le Prix de la recherche scientifique en langue arabe attribué à Aycha Taieb pour l'étude « Les conditions des habitants et les cheminements du développement dans le pays arabe : étude sociologique pour les systèmes et les acteurs » ; le Prix de la recherche scientifique en langue française n'a pas été attribué, et enfin, le Prix de la Recherche autour des femmes tunisiennes ou l'adoption de l'approche genre a été décerné à Najet Fakhfakh pour son ouvrage « La Liberté en héritage : Journal d'une Tunisienne ». Interrogée sur l'élément déclencheur de son journal, Najel Fakhfakh, visiblement heureuse, se rappelle : « Le déclencheur a été pour moi le 13 août 2013, lorsque toutes les femmes sont sorties en masse dans la rue, la nuit, pour manifester leur colère contre le danger qui menaçait les droits des femmes. Lors que j'ai vu cette masse de femmes de tous bords, toutes classes et générations confondues, soudées autour d'une même idée, j'ai trouvé que ces femmes sont touchantes et fantastiques, et qu'il fallait que je découvre ce qui a fait que ces Tunisiennes sont ce qu'elles sont. J'ai parcouru notre histoire, les femmes qui l'ont marquée. J'ai constaté donc que rien n'est fortuit, ou la fruit du hasard, il y a des facteurs réels et objectifs, et une accumulation historique, ce sont des femmes et des hommes qui y ont contribué», a-t-elle analysé, un brin fière. Une fois la rencontre achevée, reste l'effet, il est fait de fierté et de reconnaissance aux pionnières, et à qui de droit. Au bout de vingt et une éditions, le Prix Zoubeida-Bchir est une institution reconnue qui honore la créatrice, la chercheuse et l'artiste, et une pierre de plus apportée à cet édifice, autrement appelé la spécificité tunisienne.