Rejetant le projet de loi soumis par le gouvernement au Parlement, l'Ugtt recourt à Mohamed Ennaceur et lui présente ses propositions Entre l'Ugtt et le gouvernement Habib Essid, les relations ne sont pas au beau fixe. C'est le moins qu'on puisse dire à la faveur des derniers développements survenus, ces derniers jours, sur la scène politique nationale concernant plus particulièrement le projet de loi sur le relèvement de l'âge de départ à la retraite dans le secteur public. Mahmoud Ben Romdhane, ministre des Affaires sociales, est dans le viseur de la Centrale syndicale qui l'accuse ouvertement d'avoir renié purement et simplement les accords conclus entre l'Ugtt et l'ancien ministre des Affaires sociales Ammar Youmbaii (considéré comme proche de l'Ugtt, voire le ministre de la place Mohamed-Ali au sein du gouvernement Essid) et de «porter atteinte à la continuité de l'Etat» en voulant imposer «un projet unilatéral». Le ministre des Affaires sociales a beau réendosser son tablier d'enseignant universitaire et faire appel à ses dons d'économiste qui ne jure que par les chiffres pour convaincre les mécontents et les contestataires que les caisses de sécurité sociale, en premier lieu la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (Cnrps) vont couler au cas où le système actuel de départ à la retraite serait maintenu, malheureusement son argumentation et les chiffres alarmants qu'il a sortis des tiroirs de son ministère n'ont pas réussi à convaincre les syndicalistes qui campent toujours sur leurs positions, appelant «les députés membres de la commission parlementaire de législation générale à s'abstenir de soumettre le projet gouvernemental à la plénière de l'ARP en attendant de finaliser le projet consensuel dans le cadre de la transparence». Les propos contenus dans le communiqué publié jeudi 31 mars par l'Ugtt sont clairs et précis : le projet soumis par le gouvernement au Parlement est à mettre de côté, en attendant la soumission «du projet consensuel dans le cadre de la transparence». Et les syndicalistes de la place Mohamed-Ali n'ont pas mis beaucoup de temps pour dévoiler les composantes de ce projet consensuel comme ils l'entendent. Seulement, cette fois, ils ont préféré aller révéler à Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple, les clauses et les dispositions qu'ils veulent voir incluses dans le texte du projet de loi sur le relèvement de l'âge de départ à la retraite. Vendredi 1er avril, Houcine Abassi, secondé par Abdelkrim Jerad, membre du bureau exécutif de l'Ugtt, est allé à la rencontre du président du Parlement et lui a présenté «la position de l'Ugtt sur le projet de loi controversé». Ce sont là les propos contenus dans la déclaration publique diffusée par le département communication de l'ARP. Dans la même déclaration, on nous informe que le président du Parlement, «conciliateur dans un dossier social délicat, s'est dit prêt à écouter les propositions avancées sur cette question par les différentes parties concernées». Pour conclure, le communiqué du Parlement rappelle que «l'objectif est de parvenir, en dernier ressort, à élaborer un texte de loi «consensuel» (les guillemets figurent bel et bien dans le communiqué) qui réponde aux attentes, tout en étant en phase avec les exigences de l'étape». Voilà pour les faits tels que relatés officiellement dans des communiqués qui nous rappellent une époque révolue quand le président de la Chambre des députés rendait compte au président de la République des activités de la chambre, de son programme d'avenir et écoutait les recommandations pour que l'action parlementaire aille de pair avec les exigences et les défis de l'étape. Aujourd'hui, c'est le président du Parlement qui écoute les doléances, rencontre les mécontents (on se rappelle ses nombreuses conversations et promesses de médiation aux enseignants du secondaire à l'époque où ils étaient en guerre ouverte avec Néji Jelloul, ministre de l'Education), promet d'intervenir personnellement auprès des députés récalcitrants pour les ramener à de bons sentiments et à reconsidérer leur perception de ce consensus, la solution magique à tous les problèmes que connaît la Tunisie post-révolution. Nul n'est en droit de reprocher à Mohamed Ennaceur son attachement à la réconciliation et sa passion pour les consensus. Toutefois, reste une question à poser: comment va-t-il faire au cas où toutes les organisations professionnelles et les associations nationales et internationales de la société civile décideraient de camper devant son bureau pour solliciter ses bons offices quand leurs demandes ou leurs caprices sont délaissés par les députés ?