Le réseau EuroMed Droits a organisé une conférence de presse, jeudi dernier, dans ses locaux, avec la participation de M. Kamel Jendoubi, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme, M. Johannes Hahn, commissaire européen à l'Elargissement et à la Politique européenne de voisinage, et M. Michel Tubiana, président d'EuroMed Droits. Cette conférence a porté sur les recommandations émis par ce réseau autour de la réforme de la justice, les droits économiques et sociaux, la lutte contre le terrorisme, les droits des femmes et les libertés individuelles, dans le cadre du lancement de la deuxième phase du projet « Mobilisation de la société civile dans le suivi du dialogue tripartite société civile -TN- UE ». Bilan terne L'enjeu majeur de ce projet pour ce réseau consiste à créer et à pérenniser un dialogue et une concertation entre la société civile et les représentants des pouvoirs publics, tant tunisiens qu'européens, autour des questions et défis majeurs qu'affronte la Tunisie aujourd'hui. Il base ce dialogue sur des propositions qu'il qualifie de précises et réalistes qui prennent en compte l'ensemble des enjeux auxquels fait face la Tunisie, avec la nécessité de respecter les droits de l'Homme, les libertés, la souveraineté nationale et le droit des générations futures aux richesses du pays. Au défi de concrétisation de la Constitution de 2014 ainsi que des conventions internationales ratifiées par la Tunisie, par le biais de l'harmonisation de tout l'arsenal législatif existant, viennent s'ajouter le défi sécuritaire et la lutte contre le terrorisme qui sont un sujet d'inquiétudes grandissantes pour les organisations de la société civile nationale et celle internationale qui déplorent le risque d'instrumentalisation du contexte sécuritaire et de la lutte antiterroriste pour porter atteinte aux libertés fondamentales, notamment les libertés d'expression, d'association et de réunion. Dans ce contexte peu propice aux investissements, les difficultés économiques et sociales, à l'origine du soulèvement populaire de janvier 2011, demeurent entières. Les questions de chômage ainsi que celles des disparités régionales et sociales attendent toujours l'adoption d'un nouveau modèle économique, capable de trouver des solutions. Cette solution est d'autant plus urgente que de violents mouvements sociaux continuent à secouer le pays et à le fragiliser. D'autre part, contrairement aux avancées considérables accomplies dans la promotion et la protection des libertés collectives depuis les soulèvements de 2011, les derniers mois ont été marqués par une montée alarmante des violations des libertés individuelles, à travers un harcèlement juridique et policier et des atteintes répétitives à l'intégrité physique et morale des individus, ainsi qu'au droit à la vie privée. Réparer les préjudices Pour apporter des solutions à cette situation très critique, EuroMed Droits propose quelques recommandations, qui ont été mises en place avec le soutien de l'UE, conjointement avec plus de soixante ONG nationales des plus actives de la société civile tunisienne. Tout d'abord et concernant les défis sécuritaires auxquels fait face la Tunisie, et qui sont aggravés par les récentes attaques terroristes, le réseau EuroMed Droits appelle à lier les impératifs de prévention et de lutte efficace contre le terrorisme, au plein respect des droits humains et à assurer la sécurité des magistrats et des agents de sécurité, tout en garantissant le maintien d'un Etat de droit respectueux des libertés fondamentales. Comme il appelle à assurer toutes les exigences d'un procès équitable pour toutes et tous. Ensuite et pour ce qui est de l'Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) entre la Tunisie et l'UE, et étant donné le caractère asymétrique des relations entre la Tunisie et l'UE, EuroMed Droits appelle à envisager, dans les relations, davantage de souplesse qui autoriserait le recours à des mesures d'exception et à concevoir l'Aleca dans un cadre de coopération plus équitable. Quant à la lutte contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination et la protection des libertés individuelles, EuroMed Droits appelle à une harmonisation du Code pénal et du Code de procédure pénale avec la Constitution et les conventions internationales, à commencer par l'élimination de toutes les dispositions discriminatoires envers les femmes, les minorités et les groupes vulnérables, devant la loi et dans la loi. EuroMed Droits appelle également, dans ce cadre, à réviser la loi 52 relative aux stupéfiants ainsi que les articles 125, 226, 226 bis, 227, 227 bis, 230, 231 et 232 du Code pénal qu'il dit instrumentalisés par les forces de l'ordre pour porter atteinte aux libertés individuelles. Enfin, pour instaurer l'égalité de genre et lutter contre toutes les formes de discrimination et de violences à l'égard des femmes, EuroMed suggère l'adoption d'une législation adéquate et la ratification des conventions internationales s'y rapportant.