Redonner la parole aux jeunes et montrer, à travers plusieurs exemples euro-méditerranéens, que la volonté est là, que des solutions existent et que les jeunes ont un vrai rôle à jouer dans cette Méditerranée qui ne peut se construire sans eux Une conférence sur l'employabilité des jeunes en Méditerranée a été organisée, jeudi 14 avril à Marseille, par l'Office de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient et l'Ecole de la deuxième chance de Marseille, dans le cadre du programme Méditerranée Nouvelle Chance (MedNC) qui consiste à développer un réseau de dispositifs d'insertion professionnelle, destinés à soutenir les jeunes méditerranéens dans leur accès à l'employabilité. Soutenu par l'Union pour la Méditerranée (UPM), la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Agence française de développement, cet évènement s'est démarqué par sa volonté de donner la parole aux jeunes. Ainsi, plus de 120 personnes se sont réunies en conclave pour débattre de cette épineuse question qui ronge l'espace méditerranéen et menace sa stabilité. Au total, 35 intervenants issus de 7 pays sont venus expliquer les actions menées en faveur de l'employabilité des jeunes en Méditerranée. Labellisé par l'Union pour la Méditerranée, le réseau Méditerranéen Nouvelle Chance (Mednc) s'est imposé comme une initiative consistant à développer un réseau pérenne de dispositifs d'insertion professionnelle, destiné à soutenir les jeunes des deux rives de la Méditerranée. L'objectif de cette conférence est de redonner la parole aux jeunes et de démontrer, à travers plusieurs exemples euro-méditerranéens, que la volonté est là, que des solutions existent et que les jeunes ont un vrai rôle à jouer dans cette Méditerranée qui ne peut pas se construire sans eux. L'objectif de cette conférence, articulée sur deux séances, est de redonner la parole aux jeunes et de démontrer, à travers plusieurs exemples euro-méditerranéens, que la volonté est là, que des solutions existent et que les jeunes ont un vrai rôle à jouer dans cette Méditerranée qui ne peut pas se construire sans eux. La matinée a permis de donner la parole aux jeunes bénéficiaires des programmes méditerranéens d'insertion professionnelle. Un débat a été engagé entre des jeunes leaders des deux rives de la Méditerranée, suivi d'échanges entre jeunes aidés et entreprises aidantes. La séance de l'après-midi a, quant à elle, été consacrée aux experts avec au programme deux tables rondes : «Quelles politiques publiques pour développer l'employabilité des jeunes?» et «L'employabilité des jeunes au cœur de la démarche RSE des entreprises». Zied Laâdhari, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, qui présidait la table ronde sur les politiques publiques, a fait part de son engagement pour cette cause. Il a toutefois souligné que la question de l'emploi n'est pas exclusivement du ressort des gouvernements, exhortant les acteurs de la société civile et les organisations internationales à déployer plus d'effort pour soutenir les stratégies d'emploi mises en place. Il a considéré que l'espace méditerranéen, qui fait face à un ensemble de défis communs, peut être générateur d'emplois aussi. Il a formé le vœu de voir ce rendez-vous ancrer la capacité des acteurs publics et du monde économique du pourtour méditerranéen à capitaliser sur la jeunesse et sur les atouts de la coopération. Un chômage insupportable Auparavant, les intervenants ont fait le constat. La Méditerranée rencontre de grandes difficultés pour insérer sa jeunesse et la formation actuelle ne délivre plus les compétences requises par les entreprises. Enfin, les femmes restent en général les plus exposées et nombre d'entre elles intègrent la catégorie des jeunes découragés qui renoncent à rechercher un emploi et s'excluent de la société. Le désespoir généré par cette situation pèse lourdement sur la stabilité de la région euro-méditerranéenne qui est exposée à la radicalisation des nouvelles générations. Le chômage des jeunes est un terreau fertile pour les dérives extrémistes, et pour la marginalisation des populations concernées qui se trouvent parfois contraintes à des actes désespérés. Pour appréhender l'ampleur du sujet, il y a lieu de noter que le taux de chômage des jeunes dans les pays méditerranéens est parmi les plus élevés au monde : 25% en moyenne, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Cette problématique concerne autant les pays de la rive sud que ceux de la rive nord. En effet, la moyenne européenne est de 23% avec des pics importants pour les pays du Sud: plus de 50 % pour la Grèce et l'Espagne, plus de 40 % pour la Croatie et l'Italie, plus de 30% pour le Portugal. Au Maghreb et au Machrek, le chômage des jeunes est trois fois plus élevé que pour les adultes, un jeune sur trois est un « travailleur pauvre » et les études universitaires sont de moins en moins une garantie fiable d'emploi. Education : réviser le système Dans son allocution d'ouverture, le professeur Jean Louis Reiffers, président du comité stratégique de l'Institut de la Méditerranée, président de l'E2C Marseille et ambassadeur du Réseau MedNC, a assuré que « toute politique de formation et d'éducation ne pourra générer des emplois en nombre suffisant si la demande finale est atone. A côté de cette condition nécessaire de nature souvent conjoncturelle, il en est une autre qui nécessite, pour se réaliser, une action à plus long terme: c'est l'évolution du système éducatif et de formation ». Sa première constatation est que les pays du Maghreb souffrent de difficultés semblables à celles des pays européens qui bordent la Méditerranée (France, Espagne, Italie notamment) avec une orientation quasi exclusive des systèmes d'éducation vers les deux premières fonctions du système éducatif, à savoir le développement de la personne et la socialisation (sanctionnés par le diplôme) et ce, au détriment de la troisième: l'employabilité, qui repose souvent sur des compétences spécifiques appuyées sur des traits de caractères particuliers. De ce fait, des cohortes importantes arrivent à l'âge adulte sans aucun diplôme, ni accréditif de compétences quelconque, soit parce qu'ils ont quitté l'école au collège, soit parce qu'ils ont échoué à l'examen de fin du cycle secondaire. M. Reiffers a dans le même sillage pointé du doigt la dévalorisation sensible de la formation professionnelle qui se traduit dans les choix d'orientation (dans plusieurs pays méditerranéens la formation professionnelle intéresse moins de 20% des élèves) et mis en cause la centralisation excessive du pilotage des dispositifs de formation professionnelle qui fonctionne du haut vers le bas sans que les centres de formation eux-mêmes aient la possibilité de prendre des initiatives, en particulier en développant sur leur territoire les relations avec les entreprises. Une priorité pour l'UPM Sergi Farré, conseiller diplomatique et porte-parole du secrétariat de l'UpM, a déclaré au cours de cette journée que «les pays du sud et de l'est de la Méditerranée observent une croissance rapide de leurs populations en âge de travailler. Près de 60 % de la population de la région a aujourd'hui moins de 30 ans et il est prévu que la proportion des jeunes de moins de 15 ans augmente de plus de 18 % d'ici à 2020. Ce chiffre représente un atout pour la région. Par conséquent, le développement des programmes régionaux positifs et orientés vers l'action, axés sur l'employabilité des jeunes, est indispensable pour mettre en valeur le potentiel économique et humain de la région». Et d'ajouter que « investir en développement humain à travers la coopération dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, en mettant l'accent sur l'employabilité des jeunes est, à long terme, l'outil le plus efficace pour la stabilité et l'intégration régionale ». Il a par ailleurs souligné que « la jeunesse est notre avenir. L'accès au marché du travail est une des clés de sa réussite. Améliorer l'employabilité des jeunes est donc une priorité clé pour l'Union pour la Méditerranée, une priorité partagée pour construire la Méditerranée de demain». Des initiatives et des solutions Faut-il pour autant baisser les bras et accepter la fatalité ? Que nenni ! Des initiatives ont pris forme en Europe pour pallier ce fléau. Parmi les réponses proposées, le réseau Méditerranée Nouvelle Chance (MedNC) s'est imposé comme une initiative consistant à développer un réseau pérenne de dispositifs d'insertion professionnelle, destiné à soutenir les jeunes des deux rives de la Méditerranée, et notamment les jeunes femmes, dans leur accès à l'employabilité. Labellisé par l'Union pour la Méditerranée, MedNC s'inscrit dans l'initiative Med4Jobs et dispose du soutien politique des quarante-trois pays membres de l'UpM. Soutenu par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Agence française de développement, piloté par l'Office de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient (Ocemo) en collaboration avec l'Ecole de la deuxième chance de Marseille, ce programme de coopération mobilise les partenaires publics, privés et de la société civile du nord et du sud de la Méditerranée avec pour objectif de redonner aux jeunes exclus fierté et dignité, en favorisant un dialogue renouvelé, porteur d'intégration. A ce jour, le Réseau MedNC a permis la réalisation de transferts de savoir-faire à forte valeur ajoutée, la création de dispositifs novateurs et l'émergence de réseaux nationaux regroupant des dispositifs locaux. MedNC est un référent en termes de partenariats stratégiques et d'innovation afin de renforcer la coopération et l'intégration régionale, de dynamiser les échanges Sud-Sud et Sud-Nord et de contribuer, in fine, à une croissance durable et équitable. « Comment pouvons-nous raisonnablement imaginer que nos enfants, les décideurs de demain, sont des citoyens qui ne peuvent s'intégrer professionnellement qu'au bout d'un long parcours où le débouché n'est souvent que le fruit du hasard ? Cette responsabilité, nous la portons tous, elle nous implique tous car nous sommes, nous les actuels locataires de cette Méditerranée, les garants du contrat social avec les jeunes générations. A travers les actions portées par l'Ocemo, et notamment le programme MedNC, mais pas uniquement celui-ci, nous avons décidé de faire avancer les choses, de bousculer les standards et de construire, sur le terrain, des solutions. Nous ne sommes pas seuls. C'est la force du Réseau », a affirmé, lors de cette journée, Pierre Massis, délégué général de l'Ocemo, coordinateur du Réseau MedNC. Le droit à une deuxième chance Ainsi, des actions concrètes pour transformer la vie des jeunes chômeurs ont été mises en place. C'est par exemple le cas de la France, qui avec une cinquantaine d'écoles de la Deuxième Chance (E2C), réparties sur une centaine de sites, propose un accompagnement global (remise à niveau des savoirs de base, expérience en entreprise et accompagnement social) pour favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sortis sans diplôme du système scolaire, les « décrocheurs ». 15.000 jeunes ont été accueillis en 2015, soit 10% environ du volume total des décrocheurs, avec des taux d'insertions positives qui oscillent entre 50 et 60%. Gilles Bertrand, directeur général de l'E2C Marseille explique le concept : « L'exclusion, lorsqu'on a vingt ans, n'est pas une fatalité. C'est un immense gaspillage, pour ceux et celles qui en souffrent mais aussi pour la société dans son ensemble. L'intuition qui a inspiré la création de l'Ecole de la deuxième chance de Marseille, il y a presque vingt ans, est plus actuelle que jamais: on peut avoir des compétences et du talent sans avoir trouvé sa place dans le système éducatif classique. Le pari des Ecoles de la deuxième chance repose sur plusieurs piliers: une pédagogie entièrement individualisée, un rôle central des entreprises, un suivi rapproché des stagiaires et des difficultés personnelles et professionnelles qui les freinent dans leur insertion. C'est un pari intensif, en temps et en ressources humaines, mais c'est un pari qui fonctionne. En Espagne, face aux défis des jeunes décrocheurs qui dépassent les 50%, des initiatives ont développé localement des réponses concrètes qui s'adressent aux jeunes de 14 à 24 ans, déscolarisés, sans diplôme ni emploi. José María Usón, président du Réseau des Ecoles de la Deuxième Chance Espagnol (E2O) décrit le concept :« Notre modèle E2O (Escuelas de Segunda Oportunidad) est basé sur une intervention intégrale auprès des jeunes, non seulement pour les former et les aider à trouver un travail, mais aussi pour les accompagner sur l'ensemble de leur réalité sociale: logement, vivre ensemble, famille, santé, etc. Cette spécificité est pour nous un modèle de réussite qui permet véritablement l'insertion sociale et professionnelle des jeunes ». Au Sud de la Méditerranée, les acteurs publics, privés et de la société civile sont également très mobilisés. Au Maroc, la Fondation OCP a lancé un programme «Actions sociales et accompagnement de la jeunesse» qui a bénéficié en 2015 à des milliers de jeunes. En Algérie, les groupes Danone et Cevital se sont associés à la Chambre algérienne de commerce et d'industrie pour créer une école de vente réservée aux jeunes sans emploi et sans diplôme. En Tunisie, le ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle a lancé en 2016, en collaboration avec la société civile, son programme «Forsati» qui vise à l'insertion professionnelle de milliers de jeunes demandeurs d'emploi. Dans le même sillage, Zeineb Fourati, directrice générale, Association Nouvelle Chance Tunisie, Coordinateur national du Réseau MedNC en Tunisie a lancé, en 2015 un programme «Iscae Nouvelle Chance» destiné aux jeunes diplômés chômeurs de l'Institut supérieur de comptabilité et d'administration des entreprises (Iscae). « Cette initiative porte sur la construction d'un projet professionnel, l'aide à la recherche d'emploi, le renforcement des «soft skills», la participation à des stages ciblés et l'encadrement social. Ce projet pilote a permis de prendre en charge, 2015, une première promotion de 22 jeunes diplômés chômeurs dont 19 jeunes femmes avec un taux de réussite de 70%. En 2016, en plus du renouvellement du programme à l'Iscae avec 15 apprenants, l'Anct a élargi son dispositif à l'Institut supérieur de gestion de Tunis avec 26 apprenants et à l'Institut supérieur des enseignements technologiques Charguia avec 17 apprenants », explique-t-elle. Enfin, au Liban et en Egypte, l'Iecd a développé, en partenariat avec Schneider Electric, le programme «Graines d'espérance», qui encourage l'insertion professionnelle par la formation aux métiers de l'électrotechnique.